Manu Gallo : « En Europe, j’ai appris l’ouverture et les mélanges de cultures… »
Transfuge du groupe musical ivoirien à succès « Woya », Manu Gallo fait désormais son solo. À la faveur de la Pâques, elle s’est ouverte à nos questions sur le Parvis de Saint-Gilles (Belgique), juste avant le tournage de sa toute nouvelle vidéo.
Quelle est, Manu, la meilleure façon de vous présenter?
À l’état civil, je suis N’Guessan Gallo Pauline, Ivoirienne vivant en Belgique et connue sous le nom d’artiste de Manou Gallo. J’ai commencé la musique à Divo, en Côte d’Ivoire à l’âge de 8 ans. À cet âge, dans mon petit village de Bada, qui est la partie la plus ancienne de Divo et où la tradition est restée la plus vive, on m’appelait « Manou Star » car je jouais à l’Atombra (les tambours parleurs en langue dida, le dialecte du peuple Djiboi) et à beaucoup d’autres instruments de musique. Quelques années après, j’intègre le groupe Woya basé à l’époque à Divo. Là, je fais la connaissance de Marcellin Yacé, Marino, David Tayorault et les autres. C’était en 1985. Quand Woya est dissout, je suis dirigée et managée par Marcelin Yacé. Puis il m’envoie parfaire mes connaissances au Ki-Yi-Mbock, la troupe de théâtre qui m’initie à la danse à Abidjan (capitale économique de Côte d’Ivoire). Quelques années après je participe à la première édition du Marché des arts et du spectacle d’abidjan (MASA) en 1992. C’est là que je rencontre pour la première fois Michel De Bock, Manager et éclairagiste de Zap Mama, un groupe belge qui est à l’époque, à la recherche d’un basiste. Il m’amène faire une audition en Belgique. Là-bas, tout se passe bien. Avec ce groupe, pendant 6 ans, j’ai presque fait le tour du monde. J’ai été jouer en Afrique du Sud, au Sénégal, en France avec le Doyen Manu Dibango pour ses 50 ans de musique. J’ai été aussi au Portugal, en Espagne, en Suisse, en Allemagne, en Autriche, Belgique, Angleterre et dans les pays nordiques de l’Europe. Et depuis 2001, en compagnie de mon Groupe « Le Djiboi », j’essaie de voler de mes propres ailes. C’est ainsi qu’en 2003, je sors mon premier album « Dida ». Cette année 2007, il ya deux mois, mon nouvel album « Manou Gallo » est sur le marché en Europe.

Le nom de Manou Gallo rimant avec celui de Woya, pouvez-vous nous parler de la création de ce groupe qu’on qualifiait « d’élèves et de jeunes gens de Divo » et surtout comment s’est faite votre intégration au sein de celui-ci?
En fait, toute petite, à l’âge de 8 ans comme je le disais plus haut, j’étais à Divo et je jouais au tambour parleur et à d’autres instruments comme le djembé. Puis le Maire de la ville à l’époque, Monsieur Konian Kodjo qui me fait jouer quand il reçoit des invités, parle de moi à son fils François Konian, le Manager du groupe Woya. François Konian ira donc à la rencontre de mes parents pour que j’intègre Woya. C’est de là que tout est parti avec « Manou Star » – la petite star de Divo – mon petit nom d’artiste et qui deviendra plus tard Manou Gallo. J’étais la plus petite du groupe qu’il fallait occuper et éduquer en même temps. Il faut le dire, c’est au sein du groupe Woya, « au campement » (le quartier général du groupe) que j’ai appris à lire et à écrire.
Ah bon!
Mais oui ! Woya a été pour moi une Ecole. C’est au sein de ce groupe que j’ai presque tout appris : musique, écriture, lecture, ….
Parmi les succès du groupe : « Chèque sans provision », « Kakou Ananzé », « Maguérita », « Oh ! Loubard ! »… lequel avez-vous contribué le plus, en tant que jeune artiste, à réaliser?
J’étais en ce moment en apprentissage et donc je n’ai pratiquement pas contribué aux réalisations de ces titres qui sont devenus si célèbres. Moi, je tournais uniquement avec le groupe en faisant des spectacles live à Divo qui était devenue une ville de célébrités. J’étais la petite qui entamait le concert avec les tambours parleurs. Ensuite, je me contentais de taper sur une cloche tout au long du spectacle. Mais c’est là que j’ai découvert les instruments modernes : la batterie, la guitare basse, etc. On faisait du live également à Abidjan dans des émissions télé où je jouais à la batterie, à la guitare, etc. J’étais bien encadrée sur la scène ; bien « coachée » par celui qui deviendra mon père spirituel et qui jouera un rôle déterminant dans ma vie : Marcellin Yacé. C’est tout cela qui m’a aguerrie.
Au fait, que représente pour vous feu Marcellin Yacé? Qui était-il exactement au sein et pour le groupe?
