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Le poro : une société secrète et organisée du peuple sénoufo en Côte d’Ivoire

Irene COULIBALY | | Société

Rituel de quelques peuples d’Afrique de l’ouest dont la Guinée, le Mali, le Liberia, le poro est un système d’initiation qui sert à former le jeune garçon particulièrement dès son plus jeune âge. Il a un aspect culturel, éducatif et est pratiqué en Côte d’Ivoire par le peuple sénoufo.

Au cœur de la région du poro à Korhogo, (héritage en langue sénoufo) se pratique depuis plusieurs décennies un rituel nommé ‘’poro’’. Ce rituel a su résister aux changements imposés par le modernisme. C’est le plus long d’Afrique en raison du nombre d’année qui y est consacré, 21 ans pour atteindre le plus haut sommet de l’initiation.

Cette pratique concerne essentiellement les jeunes garçons qui entrent dans le bois sacré ‘’sizanga’’ du village dès l’âge de 7 ans. Ce rituel n’exclut pas la jeune fille qui peut prendre part à la première étape ensuite se marier, faire des enfants pour revenir enfin après la ménopause. Il faut qu’elle soit à nouveau considérée comme asexuée pour pouvoir continuer.

L’initiation se déroule en 3 grandes étapes qui durent chacune 7 ans. On a le ‘’kouord’’ qui a lieu pendant l’adolescence dès l’âge de 7 ans. L’initié est durant cette phase, chargé de certaines corvées tout en apprenant des mots symboliques. Il se doit également d’exercer un peu d’artisanat en confectionnant des costumes. Cela implique donc des sacrifices de sa part. Il apprend aussi à participer aux travaux collectifs et aux fêtes rituelles. Ensuite ‘’le tcholo’’ qui amène ce dernier à la réflexion sur le sens de la vie ; comment et pourquoi les faits se déroulent de tel ou tel autre manière. C’est le lieu de lui révéler certains secrets précieux. Ils concernent la théologie, la philosophie, le comportement social et un enseignement professionnel. Enfin ‘’le kaffono’’ qui représente l’âge mûr de l’initiation ; la connaissance suprême et l’ascension au cycle fermé des initiés masqués.

Dans la conception de ce peuple, l’être humain à sa naissance est dans un état d’animalité. Le poro est la porte pour marquer la transition de cet état à celui d’un homme ; un vrai. Ses grands dignitaires sont les détenteurs du pouvoir politique des villages.

Les cultes sénoufos vénèrent ‘’Katyeleo’’ une divinité féminine qui leur a été envoyé selon eux par ‘’KOLOTYOLO’’ (DIEU). Pour veiller sur eux et les protéger quand il se retirait loin des hommes. Elle est considérée comme la vieille mère du village, les initiés ses enfants. Tout au milieu du ‘’sizanga’’ se trouve un autel en terre qui est le nombril de Katyeleo. Dans la seconde phase de l’initiation, les jeunes hommes rampent dans un tunnel boueux qui marque une sorte de renaissance une fois achevé. Un symbole maternel à la protectrice.

Une fois intégré totalement dans le poro, les initiés doivent verser une cotisation annuelle. En retour ceux-ci reçoivent l’aide de leurs frères. Ils sont protégés par les’’ grands maîtres’’ qui ont plus d’expériences dans tous les domaines. En cas de décès les funérailles sont assurées par les membres de la communauté. Le mort est placé sur un lit taillé d’une seule pièce dans un tronc d’arbre. Isolé par la suite grâce à un rite accompli par les initiés qui tournent autour de lui en frappant les tam-tams et soufflant dans les trompes en bois. Un petit tambour est placé sur le cadavre et frappé à coups redoublés en même temps qu’est agité un puissant grelot : l’âme du défunt est ainsi complètement envoyée dans l’au-delà. Si la mort a été provoquée par un tiers, celui-ci est banni du village après des sacrifices.

Ce peuple compte plus d’un million d’habitants reparti dans divers villages. D’où une multitude de pratiques.  Mais ce rituel est plus qu’important pour lui car il réunit tous ses fils. Il y demeure donc toujours attaché.  Pour eux, on ne devient un homme vrai accompli qu’après avoir été initié au poro.

 

Irène COULIBALY