Pape Léon XIV : un nom porteur d’une forte marque sociale

Le choix du nom Léon XIV par le cardinal américain Robert Francis Prevost, tout juste élu successeur du pape François, n’est pas anodin. Bien au contraire, ce premier pape américain envoie, à travers ce nom, un signal clair sur l’orientation qu’il souhaite donner à son pontificat. Selon plusieurs experts, cette décision révèle déjà la « marque sociale » qu’il entend incarner.
Un hommage à Léon XIII et à sa doctrine sociale
Traditionnellement, lorsqu’un nouveau souverain pontife choisit son nom, il exprime soit un hommage à un prédécesseur admiré, soit une volonté de continuité, voire de rupture avec le passé. Comme le souligne le vaticaniste John Allen dans son ouvrage sur les conclaves, le nom choisi constitue « le premier indice de la direction que prendra un pontificat », selon qu’il s’inscrit dans une lignée conservatrice ou progressiste.
En optant pour Léon XIV, le nouveau pape fait écho à Léon XIII, célèbre pour ses prises de position sociales à la fin du XIXᵉ siècle. « Le pontificat de Léon XIII avait été marqué par des encycliques majeures, notamment sur la doctrine sociale de l’Église et la condition ouvrière. Il avait beaucoup réfléchi à la liberté politique et sociale », rappelle Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France.
Ce clin d’œil au passé est lourd de sens. Léon XIII, dernier pape à porter ce nom avant l’élection de Léon XIV, est resté célèbre pour avoir dénoncé, dans une encyclique marquante, « la concentration, entre les mains de quelques-uns, de l’industrie et du commerce (…) qui imposent ainsi un joug presque servile à l’infinie multitude des prolétaires ». Un engagement fort en faveur des plus démunis et d’une meilleure répartition des richesses.
Un message social ancré dans les défis contemporains
François Mabille, directeur de l’Observatoire géopolitique du religieux et auteur du livre Le Vatican. La papauté face à un monde en crise, confirme cette lecture : « C’est le pape de l’enseignement social, avec son encyclique de 1891 ‘Rerum novarum’, qu’on peut traduire par ‘les grandes innovations’. Il y a là une marque sociale évidente. » À l’époque, cette encyclique abordait la question de la justice sociale et des droits des travailleurs, un thème toujours brûlant d’actualité.
Le choix de Pape Léon XIV laisse ainsi entendre que ces problématiques seront réactualisées à la lumière des enjeux contemporains : dérives de la mondialisation, nouvelles inégalités, ou encore défis éthiques liés à l’intelligence artificielle. « En filigrane, on perçoit la volonté de remettre ces sujets au cœur du débat, » analyse François Mabille.
Ce choix de nom peut aussi être vu comme un hommage indirect au pape François, premier pontife à porter ce prénom inspiré de François d’Assise, figure emblématique de la pauvreté et de l’humilité. Une continuité dans l’attention portée aux plus vulnérables, dans une époque marquée par de profonds bouleversements sociaux.
Si le nom Léon n’est pas inédit – il figure parmi les plus choisis après Jean, Benoît, Grégoire, Clément et Innocent –, il n’en demeure pas moins porteur d’un héritage lourd de sens. Avec Pape Léon XIV, Robert Francis Prevost semble bien décidé à inscrire son pontificat dans cette tradition sociale, tout en l’adaptant aux défis de notre temps.
Alexandre Martin