Musique Contemporaine : Boni Gnahoré, l’art de la transmission de l’art par l’art

La musique, cet art magique, au fond de l’être de Boni Gnaoré ne communique universellement qu’avec les pulsions qui le nourrissent, dans un état de sonorité transcendante. Très exigeant avec la rigueur qui l’anime, il campe sa propre personnalité au centre de son art et de sa vision contemporaine des choses. Référence de la voie performative, au sens plus aigu de la démesure dans ce vaste univers où toutes les expressions artistiques se communiquent entre elles, sous une âme dite « transdisciplinarité » ou « transdisciplinaire ». L’ancêtre de la poésie sonore « Gbazanan » affûte d’autant plus ses instruments dans le but de grandir ses convictions. Celle d’une nouvelle mentalité pour forger un type d’artiste dans l’âme autour d’une nouvelle pensée. Geste très noble et raffiné, l’œuvre du père de la performance serait le socle d’une théorisation nouvelle de notre ère : « l’art de la transmission de l’art par l’art ».
Pilier, respectif des arts de la scène et du spectacle vivant en Côte d’Ivoire depuis le milieu des années « 1980 », l’artiste aux talents multiples se décline cette année à la passion des sonorités qu’il entretenait dans le passé (dix bonnes années en arrière) et sort son dernier né intitulé « Kumbélé-kumbélé ». Un rudy made épicé à la bombe magique des sonorités exotiques d’origine traditionnelle du peuple « Ivoire ». Du village Ki-Yi au chœur Attoungblan et de son pays natal en Europe, Boni Gnahoré n’a fait que semer de la bonne graine dans son parcours professionnel. Reconnu à l’échelle mondiale, il a toujours su montrer de par son amour fou pour l’art, les reliques artistiques et culturelles de sa tribu comestible associant sa chair à son âme. Une belle preuve de sa passion artistique comme fruit de ses entrailles, Dobet Gnahoré « la reine des scènes ». Une immense fierté aux yeux du monde de l’art et d’ailleurs.
La philosophie comme un art de célébration dans la création

Maître-tambour, scénographe, poète, dramaturge, acteur, metteur en scène, musicien, chorégraphe-cinéaste et percussionniste à la frontière de la folie expérimentale, Boni réalise des performances de haut niveau à la carrure internationale.
Si l’on arrive à renouer comme l’on arrive à défaire certaines choses de notre existence, au fond de notre « moi », l’attribution de l’invention de la musique serait portée, en général, sur Apollon chez les Grecs. Alors pour les arts vivants, nous retiendrons pour la noblesse de sa portée, ce patronyme de « Boni Gnahoré » comme champ symbolique des pratiques sensorielles, hors des normes conventionnelles, au coeur des sociétés d’origine traditionnelles africaines.
Cette figure emblématique de la parole des tambours, comme un philosophe se voit, si naturellement contribuer à l’essor des valeurs culturelles, dans cette volonté de la transmission du patrimoine par un art du savoir faire. Aujourd’hui, synonyme d’un processus de créativité ou d’une fécondité extrême. Axée sur les champs de nouvelles expérimentations, pour Boni Gnahoré, cette idée de faire naître entièrement une pensée esthétique liée à la philosophie revient à l’essence même des premiers pas vers la création, d’où la mère de l’imagination dans l’enclot « des libertés très libres ».
Jean-Paul Sartre disait : «L’être ne saurait engendrer que l’être et, si l’homme est englobé dans ce processus de génération, il ne sortira de lui que de l’être». Telle sera l’appréhension de maître Boni Gnahoré.
Véritable tribu, l’œuvre de Boni, sous cette dénomination du « Chœur Attounglan » fut le reflet de son propre cheminement, en tant que vedette de cette transmission culturelle à nos futures générations par un art de l’art. Fils ainé et fondateur de ladite tribu, cet ancêtre de l’art (Boni Gnahoré) se doit pouvoir s’interroger sur ce processus ? C’est-à-dire se mettre en question, tout en garder avec intelligibilité, dans la mesure de l’évidence, les diverses possibilités que nous offrent ce culturalisme à cette couverture charnelle : celle de se mettre soi-même, en dehors de notre être. Ce néant que sécrète la réalité-humaine en nous isolant tout champ est d’après Descartes, ce qu’il nomme : « la liberté ».
La vie expérimentale intuitive de « la liberté », que caresse les aventures créatrices de notre très artiste aux potentialités diverses, semble avec élégance, un des facteurs prestigieux de son bonheur vital, son identité.
Une expressivité créative liée aux possibilités intuitives face à la liberté

Organiser autour de la réminiscence, la démarche de Boni Gnahoré est un retour aux sources, malgré l’influence du gisement de la modernité contemporaine qui pleure à forts sanglots. C’est l’ossature majeure de ses recherches, à savoir la place du «devenir des valeurs culturelles traditionnelles» dans nos créations contemporaines de tous genres.
Mordu par l’hameçon des réalités, dès lors, pour Gnahoré Boniface Gnagbo, penser la création : c’est connaître ton tempérament, ses coulisses, ses rouages, ses habitudes, ses dessous et ses enjeux. En somme c’est la connaître avec une grande précision au millimètre prêt, de sorte que la visibilité immédiate de réception matérielle ne soit pas prisonnière de la perception immatérielle des effets de cette visibilité. Créer, revient dont à rendre pleinement un hommage très symbolique de la fin du « chaos ». Cette énergie par laquelle transcende en toute sincérité, cette hiérarchie de nouvelles formes par le biais sympathique liant « contemplation et phénoménologie ». Selon la théorie de Boni, toutes créations possèdent une énergie singulière, comme une mise en place de l’ordre cognitif.
Prélude à la transformation de l’acte, l’idée de créer, ou de façonner « le matériel à l’immatériel » dans une œuvre, donne de l’existant à toutes formes données dans la temporalité d’un quelconque espace évidé spirituellement et peuplé visuellement.
Entre l’âme et le corps, l’oeuvre prend corps et sens. Ce que l’on devrait savoir et retenir dans notre mémoire, serait simplement cette interaction :
« toutes les fois qu’il ya du changement dans la partie du cerveau à laquelle les nerfs aboutissent, il arrive aussi du changement dans l’âme ». Car, c’est de cette source énergétique et spirituelle que trouve la voie de la liberté en toute fertilité pour atteindre le point « G » dans les créations de tout genre.
Passionné et infatigable transmetteur du bonheur par la voie de l’éthos, Boni Gnahoré demeure un véritable sentier pour l’avenir des générations de notre sphère. Il a brillé comme du diamant, et enflammé la ville de Strasbourg, lors de son avant dernier concert en Alsace en compagnie de Dobet Gnahoré, une légende monumentale dont la popularité ne fait que croître à vol d’oiseau. Son dernier concert en Bretagne a également fait cramer l’ensemble de la médiatisation.
Belle déclaration et très belle subtilité comme preuve d’amour pour l’art.
Bon retour « Gbazanan ». Il était vraiment temps, de sortir de cette forêt sacrée.
Désiré Amani
Crédit photo : Michel De Bock