Interview François Bensignor «Défendre les musiques du monde»Responsable du Centre d’information des Musiques Traditionnelles et du monde, un département de l’Irma.
Il nous parle de la musique sa passion et des musiques du monde dont il est l’animateur principal au CIMT crée en 1992.
Q: Peut on savoir qui vous êtes?
F.B: Je suis Mr François Bensignor;au départ je suis journaliste spécialisé dans les musiques actuelles. Pendant dix ans j’ai travaillé sur le rock et les musiques africaines. Ensuite je me suis spécialisé dans les 90 sur les musiques du monde. J’ai contribué à la fondation d’une association qu’on appelle zone franche et nous avons beaucoup oeuvré dans l’espace francophone en mettant un guide annuaire nommé Sans Visa en deux éditions. C était un répertoire de tous les partenaires professionnels des musiciens aussi bien au niveau du spectacle, des médias, de la scène et de la production discographique dans un grand nombre de pays francophone. Et depuis les années
2000,j’ai intégré l’Irma en tant que responsable du Centre d’information des musiques traditionnelles et du monde. Mon travail consiste donc à conseiller, informer et orienter les personnes ou les professionnels qui accompagnent les artistes en leur fournissant des contacts à partir de nos bases de données actualisées chaque année.
Q : Justement en terme de données actualisées, vous avez sur le site du CIMT un glossaire d’instruments dans lequel ne figure pas des instruments de Côte d’ivoire comme l’ahoko et l’arc musical par exemple, comment ça se passe ou comment vous faites?
F.B: Ca c’est un plus que moi même j’ai apporté .J’avais écrit un ouvrage chez Larousse qui s’appelle Guide totem des musiques du monde. C’était un travail ponctuel de guide des instruments et de style de musique; je me suis permis de l’importer sur le site parce que c’est un site ressource. Cela dit je suis bien conscient des limites de ce glossaire; j’ai l’intention de le développer en y ajoutant d’autres instruments dans le cadre d’une autre publication plus tard. Sinon ma mission première n’est pas d’actualiser le glossaire des instruments sur le site mais de mettre à jour nos fichiers de contact qui est un gros boulot. En terme concret, nous avons un réseau de correspondants experts dans toutes les régions de France et les départements ou territoires d’Outre-mer qui collectent et traitent les informations. Ils sont plus proches du terrain; ils connaissent bien le terrain et fournissent les informations. Soit un nouveau artiste, soit la fermeture ou l’ouverture d’une nouvelle salle etc.. On se réunit aussi chaque année pour faire le point sur nos activités. Chaque activité qui se trouve dans notre base de données reçoit tous les ans la fiche qui lui correspond pour la remplir et nous la retourner. La fiche est traitée, corrigée et validée à travers des mails, des téléphones, des recherches sur internet pour être ensuite saisie dans notre base de données grâce à nos stagiaires et nous mêmes.
Q: Les états généraux des musiques du monde ont eu lieu récemment. Quel a été le diagnostic et quelles ont été les recommandations de cette importante rencontre à la quelle vous avez pris part?
F.B: (il soupire) Alors ce qui a été très bien, c’est que cette rencontre a rassemblé beaucoup de professionnels et de personnalités importants dans ce secteur d’activité. C’est toujours très enrichissant d’avoir ce type de rencontres où on se parle, où on échange, où les idées sont brassées et débattues. De ce point de vue le niveau là, je trouve que le niveau de réflexion qu’on a pu percevoir dans l’ensemble des débats était élevé par rapport à ce type de rencontre où parfois on peut rester sur sa faim; cette année j’ai trouvé les débats riches et très intéressants; après la mise en œuvre de ces idées restent à faire par les intervenants. Les états généraux, ça sert aussi à avoir une photographie de l’instant présent .C’est vrai qu’aujourd’hui si on photographie le domaine des musiques du monde, on s’aperçoit qu’on est dans un environnement extrêmement en péril puisque toute la filière musicale est aujourd’hui menacée. La filière du disque, là c’est bien avéré puisqu’on sait à quel point le marché du disque, le marché des musiques du monde a perdu jusqu’à 58 pour cent de 2003 à 2009. Donc presque 60 pour cent en l’espace de six ans, c’est énorme. Cette filière est dans une passé difficile. Mais on est dans une mouvance descendante d’une manière générale.
A travers ces débats et ces rencontres, et ce que j’apprécie, c’est que pour les opérateurs dans le domaine des musiques du monde, la musique n’est pas seulement un produit, ni un marché, la musique ça n’est pas quelque chose seulement pour rapporter de l’argent. Ce qui est malgré tout le cas dans d’autres secteurs musicaux. En général, ce que je vois, c’est que les opérateurs ont une conscience éthique beaucoup plus développé et que pour eux défendre les musiques du monde c’est aussi défendre les cultures de la diversité, et la diversité culturelle; défendre le fait que chacun aie le droit de s’exprimer et la possibilité d’avoir son espace de communication au niveau de sa propre culture. J’ai ciblé particulièrement certains ateliers notamment celui des échanges internationaux. C’est quelque chose d’assez intéressant parce que les musiques du monde c’est un marché, c’est venu assez récemment; elles se sont constituées autour de cette terminologie au début des années 90 et tous les métiers autour des musiques du monde qui se sont développé, ce sont des circuits, des réseaux européens qui se sont organisés en France, en Allemagne, en Espagne ou en Angleterre. Ce qui est intéressant. On a toujours des partenaires dans ces pays là. Et les musiques du monde vivent et font vivre une véritable réalité de l’Europe. Elles expriment vraiment cette réalité d’un espace européen qui est partagé dans lequel on essaie de se comprendre. De ce point de vue, on a tous les problèmes qui correspondent à la circulation des artistes, à la circulation des œuvres etc.. Mais tout est lié; et ce qui est intéressant au niveau des musiques du monde, c’est que les opérateurs européens réfléchissent ensemble. Dans le panel des intervenants, il y a eu une allemande, un scandinave, des gens de Freemuse.org qui font un travail remarquable. En tous cas dans mon domaine, c’est qu’on cherche à connaître l’autre, à travers sa culture.
Q: L’actualité dans quelques jours c’est le 15ème WOMEX(World Music Expo) à Copenhague(28 octobre au 1er Novembre) avec la remise de trophées au groupe congolais Staff Benda Bilili, au Directeur Christian Mousset et au label de musique Crammed Discs, qu’en pensez vous?
F.B: Je suis très heureux que pour la première fois, on rende hommage à un opérateur français comme Christian Mousset qui a œuvré depuis des années à la promotion d’artistes d’Afrique et du monde rien qu’en allant à son festival(NDLR Festival Musiques Métisses d’Angoulême).Il a abattu un travail énorme pour la vulgarisation des musiques du monde car personnellement j’ai beaucoup appris en allant voir et participer à ce festival dans les années 80.Il est allé chercher sur le terrain les talents pour les exposer au public français puis à des programmateurs japonais, à des anglais à Angoulême. Ce sont des rencontres humaines importantes comme dans un village. C’est une excellente chose ce genre de reconnaissance mondiale.