Suivez Nous

Colonisation : Érigée par une française « la statue du pardon » détruite par des activistes Camerounais

Cyril Verb | | Société

Éphémère. L’œuvre n’a existé que 24h. Érigée mercredi 06 décembre  par l’artiste française Sylvie Blocher, l’autoportrait a été détruit le lendemain. Il n’était pas du goût des activistes Camerounais.

La représentation tout en grandeur (3 mètres de haut) n’est rien d’autre qu’une photo d’elle. Sylvie Blocher y brandit au-dessus de sa tête, comme en cours primaire, une pancarte.

« Bien que je n’en ai pas le droit, je vous présente mes excuses », écrit-elle à la main en lettres capitales. Histoire de rendre son message assez visible aux personnes qui transitent par le rond-point Mobil Bonakouamouang, très populaire. La cible? La nation camerounaise dans son ensemble, indignée par les affres de la colonisation française dans le pays.

L’artiste dit être guidée par un devoir de mémoire. « J’ai réalisé cette sculpture pour m’adresser directement à vous, et plus généralement à l’Histoire passée et présente du Cameroun », a-t-elle expliqué. Et, d’ajouter : « Comme mon pays, la France, n’a jamais présenté d’excuse au peuple camerounais pour avoir commis des exactions et des crimes durant la colonisation, je vous présente, bien que je n’en ai pas le droit, des excuses ».

Entre effet, les pays africains exigent en vain depuis des années des excuses publiques des autorités françaises.  Pourtant, cette présentation publique d’excuses, fut-elle artistique, n’a pas obtenu l’assentiment de tous au Cameroun.  Les justifications qui sous-tendent le projet ne convainquent ses détracteurs.

Le jour de son affichage, un groupe d’activistes avec à leur tête André Blaise Essama s’y est opposé avant d’être refoulé. Revenus sur les lieux le lendemain, ces activistes se sont rués sur l’œuvre, la remuant avant  de la faire tomber. Le sieur Essama a la réputation d’être un destructeur de monuments représentants  des personnalités françaises notamment coloniales au Cameroun. À son actif, des décapitations sommaires du général Leclerc, statue basée dans le quartier administratif de Douala.

La colère de l’activiste est encore plus grande à ce rond-point. Un an plutôt, Essama a buté devant le refus des autorités locales alors qu’il voulait ériger à la même place une statue en l’honneur de l’ancien vice-président du Cameroun fédéral, John  Ngu Foncha. Depuis des années, il se bat pour l’érection de monuments en l’honneur des « vrais héros historiques camerounais » soutient-il. Il s’oppose ainsi à l’expression d’artistes étrangers visant à valoriser les figures coloniales. Avec lui plusieurs camerounais.

Certains s’étonnent en effet que les gouvernants permettent aux artistes européens de s’exprimer alors que la censure est féroce contre les locaux. L’écrivain camerounais Patrice Ngananga a été enlevé récemment a l’aéroport de Douala après des critiques. Resté introuvable comme une aiguille dans une botte de foin. Plusieurs sources indexent le pouvoir Biya. Les organisations des droits de l’homme protestent.

Graves atteintes à la liberté d’expression

Au Cameroun, le journaliste de RFI Ahmed Abba interpelé en 2015 a été condamné récemment à  10 ans de prison. Il est accusé d’avoir collaboré avec Boko Haram.

La liberté d’expression semble être en danger sur le continent. Reporter sans frontières(RSF) dénonce mais les bourreaux semblent teigneux. En Guinée, dans le pays du président de l’Union Africaine (UA), des journalistes ont été tabassés, leur matériel saccagé par l’armée. Le président Alpha Condé en personne interdit d’antenne les syndicats d’enseignants qui avaient entamé un mouvement de grève. Chez le voisin ivoirien, ce sont les notions floues de « trouble à l’ordre publique » et « d’atteinte à la sûreté de l’Etat » qui troublent la sécurité des citoyens et conduit derrière les barreaux. Lors du match opposant la Côte d’Ivoire au Maroc pour la qualification au mondial 2018, un jeune homme est descendu sur la pelouse avec une banderole. « Libérez Gbagbo », lisait-on. Interpellé, il a été jugé et condamné à 15 jours de prison pour « troubles à l’ordre public ». Les députés aussi sont intimidés.

Les obstructions récurrentes à la liberté d’expression sur le continent laissent perdurer plusieurs maux passés et contemporains. Ils fragilisent la marche vers le développement durable des États.

 

Cyril Verb