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Robert Brazza (journaliste à Africa n° 1) : « L’Afrique est également un vivier en termes d’intelligence et de cultures pour le reste du monde »

Desire-Christophe Oulai | | Média

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Notre séjour parisien malgré quelques péripéties, s’est soldé in extremis sur une note d’espoir avec un entretien avec l’une des voix les plus alertes dont dispose le continent africain sur les bords de la Seine. Robert Brazza, animateur de l’émission Africa Song, car s’est de lui qu’il s’agit fait ici avec nous le tour de l’actualité internationale : Obama et l’Afrique, le dirigisme, le centralisme, et la main mise de Sarkozy et de l’Elysée sur les media français, les relations France Afrique. Tout y passe ! Sans faux-fuyant.

Pour nos lecteurs Allemands et germanophones pourrai-tu te présenter brièvement ?
Je suis Robert Brazza. Détrompez-vous j’ai quelques amis et mêmes beaucoup d’attaches parce que j’y ai passé pas mal de temps. Né á Brazzaville au Congo, je suis arrivé comme beaucoup d’entre nous par la force des choses, très jeune à Paris avec des parents qui connaissaient assez bien ce pays pour faire des études. Après celles-ci, j’ai eu très tôt la passion du journalisme, c’est ainsi qu’après un détour, j’ai été embarqué dans une aventure qui m’a conduite à Africa n° 1. Et il y a 9 ans que l’aventure avec Africa Song dure.

Comment est ce que l’aventure à la radio a débuté concrètement ?
C’est vraiment un coup du sort et ensuite par passion! J’étais avec quelqu’un à qui je dois beaucoup et pour qui j’ai beaucoup de respect, Sébastien Kamba, le premier cinéaste congolais. C’est lui qui m’a découvert et m’a lancé de la manière la plus simple et anodine possible. Un jour, son fils et moi, Il nous a fait enregistrer un texte. Il recherchait alors une voix radiophonique. Au final, je fus retenu pour une voix off sur un film documentaire et ce fut mon premier studio. Entre le micro et moi il y a eu tout de suite comme un coup de foudre, c’était au début des années 1990. Je commentais alors avec les radios associatives et collectives et les piges et, même à travailler pour des journaux, sans oublier les différentes chroniques en provinces. Puisqu’au départ j’étais un passionné de musique et de culture je ne mis pas longtemps à trouver le branchement entre la radio et eux. Mais c’est vraiment avec Jet FM à Nantes que l’aventure prit vraiment son envol. J’y ai passé quatre ans et avais à charge Chemin d’Afrique, une émission hebdomadaire politico culturelle.

Et comment arrives-tu alors à Africa n° 1 ?
J’avais remplacé au pied levé, sur conseil d’un ami, technicien à Africa n° 1 une collègue en congé de maternité. C’était en l’an 2000. Je m’occupais alors, entre autres de promotion d’artistes, en l’occurrence du groupe ivoirien Magic System. Le remplacement d’alors continue jusqu’à aujourd’hui. C’est ainsi qu’a débuté l’aventure à Africa n°1. Pour me résumer je dirais, la passion s’est muée en métier.

Robert Brazza, donne l’impression d’être une personne universelle. Je dirais á la fois Malien, Congolais, Ivoirien… Comment réussis-tu cela ?
Je partage cette conviction et condition avec tous ceux qui font un métier public et travaillent sur un média international. Je suis le fils de Jean-Pascal Brazza et de Germaine Doubayi, épouse Brazza. Le métier d’animateur et de journaliste, tel qu’il était conçu en Afrique et de par le monde dans les années 1980, avait un côté brillantine et un côté spectacle. D’emblée, je n’ai pas voulu mettre de rideau entre moi et le public. De même que Consty ou Yves De Mbella ont pu se retrouver Ivoiriens. De même que certains animateurs ont pu se retrouver Congolais par adoption, chacun se reconnaît en moi. Parce que …une de mes grandes tantes est originaire de Koutyala, des Maliens me disent, tu es du Mali ou alors, tu es Ivoirien parce qu’un de mes grands frères vit á Bouaflé etc.…
Je ne vois aucun inconvénient à tout ceci. Des Européens sont adoptés en Afrique et des Africains en Europe, en Normandie ; en l’occurrence Léopold Sedar Senghor, (Ndlr, Le premier Chef d’Etat du Sénégal ) alors vous comprenez… De toute façon, cela ne devrait plus nous surprendre en 2009. Si nous parlons français, anglais, ou si, on se soucie du sort d’un Barack Obama, alors je crois qu’il devrait être de bon ton de comprendre les us et coutumes des populations des Etats qui nous entourent. C’est d’ailleurs le leitmotiv de l’émission Africa Song que j’ai l’honneur de présenter.

