Prince Jean-Barthélémy Bokassa : « Il faut cesser le racisme post colonial »
Entre l’écrivain et le peintre, Jean Barthélémy Bokassa, reste un Prince, mais pas des moindres. Il est le premier petit-fils de feu l’Empereur Bokassa, le controversé et dernier empereur africain du 21ème siècle. Pour lui, le milieu de l’art est un milieu plus intègre, plus profond, plus intéressant que le milieu de la politique qui est un milieu jonché de trahisons. Au détour du vernissage du salon International d’Art Contemporain Paris en avril au Carrousel du Louvre, 100%Culture saisit ainsi l’occasion de proposer au Prince centrafricain de Paris cette interview qui se déroulera quelques semaines plus tard à l’hôtel Costes situé au 239 rue St Honoré à l’angle de la place Vendôme. Exclusif !
Vous êtes pratiquement le fer de lance de la mémoire de la dynastie Bokassa. À ce jour avez-vous le sentiment de bien mener cette mission de mémoire ?
Je pense que je mène bien cette mission de mémoire de la dynastie Bokassa et cela sans prétention aucune. Je perpétue mon nom de famille à travers l’art, la littérature et non à travers la politique. Ce sont, pour moi, des domaines beaucoup plus enrichissants de partager une œuvre littéraire, un de mes ouvrages avec les personnes qui me suivent, avec mes lecteurs idem pour la peinture.
C’est beaucoup plus gratifiant de partager une de mes œuvres à travers un espoir d’un message. Surtout que le milieu de l’art est un milieu plus intègre, plus profond, plus intéressant que le milieu de la politique qui est un milieu jonché de trahisons.
Cette mission s’impose-telle à vous, ou vous vous l’imposez vous-même ?
Cette mission s’impose à moi pour la simple raison que je suis le premier petit-fils Bokassa. Pas le deuxième, ni le dixième mais le premier. Donc, quand on vient d’une grande famille généralement, ce genre de mission incombe généralement au premier. Ma mère est la première fille de l’empereur et moi le premier petit-fils. Donc pour moi, c’était important de perpétrer mon nom de famille. Malheureusement en occident, on voit peu les descendants de certains grands noms africains. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, personne n’est capable de citer un membre de la famille d’Houphouët Boigny. À part le président Félix Houphouët Boigny personne n’est capable de citer un enfant ou un petit enfant à Houphouët Boigny. Personne n’est capable de citer un membre de la famille Senghor à part le président Senghor. Et je trouve ça dommage. Il faut perpétuer quand on vient d’une illustre famille pour donner une continuité. C’est hyper important, en tout cas à mes yeux.
N’est-ce pas un lourd bagage à porter vu la controverse rocambolesque autour de l’histoire de l’empereur Bokassa ?
Non ce n’est pas un bagage très lourd. Parce que vous savez, l’histoire controversée de mon grand-père a été écrite par les anciens colonisateurs. Quand ce sont les blancs qui écrivent votre histoire, ils ne racontent jamais la vérité de votre histoire. Ils ne racontent jamais ce qu’ils ont fait dans votre pays. Ils ne racontent jamais comment ils ont pillé votre pays. Comment ils ont pillé le chef d’État de votre pays. A leur donner des diamants, à leur donner du pétrole, à leur donner de l’uranium. Et donc, déjà l’histoire est faussée. Donc quand cette histoire est récupérée par un membre directement de cette famille moi en l’occurrence un membre de la famille Bokassa et que je raconte l’histoire de la famille parce-que je la connais mieux qu’un blanc aux yeux bleus qui va vous raconter l’histoire de mon grand-père alors qu’il n’est jamais arrivé en Centrafrique et il n’a jamais rencontré mon grand-père.
Vous savez ce qui est terrible, c’est le racisme post colonial qui explique qu’un noir est un dictateur et un anthropophage. Ça c’est du racisme. Et ce qui est terrible ce sont les gens qui cautionnent ce racisme. Je trouve qu’en 2022, il faut cesser le racisme post colonial.
Et c’était insultant de dire à un homme qui a été le seul noir capitaine de l’armée française à une époque où on disait »bonjour negro, bonjour Mamadou » qui disait »bonjour » à De Gaulle, qui recevait De Gaulle chez lui, qui recevait Pompidou, qui recevait Giscard, qui recevait les plus grands noms. Même Neil Armstrong est venu au palais de mon grand-père avec un morceau de la lune. Il a été reçu par mon grand-père. Comment peut- on insulter les grands chefs d’État africains et les raccourcir avec ce genre d’insulte et de racisme comme ça ?
