Brigitte Gacha, écrivain

Née au Cameroun, Brigitte Gacha a étudié le journalisme à l’université de la Sorbonne à Paris. Après un passage a l’Unesco comme journaliste indépendant, elle s’est installée depuis quelques années à Stockholm où elle vit désormais avec son époux. Cet entretien lui a permis de lever le voile sur dernier son livre, mais surtout sa vision de l’Afrique qu’elle veut partager.
Vous êtes l’auteur du roman « Le Masque du Hibou », édité en e-book chez Onlines Original. Pouvez-vous raconter votre aventure littéraire ?
Je suis bien l’auteur du « Masque du Hibou » édité par une maison anglaise de livres électroniques. Mon aventure est plus cocasse qu’ambiguë, pour différer d’Aimée Césaire. Je vivais alors en Autriche et j’avais eu l’occasion d’assister à la Cérémonie du Prix Nobel à Stockholm. À l’époque, mon intention était juste d’écrire un article pour relater cet événement très peu connu en Afrique et pour encourager quelques futurs scientifiques et écrivains africains et dans le monde. Mais, à mon corps défendant, ma plume courait sans arrêt sur le papier et quand je me suis arrêtée pour souffler, j’ai réalisé que j’avais écrit d’un bloc plus d’une cinquantaine de pages ! Ce fut ainsi que l’article se transforma un en petit livre. Ayant repris mon souffle et ma plume, la verve littéraire qui me saisit entre-temps fit que le petit livre se transforma en un mélange de faits réels et imaginés : ainsi naquit mon roman « Le Masque du Hibou ».
Qu’est-ce qui justifie un tel titre ?
Je peux dire que le choix du titre provient d’un concours de circonstances. Lors des fréquentes conférences auxquelles j’assistais en tant que journaliste à l’Unesco, il y avait quelques-unes du monde scientifique. L’une d’elles avait rapport avec la fameuse « théorie du Chaos ». Le scientifique-conférencier d’alors démontra comment la représentation graphique de cette théorie ressemblait au « Masque du Hibou » ou encore aux « ailes du papillon ». C’est pourquoi cette théorie porte aussi ces deux noms. J’ai souvenir que j’avais fait la remarque à un ami et collègue que ce nom sonnait bien africain. Nous en avions souri alors. Quelques années plus tard, lors de la rédaction de mon roman, ce titre m’était revenue en mémoire. Dans mon roman, puisque la toile de fond était la culture africaine, j’avais trouvé en ce titre deux des clichés les plus véhiculés en Afrique, « le masque » et « la faune », en l’occurrence le hibou. Et la symbolique du masque et du hibou est l’un des plus riches qui puisse se trouver, ne serait-ce que dans le monde littéraire. J’espère que quiconque lit ce livre me donnera raison. À propos de symbole, ce n’est pas un hasard si le sous-titre du roman est : « D’une demi-lune à l’autre à Stockholm ». L’élément « lune » fait partie intégrante de la culture africaine.
Avez-vous pensé à publier une édition classique de ce roman afin de lui donner plus de visibilité étant donné qu’il est très intéressant ?
Et comment ! Un livre est comme une invitation à un festin. Les deux éprouvent un plaisir analogue : celui d’être consommé. Plus il y a du monde, plus grand est le plaisir. Il serait difficile de croire que ce roman a déjà l’âge de raison, puisqu’il a été déjà écrit et publié en 2000. Je dois avouer que l’enthousiasme avec lequel j’ai écrit ce roman tranche diamétralement avec la réception qui a été la sienne à sa sortie, c’est-à-dire nulle, ou presque. C’est d’autant plus dommage que ce livre, à part le fait qu’il soulève plus d’une question existentielle, a l’ambition de révéler, entre autres, deux mondes culturels qui, souvent, se côtoient sans se connaître, à savoir, le monde de l’africain et le monde de l’européen. Cela dit, je comprends que ce livre n’ait pas eu la réception qu’il aurait souhaité. Cela est dû au fait que ce livre est, pour employer le jargon anglais, un e-book. En d’autres termes, c’est un livre électronique, publié par une maison anglaise, Onlines Original. Celle-ci était la pionnière des livres électroniques. À l’époque, bien d’entre nous pensions que le livre électronique allait avoir une place définitive dans le quotidien des lecteurs. Mais c’était sans compter avec les habitudes des lecteurs qui ont du mal à adopter d’autres moyens que celui du livre. Moi-même, je ne puis me passer du livre classique : il y a entre le lecteur et le livre classique, cette sensualité charnelle qui manque au livre électronique. J’aime feuilleter les livres et il me manque de feuilleter le mien et de le voir dans ma bibliothèque comme les autres, je dois l’avouer en toute humilité. C’est pourquoi, je serais ravie si mon « Masque du Hibou » trouvait une édition classique afin d’avoir plus de visibilité.
