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A LA DECOUVERTE DU FUGU, LE POISSON MORTEL

Max Moillet | | Santé et Bien-être

Poisson FuguLe fugu, c’est un poisson venimeux que les Japonais adorent. Ils le mangent en sashimi entre autres, payant parfois très cher pour s’offrir le grand frisson. Car si le poisson est mal préparé, c’est la mort. Voilà les fondations du folklore qui entoure le fugu au Japon. Regardons de plus près ce petit animal étrange et les traditions culinaires qui l’accompagnent, histoire de faire tomber quelques mythes.

Tout d’abord, le fugu  n’est pas un poisson en particulier. Il s’agit d’un nom générique donné par les Japonais à plus d’une centaine d’espèces appartenant à plusieurs genres. Ces poissons sont des Tetraodontidés (des bébêtes à 4 dents si vous préférez). Il y a là les Diodons ou poissons porc-épic, les Sphoeroides, les Lagocéphales et les Takifugu. Tous ont des caractéristiques communes.

La première, c’est leur silhouette étrange, reconnaissable entre mille : contrairement à la plupart des poissons qui ont deux profils distincts, avec un oeil de chaque côté, les fugu ont une face, comme un chien ou un humain, et peuvent vous regarder dans les yeux. Ils ont une grosse tête, des globes oculaires surdimensionnés et un petit corps fuyant. Les plus grosses espèces peuvent mesurer jusqu’à 1 mètre de longueur, mais dans l’ensemble il s’agit de petits poissons.

Cette face singulière et sympathique donne envie de les suivre et de jouer avec eux lorsqu’on en croise en apnée ou en plongée, mais attention, leur quatre dents leur servent à mordre très fort. Ils peuvent aussi .

La deuxième caractéristique des fugu, c’est leur peau flasque qui leur permet de gonfler instantanément pour repousser les prédateurs. Ils avalent une grande quantité d’eau, contractent leurs muscles pour la retenir et pouf, se transforment en boules hérissées de pointes acérées. Ces piques sont rétractables et invisibles chez le poisson au repos, sauf chez les espèces du genre Diodon, épineuses en permanence, qui méritent bien leur nom de poissons porc-épic.

Enfin, leur troisième particularité, c’est la présence dans leur organisme d’un poison mortel pour l’homme, la tétradotoxine. Cette neurotoxine puissante bloque le pore des canaux sodium voltage-dépendants, et donc le passage des influx nerveux.

En gros, vos muscles ne répondent plus, vous commencez par ne plus sentir votre bouche, votre système nerveux part en sucette, vous vomissez, vous ne pouvez plus articuler et poussez des cris bizarres, vous devenez tout blanc, vos extrémités sont prises de fourmis et autres picotements, ça y est, vous êtes paralysé. Bon et puis du coup vous mourez d’un arrêt respiratoire ou cardiaque.

Ce qui est intéressant, c’est que vos organes ne parviennent plus à communiquer avec votre cerveau, mais que vous restez conscient de ce qui se passe. Vous vous voyez mourir. Lentement. En vous bavant dessus. Cela peut prendre jusqu’à huit heures, bref, c’est une mort particulièrement impressionnante pour ceux qui en sont témoins. De plus, il n’y a aucun antidote connu.

Le mythe de la cuisine du FUGU

Poisson Fugu 2Au Japon, le fugu est une expérience qui ne relève pas que du culinaire. Le poisson est craint car potentiellement mortel, mais on peut braver le danger en le mangeant ; toutefois, en faisant cela, on prend un risque et on doit avoir une confiance totale dans le savoir-faire du cuisinier.

Souvent, on fera tout un fromage de cette préparation et on portera aux nues celui qui l’a réalisée, comme si c’était la chose la plus difficile qui soit. En réalité, c’est risqué, mais ce n’est pas très compliqué. Il suffit de peler et fileter le poisson encore vivant (une pratique courante au Japon) en prenant soin de ne pas percer le foie (et les viscères en général) ainsi que les gonades. C’est en effet dans ces organes que l’on trouve le poison. La chair du poisson est parfaitement comestible.

En fait, n’importe quel maître sushi qui se respecte est capable d’ouvrir proprement un poisson, sans exploser son foie ou ses intestins, c’est même la base de son travail. Ainsi, théoriquement, il est capable de préparer un fugu sans tuer tous ses clients. Comme il s’agit d’un risque mortel, on a tout de même préféré ne pas tenter le diable et réglementer tout cela. Dès le shogunat Tokugawa (1603–1868) la consommation de fugu a purement et simplement été interdite.

Poisson Fugu 3Quand les shoguns ont perdu de leur puissance, la consommation de fugu est redevenue courante, surtout à l’Ouest du pays. Il y était en effet particulièrement abondant et les shoguns n’avaient pas la même influence sur ces régions éloignées du pouvoir central. C’est donc à cette époque et à cet endroit que de nombreuses techniques de préparation ont été mises au point. Le port de Shimonoseki est d’ailleurs resté le principal lieu de production de fugu.

Après une période de flottement, le poisson mortel a encore été interdit durant l’ère Meiji (1867–1912). Petit à petit, les choses se sont tassées. La consommation a repris ; on savait, de manière empirique, ce qu’il ne fallait pas manger, même si on ne comprenait pas encore complètement l’empoisonnement. Il y avait bien quelques morts de temps en temps, mais pas tant que ça.

KOUAME Max Moillet