C’est accablant. Mandela, on l’a mis en prison 20 ans. 20 ans ! Vous vous rendez compte ? Avant de le glorifier. Cet homme n’avait rien fait, les blancs l’ont mis en prison 20 ans. Mon grand-père était calomnié mais avant d’être calomnié, qu’est-ce qu’ils faisaient les blancs avant de le calomnier ? Giscard venait chasser chez nous pendant 10 ans vous vous rendez compte ? Ce n’est pas rien 10 ans chez un noir dont on accapare aussi l’épouse. Et une fois qu’il a pris l’uranium et les diamants, il est allé raconter que mon grand-père est un dictateur, un anthropophage. Mais c’est une blague ! Donc oui je suis fier de porter mon nom, de mettre les points sur les I et les barres sur le T.
Arrivez-vous à convaincre l’opinion sur le fait que votre grand père l’empereur Bokassa n’était pas le monstre que l’on a décrit après sa chute, quand bien même vous reconnaissez qu’il n’était pas un saint ?
Je ne suis pas là pour convaincre. Je suis là pour vivre ma vie. J’ai écrit quatre ouvrages. J’ai été reçu à l’Elysée. J’ai 10 parutions Paris Match. Je suis partout dans la presse. Je suis dans les médias. Ça répond à votre question ? Je n’ai pas besoin de convaincre. Si je n’avais pas convaincu, je n’aurais jamais été dans autant de médias.
Qu’est-ce que c’est pour vous d’être aujourd’hui le petit fils de l’empereur Bokassa dans Paris ? Y-a-t-il des avantages, des inconvénients ?
Je suis très fier d’être le petit-fils de l’empereur Bokassa. Parce que mon grand-père est le dernier empereur du 21e siècle, le dernier empereur du continent africain. Et je pense que dans votre entourage, personne ou très rare ont rencontré des descendants d’empereurs. Ensuite, j’en suis très fier, parce que partout où je vais, dans toutes les hautes sphères de la société française occidentale, je suis invité parce que je m’appelle Bokassa.
Et c’est malheureux de ne pas rencontrer d’autres africains. Si je me faisais appeler jean-baptiste Mamadou, personne ne m’inviterait dans les hautes sphères. C’est la réalité de ce monde. Donc, je suis fier de porter mon nom pour représenter les africains que je vois rarement ou jamais dans les hautes sphères de la société occidentale.
Vous êtes en même temps un homme de culture mais aussi un people, comment vous vous occupez à concilier ces deux styles de vie ?
Deux styles de vie, un people, je ne sais pas ce que ça veut dire. Quand on parle dans la presse, on dit que je suis un people. Moi après, je suis un artiste et heureusement je suis dans la presse. Ça me permet de vendre mon travail d’écrivain et d’artiste peintre.
Être people c’est quelque peu avoir la popularité, le goût du luxe, être dans des soirées huppées et mondaines par exemple…
Moi j’ai grandi dans un palais. Mon grand-père était empereur.
C’est comme si on s’étonnait de voir le prince Harry dans des endroits luxueux. Sa grand-mère est une reine, il ne va pas quand même être dans des fermes. Donc moi c’est pareil. Je ne vais pas m’excuser, ce n’est pas la vie que j’aime puisque c’est une vie que j’ai eu depuis ma naissance.
Après je suis qu’un artiste peintre et du coup j’ai la chance d’être médiatisé. Parce que je vends mes livres, mes livres plaisent, je vends mes tableaux, mes tableaux plaisent. Et donc je suis une personnalité. Et je remercie le bon Dieu que mon travail plaise parce que c’est le fruit de beaucoup de travail.
Vous savez, on est africains, vous êtes africains également, on est tous les deux africains. On sait qu’on doit travailler deux fois plus qu’un blanc aux yeux bleus pour plaire. Et donc je suis heureux d’avoir la vie que j’ai. Parce que ce n’est pas une vie que j’ai volée. C’est juste une vie qui a été victime de préjugés. Donc quand les gens ont des préjugés contre vous, il faut travailler deux fois plus pour leur montrer qu’ils ont tort. Donc maintenant je suis partout dans la presse. Je remercie le bon Dieu. Et je suis ravi de cette vie-là que je ne dois à personne à part à moi-même et à mon travail.
Pour revenir à votre carrière d’écrivain, sur les quatre essais que vous avez coécrits, deux portent sur votre famille et sur vous. Que doit-on retenir à travers vos écrits de la dynastie Bokassa ?
J’ai fait quatre essais dont trois coécrits. J’ai écrit deux ouvrages pour ma famille, « Les diamants de la trahison » et « La saga Bokassa ». J’ai écrit un ouvrage sur les millionnaires, »Comment épouser un millionnaire, le guide des castors » et ensuite j’ai fait un roman sur la société parisienne.
