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Littérature : Les «Chroniques afro-sarcastiques» de Venance Konan. Un livre empreint d’ironie amère et blessante

Atse Ncho De Brignan | | Litterature

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Reconnu comme l’un des journalistes aux écrits originaux et dérangeants, Konan Kouassi Venance est celui-là même qui, par la force de sa plume, a obtenu le Prix Ebony du meilleur journaliste ivoirien en enquête et en reportage en 1993 puis le Prix du meilleur journaliste ivoirien pour la réconciliation en décembre 2003. 

Parallèlement à son métier de journaliste, il mène une carrière d’écrivain. Après Prisonniers de la haine (Nouvelles Éditions Ivoiriennes, Abidjan, 2003), Nègreries (Frat-Mat Éditions, Abidjan, 2007) et Les Catapilas, ces ingrats (Éditions Jean Picollec, Paris, 2008), Venance Konan publie en ce début d’année 2011, un recueil de chroniques intitulé Chroniques afro-sarcastiques. 50 ans d’indépendance, tu parles ! Un titre évocateur qui met en doute pour critiquer les cinquante années d’indépendance africaine célébrées durant toute l’année 2010 en grande pompe et à coups de défilés, de conférences et… de milliards par nos chefs d’État. Ce sont donc ces cinquante années d’« indépendance » que caricature Venance Konan. L’ouvrage scindé en cinq chapitres commence par un état des lieux (Chapitre 1) des indépendances africaines, ensuite parle de la France-Afrique (Chapitre 2) et de Nos chers dirigeants (Chapitre3). Puis évoque Les héritiers, ces enfants de présidents devenus eux aussi présidents à la mort de leurs pères (Chapitre 4). Enfin le dernier chapitre révèle les coups fourrés de Nos chers disparus (Chapitre 5) qui ont régné avec sagesse et habileté ou de façon totalitaire et oppressive sur leurs pays respectifs.

De sa plume acerbe, maniant l’humour et la dérision avec un talent qu’on lui reconnaît, Venance Konan « s’en fout de quelqu’un » comme on dit à Abidjan. Dans son livre, ce sont les Noirs, les Blancs, les Jaunes, les Verts, le capitalisme, le communisme, les ONG, nos amis les Chinois, nos camarades les Soviétiques, les « jeunes patriotes », Sarko, Ségolène Royal, Abdoulaye Wade, Blaise Compaoré, Dadis Camara, Houphouët-Boigny, Mobutu, de Gaulle, Faure Gnassingbé, etc. (le tableau est vaste) que le journaliste et écrivain ivoirien dépeint avec ironie et sarcasme. Parlant de Faure Gnassingbé Eyadema, le fils de Gnassingbé Eyadema du Togo, Venance écrit ceci : « Lui, il est extraordinaire. En une journée, il est passé de ministre à chef de l’État, puis est redevenu député, ensuite président de l’Assemblée nationale, et président de la République par intérim. […] Qui dit mieux ? Ce travail d’orfèvre a été concocté par un juriste français du nom de Charles Debbasch, un professeur de droit qui avait eu des démêlées avec la justice de son pays à propos de l’héritage du peintre Vasarely. Il s’était reconverti en « tripatouilleur de constitution » au Togo, où il a à plusieurs reprises rafistolé la Constitution pour permettre au général Eyadema de se maintenir au pouvoir pendant près de quarante ans » (pages 115-116). Quant à Wade, le président sénégalais, il l’appelle « speedy Wade » parce qu’« il a dix mille idées par jour ». Et « il est chauve comme une boule de pétanque, grand et maigre comme tous les gens de chez lui, et membre de l’une des trois confréries musulmanes de son pays, comme tout musulman sénégalais qui se respecte. Il a passé la moitié de sa vie à s’opposer, d’abord à Senghor, puis à Diouf, les deux premiers présidents du Sénégal.» (page97). Les Chroniques de Venance n’épargnent aucun acteur de ces cinquante années après l’indépendance cha-cha-cha des pays d’Afrique francophone. «Les portraits décapants de tous ceux qui comptent, aujourd’hui comme hier, sur la scène franco-africaine, sans oublier la saga des fistons qui succèdent désormais à leurs présidents de pères» font partie des tableaux qu’il dépeint.

Pour son dernier livre, Venance Konan pourrait être qualifié d’écrivain sarcastique et novateur proche des thèses du journaliste Stephen Smith, auteur de Négrologie. Pourquoi l’Afrique meurt (2003). C’est d’ailleurs ce «spécialiste» des questions africaines qui a préfacé Chroniques afro-sarcastiques. 50 ans d’indépendance, tu parles! ce recueil de chroniques de 150 pages publié en janvier 2011 aux Éditions Favre, à Lausanne (Suisse). Prix: 16€