SINGELI, LE NOUVEAU STYLE MUSICAL QUI FAIT DANSER LA TANZANIE
Le son futuriste des ghettos de Dar Es-Salaam s’exporte à présent sur les dancefloors du monde entier. Dix ans après sa naissance, le singeli est passé du rang de paria à celui de fierté nationale.
Décoiffant, électronique et provocateur, le singeli incarne à la perfection l’énergie du Nyege Nyege Festival dont le nom désigne une “irrésistible envie de danser”. Si les fêtards néophytes finissent par s’abandonner à son tempo oscillant entre 180 et 300bpm, le singeli s’accompagne aussi de la chura dance dont le twerk furieux — souvent à même le sol — attire immanquablement un cercle de curieux.
“Le singeli est une expérience du corps très intense. Une fois que tu as compris le beat, tu peux danser pendant des heures : c’est comme une transe”, s’enthousiasme Rehema Tajiri. Composé de pas décapants qui changent à chaque seconde et d’une énergie punk, le singeli domine à présent les ondes, les dancefloors, les blockparties et les festivals en Tanzanie. “La musique est très puissante, de l’adrénaline pure. Mais c’est aussi un mouvement qui fédère tous les Tanzaniens : c’est notre nouvel emblème national, une vraie fierté. Le monde entier sera bientôt au courant”, prophétise à son tour Jay Mitta avec un débit-mitraillette.
Né il y a une dizaine d’années à Dar Es-Salaam, capitale tentaculaire au carrefour des histoires et traditions arabes, indiennes et africaines, le singeli se trouve lui aussi à la confluence des cultures et des générations.
À l’instar du zulu house sud-africaine ou du baile funk au Brésil, le singeli est né de l’absorption puis de la mutation — voire de la déconstruction — électronique des musiques vernaculaires sur du matériel informatique bon marché.
Il emprunte tout d’abord aux polyrythmies traditionnelles vanga de la tribu Zaramo, popularisées avec le mchiriku dans les années 80 grâce à des producteurs qui les réinterprétaient sur des synthés Casio. À son éclosion, le singeli a aussi abondamment samplé les parties instrumentales du taarab avant de se tourner vers le soukouss du Congo voisin, le kwaito sud-africain ou le hip-hop tanzanien face à l’agacement des musiciens de taarab locaux.
Danielle YESSO