Tunisie: Les éditeurs tunisiens en colère après la visite du président Saïed au salon du livre
La visite du président de la République Kaïs Saïed au salon du livre de Tunis, le vendredi 28 avril 2023, a suscité la colère et l’indignation de plusieurs éditeurs tunisiens, qui ont dénoncé une « instrumentalisation politique » et un « manque de respect » à l’égard de la profession.
Le chef de l’Etat, qui a inauguré la 37ème édition de la Foire internationale du livre de Tunis (FILT), qui se tient du 28 avril au 7 mai 2023 au Parc des Expositions du Kram, a prononcé un discours dans lequel il a critiqué la situation politique, économique et sociale du pays, ainsi que le rôle des médias et des partis politiques. Il a également appelé à une « révolution culturelle » et à une « renaissance nationale » basées sur les valeurs de la civilisation tunisienne.
Le président Saïed a ensuite parcouru les stands du salon, accompagné d’une forte escorte sécuritaire et d’une foule de partisans qui scandaient son nom et brandissaient son portrait. Il a salué quelques auteurs et éditeurs, mais sans s’attarder ni s’intéresser aux livres exposés. Il a également ignoré les revendications des professionnels du livre, qui souffrent d’une crise sans précédent à cause de la pandémie de Covid-19 et qui réclament des mesures de soutien et de relance.
Plusieurs éditeurs ont exprimé leur mécontentement et leur déception face à cette visite, qu’ils ont jugée « inopportune » et « déplacée ». Ils ont estimé que le président Saïed a utilisé le salon du livre comme une tribune politique pour s’adresser à ses partisans, sans se soucier des problèmes du secteur culturel ni du respect des gestes barrières. Ils ont également déploré le fait qu’il n’ait pas dialogué avec les acteurs du livre ni acheté un seul ouvrage.
Parmi les éditeurs mécontents, on peut citer Mohamed Ali Ben Hamouda, directeur des éditions Arabesques, qui a affirmé sur sa page Facebook : « Le président Saïed est venu au salon du livre pour faire son show politique. Il n’a pas acheté un seul livre ni parlé avec un seul éditeur. Il n’a pas non plus respecté les mesures sanitaires ni la distanciation sociale. Il a transformé le salon en meeting électoral. C’est une honte ! ».
De même, Basma Abdelkafi, directrice des éditions Nirvana, a déclaré sur sa page Facebook : « Le président Saïed est venu au salon du livre pour faire sa propagande politique. Il n’a pas daigné s’arrêter à notre stand ni regarder nos livres. Il n’a pas non plus écouté nos doléances ni nos propositions. Il a bafoué notre dignité et notre travail. C’est une insulte ! ».
D’autres éditeurs ont préféré fermer leurs stands ou boycotter le salon en signe de protestation. C’est le cas de Mohamed Salah Maalej, directeur des éditions Sud Editions, qui a annoncé sur sa page Facebook : « Nous avons décidé de fermer notre stand au salon du livre en raison de la visite du président Saïed, qui n’a rien à voir avec la culture ni avec le livre. Nous refusons d’être instrumentalisés par un pouvoir autoritaire et populiste qui méprise les intellectuels et les créateurs. Nous réaffirmons notre attachement à la liberté d’expression et à la démocratie ».
La visite du président Saïed au salon du livre a également suscité des réactions contrastées sur les réseaux sociaux, où certains ont exprimé leur soutien au président Saïed et son discours, tandis que d’autres ont dénoncé son attitude et son manque de considération pour le monde du livre et de la culture.
Le salon du livre de Tunis, qui se tient sous le slogan “Lire pour vivre”, accueille cette année l’Irak comme pays invité d’honneur. Il propose au public plus de 100 000 titres, dont 3000 nouveautés, ainsi que des conférences, des débats, des ateliers, des animations et des spectacles. Il se poursuivra jusqu’au 7 mai 2023.
Innocent KONAN
Mots-clefs : 37ème édition de la Foire internationale du livre de Tunis (FILT), colère, éditeurs, président Saïed, salon du livre, salon du livre de Tunis, Tunis