Audrey Humbert ( Fondatrice de ArtFreeQue ) : « L’ Afrique a un potentiel qui ne demande qu’ à être représenté à l’échelle mondiale »
Audrey Humbert est une française vivant en Suisse pour les besoins de la cause. Fondatrice d’ArtfreeQue, plateforme en ligne spécialisée dans la promotion de la culture africaine dans sa globalité, elle parcourt l’Afrique en vue de découvrir ses valeurs culturels qu’ on présente rarement sous de meilleurs traits. Du Burkina au Sénégal en passant par la Cote d’Ivoire Audrey est la recherche de ces valeurs qui pourraient mieux représenter l’Afrique à l’échelle mondiale.
En mai dernier, pendant une escale à Abidjan, nous l’avons rencontrée pour en savoir d’avantage sur cette plateforme dédiée à la culture africaine. Suivons plutôt cette passionné de l’Afrique qui ne manque pas d’imagination en matière d’initiatives qui placent le continent sous les feux des projecteurs. Lorsqu’elle parle on n’a plus l’envie de l’arrêter tellement sa passion pour l’Afrique se déploie au rythme des phrases…
Veuillez-vous présentez aux internautes ?
Je suis née dans un petit village français il y a 35 ans. J’ai rejoint la ville à 18 ans pour poursuivre mes études universitaires. Dès lors j’ai commencé à explorer le monde en commençant par l’Europe de l’ouest. J’ai beaucoup aimé découvrir de nouvelles cultures et voir à quel point on peut être à la fois si proche et si différent.
C’est quoi le projet ArtFreeQue et à quel besoin répond t-il ?
ArtFreeQue s’est donné pour mission de promouvoir l’art africain sur la scène internationale. L’art joue un rôle de vecteur culturel et dans le monde globalisé que nous connaissons, il semble essentiel que la diversité culturelle soit bien représentée d’un continent à l’autre.
Pourquoi avez-vous senti la nécessité de mettre en place un tel projet ?
De nature curieuse, j’ai fait beaucoup de recherches notamment sur la littérature africaine. Mes lectures m’ont conduite de découvertes en découvertes qui ont été complétées par les nombreuses rencontres faites lors de conférences sur la culture et l’actualité du continent africain. Je me suis rendue compte avec le temps que l’Afrique est un continent vaste qui offre une très grande diversité. Mais que cette diversité est peu connue.
La culture africaine est-elle sous représentée en Europe au point de créer une vitrine pour la mettre en valeur?
Sous représentée n’est pas le terme qui convient. L’Afrique est dans toutes les bouches, tel un phénomène de mode, au point qu’on oublie presque qu’il s’agit d’un continent peuplé de près d’un milliard de personnes. La question est donc plus sur la qualité de la représentation que sur sa quantité.
Comment votre site fonctionne concrètement ?
ArtFreeQue est une plateforme qui se veut participative. Notre rédacteur en chef, M. Joaquìn Mbomìo Bacheng, oriente le choix des publications que nous rédigeons nous mêmes ou qui nous sont proposées. Il est lui-même un auteur de la Guinée Equatoriale qui vit dans la région du Grand Genève depuis plusieurs années après avoir été contraint de quitter son pays. Cette histoire il la raconte dans son livre intitulé “Malabo Littoral” (titre original “Huellas Bajo Tierra”). En dehors du site, nous sommes également très actifs. Nous avons récemment co-organisé un concert à Dakar et nous organisons des soirées “Ubuntu” en partenariat avec la boutique de mode afro-européenne Waxbazar. Toute personne intéressée par nos activités peut devenir membre de l’association en nous contactant par e-mail ou sur notre page Facebook.
A quel type d’artistes ou de groupes d’artistes s’adresse-t-elle ?
La plateforme s’adresse aux artistes amoureux de l’Afrique et de ses richesses immatérielles, toute nationalité confondue. C’est ainsi que Jean-Baptiste Moundele, saxophoniste natif de Créteil, a rejoint notre réseau sur la base d’une vision commune. J’aimerais également souligner ici que notre public est également diversifié. Aucune condition particulière n’est requise pour se plonger dans un article proposé par ArtFreeQue ni aucune affinité particulière pour venir assister à nos soirées “Ubuntu”. La simple envie de découvrir ou de passer un bon moment suffit.
Quelles sont les démarches que les artistes doivent entreprendre pour bénéficier de vos services ?
Nous proposons plusieurs types de services aux artistes. Le point de départ est de devenir membre de l’association ArtFreeQue. Dès qu’un artiste intègre le réseau, il rejoint notre base donnée. Ensuite, débute la collaboration en fonction de sa maturité et de ses souhaits.
