Philippe Sollers, l’écrivain qui aimait les fées, s’est éteint à 86 ans
L’auteur de “Femmes”, “Paradis” et “Légende” s’est éteint vendredi à Paris. Il laisse une œuvre prolifique et provocatrice, marquée par son goût pour la liberté, la beauté et le sacré.
Il aimait à dire qu’André Breton lui avait dédicacé un livre en ces termes : “A Philippe Sollers, aimé des fées”. Il faut croire que les fées ne l’ont pas quitté de sitôt, tant sa vie et son œuvre ont été placées sous le signe du bonheur, de la création et de l’audace. Philippe Sollers, l’un des écrivains français les plus célèbres et les plus controversés du XXe siècle, est mort vendredi 5 mai à Paris, à l’âge de 86 ans, a annoncé sa maison d’édition Gallimard.
Né Philippe Joyaux le 28 novembre 1936 à Talence, près de Bordeaux, il adopte très tôt le pseudonyme de Sollers, qui signifie “tout entier art” en latin. Fils d’une famille bourgeoise et catholique, il se destine à la littérature dès son adolescence, encouragé par le poète Francis Ponge. Il publie son premier roman, “Une curieuse solitude”, à 22 ans, et reçoit les éloges de François Mauriac et de Louis Aragon. Il devient rapidement une figure du Tout-Paris littéraire, fréquentant Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Roland Barthes ou encore Jacques Lacan.
Fondateur des revues “Tel Quel” et “L’Infini”, il se fait le chantre d’une littérature novatrice et anticonformiste, influencée par le surréalisme, le marxisme et la psychanalyse. Il expérimente des formes narratives originales dans des romans comme “Lois” (1972), “Paradis” (1981) ou “Légende” (2021), son dernier ouvrage. Il connaît un succès populaire avec “Femmes” (1983), un roman érotique qui se vend à plus d’un million d’exemplaires.
Amoureux des arts et des lettres, il publie aussi de nombreux essais critiques sur des auteurs qu’il admire, comme Proust, Rimbaud, Baudelaire, Dante ou Shakespeare. Il consacre également des livres à Venise, sa ville de prédilection, à la musique classique ou à la peinture. Il collabore régulièrement au Monde des livres et participe à des émissions de télévision où il fait preuve d’un sens de la répartie et d’une ironie mordante.
Provocateur et polémiste, il n’hésite pas à s’attaquer aux institutions culturelles, aux idéologies dominantes ou aux écrivains qu’il juge médiocres. Il se brouille avec plusieurs de ses amis et suscite des réactions hostiles dans le milieu littéraire. Il est notamment accusé d’être narcissique, élitiste ou réactionnaire. Il répond à ses détracteurs avec humour et panache : “Je suis venu, j’ai vécu, j’ai rêvé”, écrit-il dans “Agent secret” (2021).
Philippe Sollers laisse derrière lui une œuvre foisonnante et singulière, qui témoigne de sa passion pour la liberté et les beautés de ce monde. Il a rejoint, selon les mots de Gallimard, “la vérité du grand merveilleux silence”.
Innocent KONAN
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