24 décembre 1999- 24 décembre 2025: 26 ans après, quel héritage pour la Côte d’Ivoire ?

Le 24 décembre 1999 reste une date charnière dans l’histoire politique de la Côte d’Ivoire. Ce jour-là, le général Robert Guéi, à la tête de jeunes soldats armés, renversait le gouvernement du président Henri Konan Bédié. Présenté comme un « coup de salut national », cet événement a mis fin à trois décennies de stabilité institutionnelle et ouvert une longue séquence de crises politiques et sociales. Vingt-six ans plus tard, que reste-t-il de ce tournant historique dans la marche du pays ?

Une démocratie sortie de l’exception militaire, mais encore fragile

Depuis la fin des années 2000, la Côte d’Ivoire est revenue à un ordre constitutionnel marqué par des élections régulières et un pluralisme politique assumé. Les coups d’État ont disparu du paysage, et les institutions républicaines fonctionnent de manière continue.

Cependant, la démocratie ivoirienne demeure contestée. Les processus électoraux restent sources de fortes tensions, parfois violentes, et la confiance entre pouvoir, opposition et citoyens demeure limitée. Si le pays vote, le consensus démocratique, lui, reste difficile à construire. La démocratie progresse, mais elle peine encore à s’enraciner dans une culture politique apaisée et inclusive.

Une croissance économique réelle, mais peu ressentie

Sur le plan économique, la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui n’est plus celle de la fin des années 1990. La croissance soutenue observée depuis plus d’une décennie, la modernisation des infrastructures et le regain d’attractivité économique traduisent un net redressement.

Pourtant, cette dynamique ne profite pas équitablement à l’ensemble de la population. Les inégalités sociales persistent, notamment entre zones urbaines et rurales. Le monde agricole, pilier de l’économie nationale, demeure exposé à la précarité, tandis que le chômage et le sous-emploi touchent massivement les jeunes. La question du partage des richesses reste ainsi l’un des angles morts du développement ivoirien.

L’égalité des chances, un idéal encore en construction

Les discours officiels mettent en avant l’égalité des chances et la méritocratie. Des efforts ont été consentis dans l’éducation, la formation et l’autonomisation des jeunes et des femmes. Toutefois, dans les faits, l’accès aux opportunités demeure largement influencé par les réseaux, l’origine sociale ou les affiliations politiques.

Ce décalage entre le principe affiché et la réalité vécue alimente un sentiment d’injustice, particulièrement chez une jeunesse nombreuse, instruite, mais souvent marginalisée dans l’accès à l’emploi et aux responsabilités.

Un progrès social perceptible, mais inégal

L’amélioration de certains indicateurs sociaux est indéniable : meilleure couverture en électricité et en eau potable, renforcement des infrastructures sanitaires et scolaires, reprise de l’activité économique après les crises. Mais ces avancées restent inégalement réparties et parfois peu visibles pour les populations les plus vulnérables.

Le coût élevé de la vie, la précarité de l’emploi et la mémoire encore vive des crises passées nourrissent un malaise social latent, malgré les signes de progrès.

Un pays transformé, mais toujours en quête d’équité

Vingt-six ans après le coup d’État du 24 décembre 1999, la Côte d’Ivoire a profondément changé. Elle est plus moderne, plus stable institutionnellement et mieux intégrée dans l’économie mondiale. Mais les promesses implicites qui avaient accompagné la chute du régime de l’époque — justice sociale, gouvernance équitable, démocratie apaisée — restent partiellement inachevées.

Le véritable défi, aujourd’hui, n’est plus d’éviter les ruptures brutales, mais de consolider une démocratie inclusive, de rendre la croissance plus équitable et de transformer le progrès économique en bien-être partagé. À défaut, les frustrations qui ont rendu possible la rupture de 1999 pourraient continuer de peser sur l’avenir du pays.

Firmin KOTO

Firmin Koto: