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LE FESPACO 2013 : LE POUVOIR AUX FEMMES

Badjo DAGBO | | Cinéma

Le 23 février dernier, Ouagadougou, la capitale Burkinabé comme tous les deux ans a vécu au rythme du cinéma africain et de la télévision. Cette  23ème édition du Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO), qui avait le Gabon, comme pays Invité d’Honneur a saisi une fois de plus cette tribune pour débattre. Cette fois, le thème choisi était « cinéma africain et politiques publiques en Afrique ». Une manière pour le cinéma de contribuer à la réflexion sur les grands enjeux au cœur du développement du continent.

Le FESPACO 2013 s’est illustré de manière très originale. Il a tenu à faire un point d’honneur aux femmes en leur rendant un hommage mérité. On pourrait même dire que les femmes ont pris le pouvoir au FESPACO 2013 par leur présence remarquable et très remarquée. En qualité de présidentes de la quasi-totalité des jurys et de membres des différents jurys, les femmes ont été célébrées pour leurs talents artistiques, culturels ou universitaires. Une reconnaissance affirmée à l’endroit  de ces femmes de culture, ces femmes de valeur qui n’est pas passée inaperçue. Ce que le Délégué Général du FESPACO considère comme « un message souverain » lancé à « toute la Communauté Internationale ». Parce que ce choix est une grande première que même les grandes rencontres internationales du cinéma n’aient jamais opéré. Professionnelles du cinéma ou de l’audiovisuel ou encore critiques, ces femmes du monde de la culture, figures de proue s’imposent à ce 23ème rendez-vous du 7ème art africain. Ainsi, la martiniquaise Euzhan Palcy, la sud-africaine Jacquie Motsepe et la Kenyane Wanjiru Kinyanjui ont présidé respectivement les jurys de fiction long-métrage, TV§Vidéo numérique et fiction court métrage et films des écoles. Quant aux jurys Documentaire et Diaspora, ils ont été confiés tour à tour à la camerounaise Osvalde Lewat-Hallaade et à l’américaine  Beti Ellerson.

Le FESPACO est l’un des plus grands rendez-vous cinématographique du continent africain. Il  y avait en compétition officielle cent un (101) films de 35 pays dont une vingtaine de longs métrages parmi sept cent cinquante-cinq (755) films candidats. Presque toute l’Afrique y était représentée dans sa diversité. En témoigne la vingtaine de films longs –métrages sélectionnés et la nationalité des différents jurés. Il s’agit de « Always brando » de Ridha Behi (Tunisie); « Androman. Mindamoua fahm » de Alaoui Lamharzi, « Love in the Medina » de Abdelhaï Laraki et « les Chevaux de Dieu » de Nabil Ayouch  (Maroc); « El taaib » de  Merzak Allouache, « Yema » de Djamila Sahraoui et « Zabana » de Saïd Ould-Khelifa (Algérie) ; « How to steal 2 million » de Charlie Vundla (Afrique du Sud) ; « One Man’s Show» de Aduaka Newton Ifeanyi (Nigeria) ; « le Collier du Makoko » de Henri Joseph Koumba (Gabon) ; « les Enfants de Troumaron » de Harrikrisna & Shar van Anenden (Ile Maurice) ; « Virgin margarida » de Licínio Azevedo (Mozambique) ; «Nishan » de Shumete Yidnekacchew (Ethiopie) ;  « O grande kilapy » de Gamboa Zézé et « Por aqui tudo bem » de Pocas Pascoal (Angola) ; « Moi Zaphira » de Apolline Traoré (Burkina Faso) ;  « Tey » de Alain Gomis et   « la Pirogue » de Moussa Touré (Sénégal ); « Children’s Republic» de Flora Gomes  (Guinée Bissau)  « Toiles d’araignées » de Ibrahim Touré (Mali).

Ces films, appartenant à la catégorie Fiction – long métrage convoitent l’Etalon d’or de Yennenga, la plus haute et prestigieuse distinction du FESPACO et verra le jury être présidé par la célèbre réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy. Ce jury a doublement couronné le Sénégal de deux Etalons. Le très prisé Etalon du Yennenga est revenu  à « Tey » de Alain Gomis et  l’étalon de bronze à « la pirogue » de Moussa Touré. Ces hautes distinctions cohabitent avec des prix intermédiaires décernés dans les sept grandes catégories compétitives et plusieurs prix spéciaux. La distribution de ces prix marque la fin du FESPACO 2013 dont l’apothéose est consacrée à l’attribution de l’Etalon du Yennenga.

L’annonce du FESPACO 2015 a été faite par le Délégué Général du FESPACO avec la promesse de revoir à la hausse les montants associés aux distinctions et d’ouvrir la compétition aux films des cinéastes africains de la Diaspora.

La question de la participation des acteurs et actrices de ces films, pièces maitresses n’est pas encore à l’ordre du jour. Et pourtant, il leur est décerné des prix. Un festival du cinéma et de la télévision sans les principaux animateurs que sont les stars acteurs ou actrices donne toujours l’impression d’une cérémonie inachevée. Le FESPACO devrait envisager leur présence à ce festival qui est aussi le leur aux prochaines éditions pour donner plus d’audience, plus de glamour, plus de beauté et plus d’éclat à la fête.

Le FESPACO, plus de 40 ans après sa création peine à s’adapter, à se professionnaliser. Il résiste certes à la floraison de festivals du même genre en Afrique ayant réussi depuis quelques années à transcender les barrières linguistiques du continent. Mais, les difficultés d’organisation sont toujours réelles et actuelles.  L’épineuse question du financement de cet important festival panafricain devrait interpeller les différents partenaires mais surtout les Etats africains qui y consacrent très peu de lignes budgétaires conséquentes et consistantes. Le financement du cinéma est onéreux à l’image de la production culturelle et artistique en Afrique. Le cinéma ne figure certainement pas au nombre des priorités. Dans ce continent où tout semble se limiter à la survie, où les grandes questions de santé, d’éducation, d’énergie etc… submergent au point de laisser penser à autre chose. Mais, des efforts devraient être faits dans ce sens par les politiques, les leaders et décideurs africains si l’Afrique tient à maintenir le FESPACO, ce seul rendez-vous culturel panafricain fédérateur.

Badjo Dagbo

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