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Béta Simon : « Que Dieu nous bénisse ! »

Zacharie Acafou | | Musique

Beta Simon ou Yoh Bailly Simon à l’état civil est un artiste ivoirien qui ne cesse de faire l’unanimité autour de lui tant par la justesse de sa voix que par l’inspiration qu’il appelle lui même « divine » avec laquelle il compose ses chansons. « Kraity Payan Guez (Que Dieu vous bénisse) », son dernier album produit par Tiken Jah Fakoly qui vient de sortir en France depuis le 07 mai conforte la position de l’artiste parmi les plus grandes figures du reggae africain. C’est justement dans le cadre de la promotion de cet opus que nous l’avons rencontré. Toujours aussi naturel, c’est bien un Beta Simon tout souriant qui se confie à notre magazine…

Beta Simon

Comment va Beta Simon ?
Je vais bien par la grâce de Dieu.

On va revenir un peu en arrière. Tu as affirmé un jour dans une de tes interviews télé que « Le problème de l’Afrique, c’est que les Africains ne veulent pas être eux-mêmes, mais comme les autres ». Quel message voulais-tu faire passer ?
Je ne parle pas de tous les Africains en générale. Je parle plutôt de certains Africains qui ne sont pas fiers de ce qu’ils sont. La preuve quand vous parlez votre langue maternelle en Côte d’Ivoire, on vous dit tout de suite « qu’il n’est pas encore 18 heures (heure à laquelle se donnent les informations en langues vernaculaires en Côte d’Ivoire, ndlr) » ce qui laisse entendre qu’il y a un moment précis pendant lequel on s’autorise à parler sa langue. Pareil pour nos chefs d’Etat ou ministres qu’on invite ici en Europe. Ils viennent en veste-cravate, et non pas dans un Bogolan ni un Dafani ou autres vêtements qui mettent en valeurs nos cultures, nos traditions. Vous savez la première personne qui doit apprécier ce que l’Africain a pour que les autres l’acceptent ? C’est bien l’Africain lui même. Soyons clair là-dessus.

Qui dit Beta Simon, parle de retour aux sources, à l’authenticité. On a toujours reconnu dans tes chansons quelque chose d’assez « Roots». Est-ce que le fait de t’installer en France ne te fera pas perdre cette nature propre qu’on t’a toujours reconnue ?
Merci pour la question. Il faut savoir qu’avant de venir en Europe, je me suis enraciné dans un environnement, sur une terre et dans un univers. Je suis venu ici, en France, à 35 ans. Vous savez : « un morceau de bois, même s’il dure dans l’eau, ne sera jamais caïman ». Il peut avoir des influences, c’est vrai ; mais je ne me renferme pas non plus sur ces influences-là. Il faut être ouvert à toutes les cultures. Si j’ai quelque chose à apprendre, je peux l’apprendre ici ; mais cela ne changera en rien ma personne.

Pour un brassage culturel donc … ?
Là, je suis en Bretagne et je ne suis même pas à Paris déjà. Et quand tu es en Bretagne, il y a quand même des similitudes, il y a beaucoup de choses qui se ressemblent. Je suis dans la forêt de Brocéliande et donc honnêtement au niveau de ma tradition, rien ne changera ; mais le mixage culturel ne pourra que m’aider…

Toujours dans la même lancée, c’est donc cette authenticité qui t’amène à parler avec beaucoup plus d’images dans tes chansons…D’où tires-tu cela?
Comme vous l’avez dit, il y a cette authenticité mais il y a aussi ce désir d’éterniser. Quand vous faites une chanson et vous dites « Gabriel est ceci, il est cela ». Le jour que Gabriel n’est plus, ta chanson n’a plus de sens. Mais quand je chante et que je dis « le criquet a peur du margouillat », on est bien sûr que ces animaux seront toujours là. Quand on parle avec les images, pour moi, cela permet d’éterniser une chanson. Ne pas indexer un individu mais plutôt des manières de vivre, un comportement. Voilà en quoi il est important de parler avec des images.

