Suivez Nous

Affaire d’héritage : Une violence contre les femmes imposée par la coutume

Cyril Verb | | Société

 

La lutte contre les violences faites aux femmes bat son plein. Au sein des communautés rurales, l’un des premiers bourreaux de la femme reste la coutume. Les femmes sont souvent dépourvues des droits successoraux. Au centre-ouest de la Côte d’Ivoire, chez le Bété, les choses sont claires sur le droit à l’héritage: aucune n’hérite. Plantations, maisons et autres réalisations des parents repartent aux mains des frères du défunt.

Une réalité ancrée. « La femme est emmenée à se marier. Elle deviendra membre d’une autre famille », justifie-t-on. Un nouveau mariage est donc une voie pour espérer vivre décemment.

En zones urbaines, ces pratiques peuvent demeurer malgré les lois. La famille risque une déstabilisation quand les conflits post funérailles éclatent.

« En classe de première, ma tutrice par exemple, son mari fut un député-maire au temps d’Houphouët. Quand il est décédé, elle s’est vue contrainte de vendre de l’attiéké pour élever ses enfants. Elle recevait un peu de sous de temps en temps venant du premier fils de son mari. Des aides rares. Son mari avait beaucoup de biens (maisons et autres) », rapporte un cadre témoin d’une scène de dépouillement qui lui est restée gravée.

A cette législation coutumière, s’ajoute les menaces mystiques sur ces veuves. « Du fait des conflits d’intérêts et de la sorcellerie qui rentrent en scène, elle a quitté le domicile pour louer une maison. Soucieuse de protéger ses enfants des autres rivales et des parents du défunt » rajoute-t-il.

Devant cette précarité dans le mariage, qui entremêle dépossession, conflits de polygamie et intimidations psychosociales, la femme en milieu rural comme urbain est sans cesse abusée.

En entreprise publique et privée, les cas de droit de cuissage pour obtenir un stage et un emploi sont légions. Une habitude qui devient une coutume urbaine. Avec des victimes finalement persuadées de fréquenter un passage naturel. « C’est comme ça que ça se passe », un refrain chez plusieurs victimes.

A la source, dans les écoles, les grossesses précoces augmentent. Au cours de l’année scolaire 2016-2017 en Côte d’Ivoire, 4 471 cas ont été enregistrés dans l’enseignement secondaire. Parmi elles, 2 398 ont entre 15 et 18 ans et 1 153 se situent dans l’intervalle 9-14 ans. L’année précédente, 404 cas de grossesses ont été signalés au primaire (CP1 au CM2) contre 512 en 2014-2015.

Selon les statistiques, le plus grand nombre de ces filles ne retrouve pas le chemin de l’école. Sans aucune formation et sans aucune chance de profiter des investissements familiaux après le décès des parents, il ne leur reste que le chemin du mariage ou de la prostitution. « Les temps sont durs. Il faut prendre une femme qui peut aider dans les dépenses de la famille », une autre pression qui s’ajoute.

 

Cyril Verb