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L’évènement du MAF au Palais de Congrès. L’Africus ou le vent de l’histoire.

Brigitte Gacha | | Evènements

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J’ai eu l’heur d’assister au premier congrès du Mouvement des Africains Français à Paris. Cet évènement historique a eu lieu le 14 Avril dans l’impressionnante salle du Palais des Congrès, porte Maillot.

Pour une première, c’était un succès retentissant . Ils avaient massivement répondu présents: les africains de France, tous habillés de blanc et de noir, comme pour mieux investir leur métissage culturel; les sympathisants venus d’ici et d’ailleurs, de Suède par exemple; les hôtes de marque issus de la classe politique nationale et d’ambassadeurs de pays africains; sans oublier les medias.

Cette célébration a commencé par la culture et l’émotion. Le ballet des Caraïbes dont la chorégraphie « raconte » les racines africaines de nos frères et soeurs déportés dans les champs d’esclaves outre antlantique. Ont suivi des artistes tels Serge Kassi, Mahely Ba, Christelle Adams. Au tour de chant d’ Olivier Tchimanga, qui dans ses chansons dénonce les viols et les abus dont souffrent les mères et les enfants congolais pour cause de guerre fratricide, cet enfant du pays a été saisi d’une crise de larmes; un instant éternel d’émotion a plongé la salle dans une communion sympathique et empathique.

Qu’est-ce le MAF.? C’est un jeune mouvement qui a à peine un an, puisqu’il est né le 25 Juin 2011 par une poignée de juristes, d’historiens, d’écrivains, d’intellectuels africains . Depuis lors, ils n’a cessé de grossir en nombre. Ce mouvement est l’éveil d’une conscience; la rupture d’un état d’esprit, d’ un silence au départ poli, stoïque, indifférent, mais qui, pour avoir trop duré, a fini par devenir pathologique, léthargique et dangereux.

C’est un mouvement qui dit ceci: « Nous sommes des Africains de France. Nous sommes des africains; nous sommes des français. Nous avons les mêmes droits que les français de souche. Or ces droits ne sont pas traduits dans la réalité. N’est-ce pas un hiatus, pour ne pas dire une contradiction dans la devise-même de notre France: Liberté, Égalité, Fraternité? Où est-elle l’égalité dans notre réalité de tous les jours? Et la Fraternité? Où est-elle quand on nous juge par rapport à la couleur de notre peau et non par nos aptitudes?  »

Voilà en substance les exigences légitimes de cette partie délaissée, de cette minorité invisible de la population de France,dont la décision et la marche semblent irréversibles, et l’occasion propice: c’est le temps des élections présidentielles en France. Se réunir, c’est faire entendre la voix de 15 % des électeurs potentiels. Le Maf est devenue une réalité avec laquelle la France, leur pays commun doit désormais compter.

Cela explique aussi pourquoi la classe politique française est venue assister à ce congrès sans précédent dans l’histoire de la République. Tel le refrain d’une chanson, ils répètent qu’ils ne viennent pas réclamer l’aumône, mais ils viennent avec leurs exigences: celles d’être considérés comme des citoyens à part égale avec les autres français; en d’autre termes, celle de faire partie de la « chose publique », la « res publica ».

Et ils espèrent bien qu’avec la victoire du président qu’ils ont choisi, ils verront la présence des africains français dans les sphères politiques, économiques et culturelles de la patrie de Rabelais, de Montaigne, d’Alexandre Dumas, qui est aussi la leur.

Ces africains de France , dans leurs tenues d’apparat noir et de blanc, (ô parlante symbolique!) sont originaires de toutes les régions d’Afrique tels leurs représentants et interlocuteurs: Ben Moubamba, Beyala , Adjakbavo, Coovi Gomez ; Nji Fendjou.. Ces noms proviennent du Cameroun, Bénin, Togo…Gabon, Rwanda, Éthiopie, et affichent la réalité du panafricanisme, et son extension à la diaspora.

La devise du MAF c’est: « être africain français, c’est être d’une seule et même voix. » C’est ensemble, d’une seule et même voix qu’ils disent vouloir se reconnaître dans les valeurs de paix, de fraternité universelle; réaffirmer leurs attachements aux valeurs d’être français et puiser leurs racines dans l’Afrique ancestrale. Être français c’est être fier d’être descendu du berbère St Augustin. C’est connaître ses prédécesseurs, ces français d’origine africaine qui ont compté dans l’histoire de France : tel le guyannais Félix Éboué , ce téméraire qui a été en son temps le premier à répondre à l’appel du Général de Gaulle. Et Raphaël Elisé, le premier maire noir de France. Et le guadéloupéen Sosthène Héliodore Camille Mortenol, dit le commandant Mortenol…
Et Raoul Georges Nicolo, commissaire à l’Energie Atomique. Et tant d’autres. Etre africain français, c’est apprendre qu’il y a eu des noirs qui ont compté dans l’édifice de la République française. C’est aller plus loin dans l’histoire de la civilisation humaine et savoir avec une certaine fierté qu’Isis était une désse africaine et que son temple était situé à Parisi, devenue Lutèce, avant de reprendre le nom actuel Paris. C’est aussi savoir que Côte d’Ivoire avait pour nom Assinie.

Être africain français, c’est connaître l’histoire , le droit de son pays et détecter un « oubli » inoui d’un décret Royal du 5 Avril et du 9 Août 1777 interdisant aux Noirs, mulâtres et autres hommes de couleurs l’entrée sur le territoire français et les mariages raciaux ». C’est pointer du doigt, et proclamer l’abrogation de ce décret encore en vigueur sur le papier aujourd’hui.

Les Africains français appellent la France et l’Europe d’user du rôle qui est le leur et laisser avancer l’Afrique francophone. le Maf exige qu’il y ait de nouveaux dirigeants africains français , des relations d’estime et de respect et non plus des relations de maîtres d’hommes à primates à peine évolués.

Etre africain français c’est accepter son métissage culturel qui est un atout pour la France. La générosité , l’altruisme sont les socles de la République française. C’est aussi avoir un oeil sur l’Afrique et empêcher d’ exclure ce berceau de l’humanité. Il est difficile pour la France de se priver d’une force mentale et psychique comme l’Afrique.
Etre au MAf, c’est être ambitieux.

Il n’ y a pas de doute, l’Africus qui souffle sur l’Hexagone et au-delà est un vent favorable. C’est le mouvement naturel d’une masse qui sait d’où elle vient, où elle va ,et ce qu’elle veut.

J’ai eu le privilège d’assister à la manifestation d’un mouvement historique . J’ai eu cet heur là. Il était temps.

Note de l’auteure.
L’histoire se souviendra de ce 14ième jour du mois de…juillet? non, plutôt Avril. Oui, c’était le 14 Avril. J’y étais. Je m’étais laissée entraînée tout naturellement par un mouvement d’une masse humaine , d’un pas où détermination et élégance allaient de pair, habillés des symboliques noir et blanc, par cette journée fraîche et ensoleillée, qui se dirigeaient vers le Palais de Congrès où l’histoire les attendait.

Un participant m’a confié: « Nous avons tellement pris nos rêves pour des réalités que j’ai peur que cette réalité ne soit qu’un rêve.  »
J’ai attendu plus de deux semaines pour écrire cet article pour lui prouver que cette manifestation a bien eu lieu.