C’est vrai que pour l’instant vos services sont gratuits mais n’envisagez-vous pas de les rendre payants à la longue ?
Nous proposons des articles gratuitement car nous souhaitons toucher un plus large public. Notre objectif est de pouvoir offrir encore plus de services gratuits. Et donc nous réfléchissons à des solutions pour élargir cette offre. En parallèle, nous mettons en œuvre nos compétences au bénéfice de l’art africain et ces services sont payants. C’est eux qui nous permettent de mettre en œuvre notre vision. En effet, il nous semble important d’apporter plus de lumières sur la grande diversité d’un continent trop méconnu.
Que proposez-vous de différent par rapport aux autres sites ?
C’est notre public qui a naturellement constaté notre différence très tôt. D’une part nous considérons l’art dans sa globalité plutôt que par discipline et d’autre part, nous nous intéressons autant aux artistes confirmés qu’aux jeunes artistes présentant un talent particulier ou une détermination remarquable. Et puis il y a cette démarche participative et inclusive.
Que gagnez-vous à faire la promotion de la culture africaine en Europe sachant bien que vous n’êtes pas de cette culture-là ?
A titre personnel, je ne gagne rien. J’ai beaucoup reçu de la part de mes amis africains. Surtout lorsqu’il s’agit du développement de soi et cela a beaucoup contribué à l’affirmation de ma personnalité. J’imagine que ArtFreeQue est ma manière d’exprimer ma gratitude et de partager ce que j’ai reçu avec d’autres. Pour ce qui est de la question de l’Europe… la réponse est justement dans ce qui précède. Et de plus en plus de personnes comme Raoul Peck dans son film “I am not your negro” commencent à évoquer le fossé qui se trouve entre les fondements des sociétés européennes et africaines. Il est important que chacun puisse prendre conscience de ce fossé dans un premier temps pour ensuite renforcer les relations nord-sud de manière constructive en vue d’un développement durable et pacifique au niveau mondial.
Selon vous y a-t-il un potentiel culturel assez riche qui n’est pas suffisamment mis en valeur par les Africains ?
Oui bien sûr ! Mais ce n’est pas le cas uniquement en Afrique. Les sociétés modernes se sont beaucoup concentrées sur les biens matériels. La culture n’intéresse plus ! D’où la nécessité d’avoir une nouvelle approche de la culture. C’est l’innovation que propose ArtFreeQue. Un baobab pousse en Afrique de l’Ouest car c’est en Afrique de l’Ouest qu’il trouve l’environnement qui lui est favorable. De même pour le vignoble français qui est si apprécié dans le monde. Le terroir fourni la spécificité de chaque lieu. Et la culture fait partie du terroir.
Quel est le plus grand projet culturel que vous entendez mettre en place pour valoriser la culture africaine ?
Pour le moment, nos actions sont très ciblées. Cela nous permet de nous concentrer sur des activités qui nous semblent clé et de nous faire connaître. L’année prochaine nous prévoyons d’organiser deux grandes manifestations. L’une sous forme d’un festival au Burkina Faso et l’autre sera une manifestation internationale qui aura lieu à la fois sur le continent africain et européen en même temps. Il faudra rester connecté pour connaître d’avantage de détails sur ces deux projets.
Comment la culture africaine pourrait-elle gagner en visibilité selon votre vision ?
A travers mes rencontres, j’ai pu constater de grandes lacunes en matière de communication. Lorsque votre activité est peu ou pas connue dans votre propre ville, c’est déjà mauvais signe. Car l’environnement proche est celui qui doit être le mieux maîtrisé avant même de penser à découvrir de nouveaux horizons. Être visible demande une communication rigoureuse. Et c’est précisément sur ces aspects de communication que nous nous concentrons.
Quelle est la raison de cette passion pour la culture africaine ?
La raison de cette passion, je l’ai un peu suggérée précédemment. Disons que depuis toute petite, l’Afrique me fascinait déjà alors que je ne connaissais rien d’elle. C’est plus tard à travers le sport que j’ai pu entendre beaucoup de récits d’expériences vécues sur ce continent. Cette fascination a grandi vers une quête d’information puis un premier voyage et un second.
Et si vous devriez conclure cet entretien, que diriez-vous ?
Tout d’abord, merci de m’avoir accordé cet entretien. J’invite les lecteurs à découvrir notre dernier article sur les jeunes entrepreneurs culturels [http://artfreeque.com/2017/06/15/entrepreneurs-acteurs-culturels/] et à nous suivre car les prochaines découvertes s’annoncent palpitantes.
Raymond Alex Loukou