On va revenir au nouvel album de Beta Simon qui s’intitule «  Kraity Payan Guez » qui veut dire « Que Dieu nous bénisse ! ». Dieu occupe-t-il une place importante dans la vie de Beta Simon ou utilise-t- il juste son image pour faire passer ses messages…ou pour faire vendre ?
Celui qui utilise l’image de Dieu pour faire son fond de commerce n’ira nulle part. (Il insiste avec un air plus sérieux, ndlr) Non il n’ira nulle part. Je crois fermement en Dieu et je crois aussi que l’inspiration est une influence déterminante de Dieu dans l’esprit de l’homme. Je ne suis pas de ceux qui utilisent l’image de Dieu pour vendre. Les appartenances religieuses ne m’intéressent pas honnêtement. Pour moi, l’élément fondamental de la religion, c’est l’amour ; et sans amour, on ne peut pas parler de religion.

Dans ton nouvel album, on trouve un titre « Iyo» qui veut dire « Reviens à la raison » chanté en duo avec l’artiste ivoirien Tiken Jah. Est-ce une façon d’interpeller l’artiste vu les positions politiques qu’il a eues durant toute la crise ivoirienne ?
Au fait Iyo veut dire « viens ! ». En bété on dit « guiyo ! ». En baïssadé, moi je dis « Iyo». C’est une chanson que j’ai composée avant même les problèmes politiques en Côte d’Ivoire. Je l’ai chantée avec Tiken Jah et c’est un message qui ne s’adresse pas à un seul individu. C’est un message (il s’arrête un instant. Ndlr) non honnêtement, je ne peux pas dire que je l’ai chantée en fonction de Tiken, par rapport à sa position. Non, pas du tout ! Nous sommes la Côte d’Ivoire ; nous sommes tous fils de ce pays. Et quand je dis « reviens à la raison » je parle de ceux qui ont pris des armes. Je leur demande de revenir à la maison et à la raison en même temps. Aujourd’hui, Dieu merci, les rebelles et le parti au pouvoir sont devenus un groupe, ils se sont entendus. Pour moi, s’ils sont devenus un groupe, ils sont revenus à la raison. La relation entre Tiken et moi ne date pas d’aujourd’hui. Je veux bien que mon frère ait raison dans ce qu’il défend ou s’il a tort, il peut revenir aussi à la raison. Sinon la chanson ne s’adresse pas particulièrement à lui.

Parlons un peu du baïssadé la langue dans laquelle tu chantes. Qu’est ce qui fait la différence entre cette langue et le bété, ta langue maternelle?
Dans le fond, il n’y a pas de changement mais il y a quand même une amélioration parce que le baïssadé est un bété que je parle avec une variation d’intonations et en plus j’arrive à donner des noms que la langue bété ne donne pas ou n’a pas inventé.

Créateur donc du baïssadé ?
Non ! Ce n’est pas une création mais plutôt une revalorisation (il s’énerve un peu). On ne peut pas parler de création, il faut plutôt parler d’invention parce qu’on crée quand il n’y a rien. J’ai juste remodelé le bété qui existait et existe déjà pour créer le baïssadé.

Pour revenir à ton dernier album qu’est ce qui fait la différence entre celui-ci et les albums précédents ?
Déjà j’ai enregistré l’album dans le studio de Tiken avec ses musiciens qui sont habitués à jouer avec des Jamaïcains et d’autres grands musiciens. Même si je suis resté traditionnel dans mes chansons ; au niveau instrumental, il y a une modernité avec des sonorités qui ont été captées de la musique jamaïcaine. Toutes les conditions ont été réunies pour la qualité de cet album.

Un concert prévu en Côte d’Ivoire ?
Il n’y aura pas un concert en Côte d’Ivoire mais des concerts. Mais dans l’immédiat il y a au moins quinze concerts à faire en France et après on décidera du bon moment pour faire les concerts en Côte d’Ivoire.

Un mot à vos fans …
Tout le travail que je fais en ce moment c’est pour eux. Qu’ils sachent que je les aime très
fort et que Dieu les bénisse !

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