Et ce qu’on doit retenir de chacun de ces ouvrages, c’est la liberté. C’est-à-dire que je veux prouver aux gens qu’il faut être libre. Quand ils ouvrent un de mes livres, ils voyagent, ils oublient leurs soucis. Je veux leur prouver aussi qu’on peut être noir, blanc tout ce qu’on veut, mais il faut être libre. Parce qu’on vit dans un monde où on aime bien vous donner une étiquette. Pour dire que vous êtes noir, que vous n’avez pas droit à ça. Moi, les gens sont étonnés que je fasse ma vie dans les palaces. Mais un noir a le droit de passer sa vie dans un palace où est le problème ? Quand un blanc y passe sa vie, personne ne se plaint de rien. Rien de choquant. Donc mon message est, vivez comme vous le souhaitez et soyez libres. Vous ne devez rien à personne. Soyez libres.
Doit-on s’attendre à d’autres mystères à révéler sur votre grand père dans de prochaines éditions ou bien pensez-vous que tout a été déjà dit ?
Vous savez, moi j’appréciais beaucoup mon grand-père c’était un être libre. Il est empereur. Quand Bonaparte s’est couronné empereur, il est devenu Napoléon alors qu’il était Bonaparte personne n’a rien trouvé à dire. Quand les français ont payé le couronnement, personne n’a dit »ah il a fait son couronnement avec l’argent du contribuable ». Quand un noir se couronne empereur, en plus, le couronnement n’a pas été financé par les Centrafricains. Le couronnement a été financé par la France. Même pas par les Centrafricains. Et là ça a choqué tout le monde parce qu’un noir a fait le même couronnement qu’un blanc. Le racisme commence là. Le blanc fait ça, on ne dit rien. Le noir fait la même chose, on dit quelque chose. C’est intéressant de cogiter à cela.
Quelles relations entretenez-vous aujourd’hui avec la Centrafrique ? Y êtes-vous à ce jour la bienvenue ?
Ma famille a toujours été la bienvenue en Centrafrique parce que c’est ma famille qui a fondé la Centrafrique. Mon grand-père est le père bâtisseur de la Centrafrique. Il a créé Bangui la coquette.
Mon arrière-grand-oncle, fondateur de la nation centrafricaine se nomme Barthélémy Boganda, il est lui-même l’oncle direct de mon grand père, l’empereur Jean Bedel. Mon oncle Jean Serge a été député et ministre sous Bozizé et les Bokassa sont les premières familles bienvenues en Centrafrique et le seront toujours. Parce que Bokassa rime avec Centrafrique. En occident, vous demandez à un Européen, où est la Centrafrique ? Il ne saura pas vous le dire. Vous dites c’est le pays de Bokassa là il peut vous situer le pays. Est-ce que vous avez déjà vu ça dans votre vie ? Pour situer un pays, vous êtes obligé de donner le nom d’une famille.
Que reste-t-il aujourd’hui de la dynastie Bokassa
Il reste les enfants et les petits enfants. Mon grand-père a eu 36 enfants. Ses 36 enfants, eux-mêmes sont devenus des parents. Donc il reste des petits enfants. C’est une dynastie qui se partage entre Paris, Genève, Londres, le Texas et la Centrafrique.
Etes-vous tous en contact ?
Non, imaginez 36 enfants ça crée des clans. Donc il y a des clans comme toutes les familles. Il a des familles, il n’y a que trois enfants. Donc on est comme plusieurs familles, on a des clans, on a des hauts et des bas. Mais on est là fidèle au poste.
Quelle est votre actualité tant au niveau de votre vie people, culturelle que familiale ?
Mon actualité c’est la vodka Prince jean Barthélémy Bokassa. Je suis ambassadeur pour KOPZO Vodka qui commercialise depuis l’année dernière l’édition Prince Bokassa, c’est donc une vodka que je recommande. Elle est délicieuse à la mirabelle. Mon autre actualité c’est le chocolat Prince jean Barthélémy Bokassa. Je suis ambassadeur pour la maison de chocolat Guérin-Boutron qui a sorti l’Édition Prince Bokassa. Une autre actualité reste la bougie parfumée Prince jean Barthélémy Bokassa. Je suis aussi ambassadeur de la marque de parfum allemande Amor de Parfum qui va commercialiser à la fin du printemps cette bougie parfumée. Pour finir, je suis aussi l’égérie de la marque de luxe luxembourgeoise de lunettes Gold & Wood. Je suis ainsi ravi et heureux de voir mon nom sur tous ces produits, ces belles marques de luxe qui me font l’honneur de ces beaux cadeaux au Prince Barthélémy Bokassa que je suis.
Firmin KOTO