Nous allions y arriver, mais puisque tu évoques Barack Obama, le Président des Etats-Unis, que t’inspire son élection et quel message véhicule-t-il en tant que personne ?
Que les Africains ne s’y méprennent pas, Obama reste avant tout une success story américaine. J’insiste bien, américaine ! Même si son père était Kenyan, Africain, Obama est d’abord, un Africain Américain à revendiquer le statut de métis comme des millions d’autres et, au sens noble du terme. Le terme métis perd dans son cas, pratiquement tout son sens. Obama revendique tout autant ses racines blanches dont est originaire sa mère que celles noires du côté paternel. Cela ne devrait aucunement nous échapper. Mais l’aventure nous fait rêver parce qu’au sortir de l’ère Bush fils, nous avons une idée reçue en Afrique et à travers le monde que tout a l’air figé et extrêmement serré. Il y a ce qu’on appelle l’Amérique des gens avec les bottes, dans la boue et le fumier. Mais Obama correspond á une Amérique d’aujourd’hui avec tous les clivages raciaux et les courants qui la parcourent dans son ensemble. Si son élection doit nous servir à quelque chose, c’est peut-être dans son élan. Cet élan et cette ambition que nous devons avoir en tant qu’Africains partout où nous sommes : en France, en Allemagne, en Suisse, en Chine etc.

Explicite ta pensée !
Son élection devait mettre fin en nous, à l’idée d’un Africain qui va se chercher, qui va essayer. C’est l’idée d’un Africain qui va accomplir des choses qui me plaît beaucoup plus.

Revendiques-tu ici la fin d’un Africain passif et toujours enclin à une fausse modestie et qui n’ose pas, et qui subit?
Tout à fait ! Je dis non, et non ! Il y est clair que nous n’essayons pas, nous faisons. Le journal pour lequel tu travailles édite et paraît. L’émission de radio que je fais est, elle est là et palpable. Pourquoi devrions-nous essayer ? Il y a des décennies que nos aînés ont fait leurs armes et leurs preuves. Mon émission aurait pu bien être conduite par Médard Minandou au Congo, Justin Maurel en Guinée ou Lévis Niamkey en Côte d’Ivoire. Nous les acteurs d’aujourd’hui ne devons pas nous priver de nous inspirer de ce qui est fait là-bas. L’idée de l’Afrique que je me fais est résumé dans le slogan de l’émission, l’Afrique n’est pas le maillon faible, contrairement à ce que veut véhiculer une certaine francophonie par rapport aux problèmes auxquels l’Afrique est confrontée. L’Afrique est une turbine, elle est un vivier, pas seulement en terme de ressources minières, mais en terme d’énergie, d’intelligence et de cultures pour le reste du monde.

Quelle place accordes-tu à Kadhafi par rapport au discours que tu tiens puisque le guide prétend mener le combat de la délivrance de l’Afrique ?
Kadhafi représente un paradoxe, pas un idéal, en ce sens que son discours est en contradiction avec la réalité á laquelle sont confrontés les étudiants des autres pays africains en Lybie. C’est intolérable de voir certains étudiants périr, et être victimes dans son pays, d’actes de racisme que l’on connaît, quand dans le même temps, le guide revendique l’idée d’une Afrique unie et indivisible. Je ne crois pas en cette Afrique qu’il prône.
D’un côté, je crois en une Afrique qui est sincère avec elle-même et qui ne ressemble pas à un royaume. Ensuite, si elle est vue comme une vaste étendue de terre comme on l’enseigne dans les écoles en Suède et aux Etats-Unis, où tout le monde parlerait la même langue parce que tout le monde a la même couleur de peau, il faut dire avec insistance que ce n’est pas du tout ça l’Afrique. En Afrique, nous avons eu différents royaumes, des histoires aussi différentes les unes que les autres, civilisations différentes. Tout cela qui gagneraient enfin à être connues, au delà des mers et des frontières par tous ceux qui nous lisent, nous regardent et nous écoutent. Parlons enfin de l’histoire du Royaume du Congo, des Akans…

