Côte d’Ivoire : l’affaire Soumaïla Bredoumy ravive le débat sur l’immunité parlementaire

L’incarcération du député et porte-parole du PDCI-RDA, Soumaïla Bredoumy, continue de susciter une vive controverse en Côte d’Ivoire. Au-delà des accusations portées contre l’élu, c’est surtout la question du respect de l’immunité parlementaire – pilier fondamental de toute démocratie – qui cristallise les débats.
Le 26 novembre, le député s’est présenté volontairement à la préfecture de police d’Abidjan à la suite d’une convocation. Il sera placé en garde à vue, puis le lendemain incarcéré sous mandat de dépôt, dans le cadre d’une enquête portant sur plusieurs chefs d’accusation lourds, dont l’incitation à la violence et l’atteinte à la sûreté de l’État.
Cependant, son arrestation intervient alors que Soumaïla Bredoumy bénéficie, en tant que député, d’une immunité parlementaire. Cette protection constitutionnelle vise à garantir la liberté d’expression et l’indépendance des élus dans l’exercice de leurs fonctions, et elle ne peut être levée qu’à l’issue d’une procédure formelle devant l’Assemblée nationale. Or, selon le PDCI-RDA et les avocats du député, aucune levée d’immunité n’a été engagée avant sa privation de liberté.
Une procédure jugée irrégulière
L’avocat du parlementaire, Me Jean-Chrysostome Blessy, évoque une « atteinte grave aux principes constitutionnels », soulignant que la détention d’un député sans levée préalable de son immunité serait juridiquement contraire aux garanties offertes par la loi. Pour l’opposition, cette situation traduit une dérive préoccupante et un affaiblissement des mécanismes censés protéger les institutions démocratiques.
Le PDCI-RDA dénonce quant à lui une instrumentalisation de la justice à des fins politiques, dans un contexte national marqué par des tensions préélectorales. Pour ses responsables, l’emprisonnement de Soumaïla Bredoumy dépasse le simple cadre judiciaire : il poserait une question de fond sur la séparation des pouvoirs et le respect du mandat parlementaire.
L’immunité parlementaire au cœur du débat démocratique
Au centre de cette affaire se trouve le principe souvent désigné, dans l’opinion, comme “l’humanité parlementaire” : une protection institutionnelle destinée non pas à placer les élus au-dessus des lois, mais à préserver la libre expression politique et la représentation du peuple sans crainte de représailles judiciaires arbitraires.
Dans les démocraties modernes, l’immunité n’empêche pas toute poursuite, mais elle impose des procédures strictes garantissant la transparence et l’équilibre entre les pouvoirs. Lorsque ces mécanismes semblent contournés, c’est la crédibilité de l’État de droit qui se trouve interrogée.
Silence des autorités et attente de clarification
À ce stade, les autorités judiciaires n’ont pas rendu publics tous les éléments permettant de justifier la procédure engagée contre le député, ni expliqué formellement pourquoi l’immunité parlementaire n’aurait pas constitué un obstacle préalable à son incarcération.
Dans l’attente d’éclaircissements officiels, l’affaire Bredoumy demeure un symbole d’inquiétude pour les défenseurs des libertés publiques. Elle pourrait établir un précédent touchant directement la protection des élus et, au-delà, la solidité des institutions démocratiques ivoiriennes.
Plusieurs voix, tant politiques que citoyennes, appellent désormais à une clarification rapide du cadre juridique et au strict respect des règles constitutionnelles, afin que justice et démocratie ne soient jamais perçues comme incompatibles.
Firmin Koto
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