Votre roman fait l’objet présentement d’une traduction et d’une édition en suédois, n’est-ce pas ?
En effet ! Mon roman est en train d’être traduit en suédois par quelqu’un que j’admire beaucoup et qui a une culture livresque encyclopédique. Sa modestie m’interdit pour l’instant de le nommer. Je me réjouis à deux titres de cette version suédoise : D’une part, la scène de mon histoire africaine se passe à Stockholm, ainsi que le montre le sous-titre « D’une demi-lune à l’autre à Stockholm ». D’autre part, vivant désormais en Suède et parlant le suédois, je suis sujette à une curiosité bien légitime de me voir lire dans ma langue d’adoption. Et ceci n’est possible que si au préalable je trouve une maison d’édition suédoise qui veuille bien « nous » accepter, mon livre et moi.
Vous êtes journaliste de formation et à ce titre, vous avez travaillé à l’UNESCO. Ce parcours vous inspire -t-il un commentaire sur cette institution ?
Effectivement, après mes études et mon diplôme de DESS de Correspondant de Presse en Pays Anglophones à la Sorbonne, l’idéaliste que j’ai toujours été voulait travailler dans une organisation internationale. Et l’UNESCO correspondait à mon idéal, du moins, dans ses objectifs. J’y avais travaillé comme journaliste freelance dans les années 1983-1989 sous Mahtar M’Bow et Federico Mayor, directeurs généraux successifs de l’Organisation. J’avais gardé un souvenir mémorable de cette institution et surtout des collègues et amis qui étaient les miens à l’époque.
Vous collaborez en Suède avec la Structure Mäster Olofsgården qui organise en août prochain Afrikansk Festival à Gamla Stan. Pouvez-vous nous instruire sur cette structure et ses activités ?
Cette Fondation est née en 1931 à une époque où Gamla Stan était un visage moins prisé que celui qu’il offre aujourd’hui : les maisons étaient toutes délabrées et la pauvreté était à son comble chez les 20000 âmes qui y vivaient, c’est-à-dire, presque dix fois plus qu’aujourd’hui. . Mäster Olof Gården para au plus pressé en donnant un toit aux plus démunis. Ainsi commenca l’aventure humanitaire de cette fondation. Aujourd’hui, Mäster Olof gården a un rôle culturel et social incontournables. Il prête ses locaux aux activités de tous genres, depuis les cours de dessin, de théatre, de cuisine de danses jusqu’aux projections de films culturels. Mäster Olof Gården continue à redonner vie à Gamla Stan en essayant d’encourager et de créer des rencontres entre les quartiers des environs de Stockholm et Gamla Stan. Mäster Olof essaie aussi de faire de ce quartier historique qu’est Gamla Stan, un point de rencontres entre différentes cultures. D’où la création des Festivals chaque année. Cette année, le thème du Festival porte sur l’Afrique.
Vous militez pour la promotion d’un tout autre visage de l’Afrique. Quelle est votre recette ?
Permettez que je fasse cette précision : le mot « militer » sous-tend une racine et des ramifications que l’humaniste que je suis n’aime point : « militaire », « armée », « soldat », « guerre ». C’est pourquoi je ne voudrais pas lui donner de place dans mon message. Disons que je propose un autre visage de l’Afrique que celui des safaris et du tourisme sans visage. Je propose ce visage noble de l’Afrique que les gens cachent sous le masque du refus de l’autre, de l’ignorance, du racisme, de l’intérêt pour présenter une Afrique subjective, sans visage humain, c’est-à-dire sans identité, servile, affamée, une Afrique de clichés. Je propose une vraie rencontre entre toi l’étranger et ton hôte. Oui, une vraie rencontre et non un rapport de force. Cette Afrique au visage noble a pour symbole la chefferie. Quiconque veut connaître l’histoire africaine, n’a qu’à visiter une chefferie. Il y verra une communauté, avec ses règles, ses traditions, son histoire, son hospitalité, c’est-à-dire sa noble et humaniste façon de considérer l’étranger qui vient à lui. C’est à mon avis par ici que doit commencer l’Afrique et non dans ses propres chimères.