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La masturbation, ce geste inavouable

Stephanie TORRE | | Santé et Bien-être

Psychiatre et sexologue, Philippe Brenot est aussi l’auteur de Les femmes, le sexe et l’amour * pour lequel il a interrogé plus de 3 000 d’entre nous.

Pourquoi la masturbation reste-t-elle encore tabou ? 

Ph. Brenot. Même si elle a été réhabilitée, dédramatisée, il est vrai qu’elle est le dernier tabou de la morale sexuelle occidentale. Alors que l’on parle d’homosexualité, de fétichisme ou d’échangisme assez librement, on reste beaucoup plus discret sur l’onanisme. Pourquoi ? Parce que la masturbation demeure l’acte le plus intime qui soit, donc le plus secret et le plus frappé d’interdit. Même si l’on sait tous et toutes, aujourd’hui, qu’elle ne gaspille plus la semence des hommes et qu’elle ne pervertit pas les femmes, c’est un fait : on se tait.

 

Dans votre livre, vous clamez qu’elle est pourtant la voie la plus sûre de l’épanouissement féminin. Pourquoi ?

Parce qu’elle est une expérience fondamentale dans la construction de soi et qu’elle est une somptueuse rencontre intérieure qui n’exclut rien des autres mode de la sexualité. Trop de femmes n’osent pas s’abandonner à l’autoérotisme, alors que cela leur ferait le plus grand bien. Trop éprouvent de la culpabilité, même si elles la pratiquent à l’abri de tout regard : le geste est encore porteur d’émotions négatives, même si l’interdit est levé.  Il ne faut donc pas cesser de le disculper et même le réaffirmer : se masturber est licite, normal, bien, bon, utile, agréable, vivifiant, justifié et même bienséant. Mieux : on sait désormais que la plupart des femmes qui vivent une sexualité épanouie pratiquent la masturbation tandis que, parmi celles qui ont des difficultés sexuelles, la grande majorité n’y ont jamais eu accès…

D’où l’intérêt de ne pas l’interdire à nos filles ?

C’est l’un des plus grands torts qu’on puisse leur causer. D’autant que si, à la naissance, la région génitale est potentiellement érotique, elle ne peut vraiment le devenir que si elle est stimulée. Pour ne pas la laisser mourir, il faut donc apprendre à l’apprivoiser. Quel que soit notre propre rapport au sexe, interdisons-nous donc de l’interdire à nos filles et à nos garçons. Expliquons-leur qu’elle est normale, agréable mais aussi personnelle et qu’ils doivent donc la pratiquer hors les yeux du monde. Rien de plus, rien de moins.

Vous dites aussi qu’il y a autant de manières de faire qu’il y a de femmes…  

Oui, contrairement à la masturbation masculine qui est, elle, assez stéréotypée (dans la grande majorité des cas, les hommes pratiquent le même geste et ont recours à un signal visuel pour s’exciter (photos, films…), chez les femmes, c’est la diversité qui prime. D’abord, chacune a son geste. Certaines se couchent sur le dos, sur le ventre, procèdent par effleurement ou par frottement. D’autres utilisent leurs mains ou un artifice, se caressent le corps ou procèdent par contraction des cuisses…. Mais ce qui différencie aussi les femmes des hommes, c’est leur manière de s’exciter. Plus qu’à des images, beaucoup disent se référer à des lectures génératrices de scénarios imaginaires. Voilà pourquoi, contrairement à ce que l’on peut entendre, le porno les attire bien moins que les hommes.

Propos recueillis par Stéphanie Torre

Source: www.mariefrance.fr