Mode et espérance : Un après-midi au palais de Diane.
Des musiciens et chanteurs, entre chaque passage de collection d’un styliste portée par de fines et grandes créatures, font vibrer la salle du palais de Diane.
Assis aux premiers rangs des invités, je regarde passer tour à tour des jeunes filles aux formes sveltes, portant des tenues très stylisées. Le pagne et les tissus classiques tels que le lin, la soie et le coton sont bien combinés. Au casting des mannequins, les critères étaient clairs. Il faut être débutante ou professionnelle et être âgée de 16 à 22 ans. Avoir au moins 1 mètre et 76 centimètres de taille et être mince.
Depuis plusieurs années, les mannequins sont devenus des personnalités à part entière dans nos sociétés. L’attrait des médias sur leur carrière et leur vie privée a suscité chez de nombreuses filles le désir de tenter leur chance. Le métier offre aux jeunes talents une opportunité de vivre un rêve : devenir ambassadrice de nombreuses marques internationales et bénéficier de cachets qui se chiffrent en millions de dollars.
Pourtant les filles qui défilent en cette fin de journée, après de rudes entrainements et des privations en tout genre pour être retenues, ne toucheront que 60 à 160 dollars chacune. Après, plus rien. Elles devront attendre deux à trois mois pour avoir l’opportunité de participer à un autre défilé.
Les agences de publicité pourraient leur faire appel pour un tournage de spot ou poser pour de nouvelles campagnes de produits. Cela rapporte en moyenne 300 à 500 dollars. C’est une probabilité. Car là encore, il faut être bien « introduite ».
Objets de convoitise, elles sont sous la pression permanente de soi-disant managers ou démarcheurs qui leur trouvent des « marchés ». Pour vivre, payer le loyer et rester toujours « fashionable », elles sont souvent obligées d’accepter des propositions indécentes. Des personnalités, des footballeurs et des artistes aisés les louent pour bénéficier de leur galante compagnie. Cela peut aller jusqu’au sexe et à des jeux malsains si la mise est importante. Face à tout cela, elles souhaitent généralement avoir l’occasion de partir en Europe et aux Etats-Unis où les conditions de travail sont meilleures. Mais le milieu du show business y est plus féroce et la peau noire n’est pas encore très en vogue dans la mode.
Mais comment des spectatrices, ces dames, dans cette immense salle innovée de Diane, perçoivent-elles les passages de ces porteuses de mode ? Elles ne répondent pas vraiment aux canons de beauté traditionnellement acceptés sous nos tropiques. Les femmes, pour paraître belles, doivent être « awoulaba ». C’est-à-dire qu’elles doivent avoir de la chair, des seins volumineux, des fesses proéminentes et avoir des qualités d’une bonne mère de famille. Et puis, à l’inverse de ce qui se fait en Occident, les femmes africaines aiment se faire coudre leur vêtement. Ainsi peuvent-elles choisir leurs modèles. Cela leur revient moins cher que les tenues « prêt-à-porter » dans les boutiques.
Entre mode et espérance, le public tout comme ces jeunes mannequins, rêve du bonheur afin d’oublier la misère et les crises politiques à répétition qui l’angoisse.
Jacobleu