Pour moi, « Papa » (c’est comme cela que je l’appelle), était le chef d’orchestre du groupe et en même temps la tête pensante. Marcellin est un grand musicien. Je dirais même un musicien hors pair, car il avait cette facilité de jouer à tous les instruments. Vous savez, quand on me pose la question de savoir à qui je veux ressembler, je pense tout de suite à lui. C’est mon idole. À dire vrai, il a été mon père spirituel. J’ai été à son enterrement à Jacqueville (ville côtière de Côte d’Ivoire).
Avez-vous des contacts ou des liens avec certains anciens membres du groupe que sont David Tayorault, Tiane, et autres….?
La personne qui faisait le lien entre nous, c’était Marcellin. Maintenant qu’il n’est plus, c’est un peu difficile de se retrouver. Quant à Tiane, je la considère comme ma « mère ». Sa fille Belinda, c’est ma petite sœur. Toute petite, je l’accompagnais tous les mercredis aux Deux Plateaux (un quartier de la commune de Cocody, à Abidjan) pour y suivre ses cours de musique à l’actuel INSAAC. Elle est en ce moment celle qui nous lie en tant que fille de Marcellin et de Tiane. Les médias doivent la laisser vivre, ne pas s’occuper de sa vie privée, mais seulement pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle sait faire. David Tayorault, lui, on s’appelle quelques fois.
À travers vous, peut-on penser un jour à un retour probable du groupe Woya sur la scène musicale?
Je ne pense pas. David a voulu refaire le groupe, mais ça n’a pas marché. Aujourd’hui je ne me vois plus en train de faire du « Woya ». C’est de l’ancien ; ça fait partie de l’histoire. Parler d’une tournée du groupe, c’est possible. Avec les absences de Marino et de Marcellin, je ne vois plus trop l’importance de refaire Woya. Tous les deux ont été pour beaucoup pour le groupe. Marcelin, de son vivant, a essayé avec le « Woya come back » mais ça n’a pas été comme on le souhaitait, mais bon ! Aujourd’hui chacun se bat autant que faire se peut de son côté pour donner un peu de ce qu’il a appris au sein de ce groupe. Donc, parler d’un retour du groupe Woya, je ne crois pas.
Depuis combien de temps êtes-vous en Belgique et comment vous sentez-vous dans ce pays?
Ça fait longtemps, très longtemps. J’adore la Belgique. Vous savez, après avoir passé tant d’années dans un lieu, on se sent chez soi. Et la Belgique, c’est mon deuxième pays. Ici, c’est le Big Respect ! Ce qui m’a amenée à faire un clin d’œil à ce pays en chantant « Abidjan-Bruxelles » sur mon nouvel album, une sorte de pont entre ces deux capitales. En Europe, j’ai également appris l’ouverture, les mélanges de cultures et de musiques. En Belgique, je joue avec des musiciens multicolores, c’est-à-dire des Belges et d’autres nationalités encore. Les Français sont surpris de me voir avec tout ce monde autour de moi quand je chante.
Avez-vous des projets immédiats?
Je viens de sortir « Manou Gallo », mon nouveau « bébé » à qui je souhaite un long parcours. Il est composé de 12 titres et est actuellement dans les bacs dans sept pays d’Europe. Cet album, c’est un autre moi-même ; c’est pour cela qu’il porte mon nom. J’ai tout fait moi-même : l’arrangement, la percussion, la guitare, etc. Presque tout sur l’album est de moi. Je compte aussi le sortir en Côte d’Ivoire et en profiter pour y tourner le clip du titre « Adoo », un morceau au rythme du terroir. Par ailleurs, un documentaire de 52 minutes a été fait sur mon parcours. Ce petit film retrace ma modeste vie d’artiste, depuis les Woya jusqu’à ce jour. Il s’intitule « Manou Gallo, femme de rythme » et a été diffusé pour la première fois en Belgique sur RTBF (la première chaîne de TV belge) le 17 avril dernier. À cet effet, par ma génération, je veux représenter la musique africaine, représenter mon pays dignement en Europe. Je veux également représenter la petite femme africaine qui joue de plusieurs instruments. Enfin, en tant que Marraine d’Amnesty International, je vais me consacrer à pas mal de choses. Voilà un peu mes projets.
Prévoyez-vous un spectacle en Côte d’Ivoire?
C’est vraiment mon plus grand rêve, et mes musiciens aussi. Pour l’instant, je n’ai pas de date en vue, mais ça ne saurait tarder. Mais, sachez aussi que presque chaque année, je suis en Côte d’Ivoire. Je ne l’ai pas abandonnée.
Un mot de la fin à ceux qui vous décrivent comme la « Tracy Chapman » ivoirienne?
Non, ne me comparez pas à Tracy Chapman. Elle, elle fait de la Country musique qui n’est pas mon genre musical. Moi, je fais de l’Afro Groove. Je fusionne le blues, le funk, le groove et le rock. En un mot, je fais du « Manou Gallo », c’est-à-dire mon style à moi (rire). Pour les lecteurs de 100pour100culture.com, je leur fais un petit coucou et leur dis que mon deuxième « bébé » est né. Qu’ils cherchent à se l’approprier ; ils ne seront pas déçus après l’avoir écouté.
Coll. : Assi Essa Blaise