L’Afrique sous l’angle occidental est vue comme un monde en manque de démocratie où ne règnent que le chaos, l’arbitraire et aucune liberté de presse. Que t’inspire cette réflexion vue de la France du Président Sarkozy ?
La liberté de la presse en France dans le cas du remplacement au pied levé de Patrick Poivre d’Arvor par une Laurence Ferrari (Ndlr, l’ex présentateur de journal de 20 heures à TF1 et sa remplaçante, qu’on dit proche de Sarkozy) est loin de faire école…

Nous sous-entendions le parachutage de Laurence Ferrari qui est loin de s’être opéré dans les règles de l’art, dans notre question…
La liberté de la presse ne se mesure pas dans les relations que peut avoir un Chef de l’Etat avec différents patrons de chaînes de radio ou de télévision encore moins dans la manière dont les lignes éditoriales des journaux sont fixées comme cela est le cas aujourd’hui en France. En cela, le pays dit de l’humanisme appelé France n’est pas dans une position à pouvoir donner des leçons. Je n’ai pas peur de le dire, Je suis très fiers pour ma part de travailler pour un média qui trouve plein pied en Afrique. Ces méthodes qu’on reproche á tort et à travers à nos Chefs d’Etats sont celles-là mêmes qui sont de nos jours, savamment appliquées en France. Et ce centralisme médiatique qui est, par ailleurs, un centralisme dans le mode de décision politique est un grand bond en arrière. Si cela est le fantasme d’un super ou hyper pouvoir, je crois que la Reine d’Angleterre ou les Souverains d’Espagne et de Suède ont décidé de l’être de droits divins. Si cela a lieu par légion, je ne crois pas que ce soit la bonne manière et l’Afrique n’a pas l’exclusivité de ce genre de comportements, les exemples sont légions.

Beaucoup d’Africains dont le Président ivoirien, Laurent Gbagbo prenant le Président français au mot s’étaient mis un temps à rêver à la fin de toutes les combines et des pires compromissions dont le summum constitue le françafrique, qu’en est-il ?
Je dirais qu’il faut qu’ils se détrompent ! La présence d’un maître Bourgi ( Ndlr, Conseillé Afrique de l’Elysée), perpétue au contraire la vision des relations France Afrique telle voulues par Foccart ; tout comme le démontrent l’omniprésence de l’armée française en Afrique, notamment au Tchad, ou le remplacement au pied levé de Jean-Marie Bockel par Alain Joyandet au Secrétariat d’Etat à la Coopération et à la Francophonie alors le premier semblait naïvement vouloir traduire sur le terrain, la promesse de Sarkozy, son maître. Ce sont autant d’exemples qui montrent que la déclaration de Sarkozy est un bluff et reste avant tout un vœu pieux. Nicolas Sarkozy est d’ailleurs issu lui-même du RPR mué en UMP et le RPR dans son essence, reste gaulliste. Il faut plus que la décoration d’un Basile Boli, fait chevalier de la légion d’honneur que je félicite au passage et plus qu’un mouvement de bras autour de Rama Yade (Ndlr, ex Secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme désormais affectée aux Sports, issue de l’immigration)

Comment gères tu ta notoriété, elle doit être lourde á porter ?
Parfaitement et le plus simplement du monde. 1,98 m, 112 kilogrammes, Larry du Congo, grande gueule, bagarreur, qui ne se laisse pas faire, aime le maquis, les boîtes de nuits mais aussi Nat King Cole, la radio et, qui a la chance, la grande bénédiction de travailler avec un sage, une personnalité illustre, Manu Dibango l’antidote á toute grosse tête.

As-tu un message à l’endroit la jeunesse ?
Que ceux qui croient pouvoir trouver le bonheur ici (Ndlr, en France) qu’ils viennent ! Que ceux qui ne sont pas prêts, qu’ils réfléchissent ! Que tous ceux qui ont trouvé le bonheur chez nous sachent qu’ils n’ont pas à s’en vouloir et rien á se reprocher. Mais surtout, que tous sachent que le terme Eldorado est une expression espagnole et pas française.

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