LES SALOPARDS : Le retour en grâce
Ils sont au nombre de quatre (4) et ont marqué la deuxième génération de la musique Zouglou en Côte d’Ivoire et à au-delà des frontières du pays. Le groupe a choisi de s’appeler « Les Salopards » en référence au ton satirique de leurs textes mais aussi à l’image négative que se font les pouvoirs africains de tous ceux qui osent parler haut… Séparés depuis plusieurs années et en carrière solo pour certains Bloco, Soum Bill, Colin et Débingue sont de retour sur la scène pour le grand plaisir de tous les nostalgiques des années 90!
Tout a commencé pour ces jeunes gens en 1992 quand ils cherchaient encore leurs repères dans divers groupes déjà présents sur la scène musicale ivoirienne après le succès phénoménal de l’album « Gboglo Koffi » de Bilé Didier et des Parents du Campus en 1990. C’est ainsi que Bloco et Colin, ex-membres du groupe Esprit de Yop, d’une part, Soum Bill et Débingue transfuges des Garagistes, d’autre part, comme par la force des choses se retrouvent pour former le groupe Les Salopards: une façon pour eux de mettre l’art musical à leurs pieds par des textes incisifs et des messages percutants.
Des années durant, à la recherche d’un producteur assez courageux pour réaliser leur album dont les textes sont d’une efficacité et d’une netteté frappantes, ils font la rencontre de Touré Sound; celui-là même qui va donner le coup de pouce tant attendu. L’album intitulé «Bouche B» sort en 1995 et reçoit l’assentiment des mélomanes. Des titres comme «Regardez», «Bouche Bee», «Politique meurtrière» mettent le doigt là où ça fait mal. Ils dénoncent les tares de la société ivoirienne engendrées par les politiques. Tous les fossoyeurs de notre administration publique sont passés au peigne fin. Quant au fameux titre «Monsieur le Maire», une sorte de chronique de la cité qui met à l’index les maires d’Abidjan qui semblaient aveugles face aux ordures ménagères sous lesquelles croulait la ville dont ils ont la charge. Les mots sont justes et clairs. Résultat : plus de deux cent mille cassettes vendues. Un véritable record dans un pays où la copie illégale de cassettes et de CD se fait en toute impunité.
L’année suivante, le groupe qui a maintenant la côte au niveau national participe à la 1ère édition du Fespam (Festival panafricain de musique) au Congo Brazzaville. Ensuite, en 1997, au moment où toute une jeunesse étudiante conduite par Soro Guillaume (alors Secrétaire de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire, FESCI et actuel Premier Ministre du pays, NDLR) est à la dérive, poursuivie et traquée par l’ex-parti unique, ils sortent leur deuxième l’album baptisé « Génération Sacrifiée ». Ce disque qui a le mérite de rapprocher les étudiants, groupe social acculturé et élite en puissance et le petit peuple des sans espoir, marque la consécration du groupe. Certains allaient même à dire que les textes de la chanson ont été écrits par l’ex leader estudiantin tellement les paroles retraçaient les problèmes des étudiants vécus au quotidien. Aussi la pochette de l’album est-il révélateur et provocateur: les quatre Salopards sont faits prisonniers portant des écriteaux sur lesquels on pouvait lire: «Condamné pour la couleur de sa peau», «Condamné pour son honnêteté», «Condamné pour sa pauvreté» et «Condamné pour avoir dit la vérité». Le clip qui sous-tend la chanson est alors interdit de diffusion sur les chaines de télévision ivoirienne. Pour les «salauds de l’Art», c’était comme un passeport pour la scène internationale. Ils sont dès lors invités en Europe pour une série de spectacles. Entres deux avions, les Salopards réalisent leur 3ème production discographique « Pays perdu » en 1999. Le dernier, car le groupe se disloque pour des problèmes de gestion.
Dispersés entre la France et la Côte d’Ivoire, chacun des membres de ce groupe avait tenté de mener son avenir comme il le sentait. Les deux leads vocaux que sont Soum Bill et Bloco font cavalier seul. Le premier réalise 3 albums : « Zambakro », « Terre des Hommes » et « Que la lumière soit ». Le second, même s`il s`est lancé dans les affaires à un certain moment, a également tenté une carrière solo qui s`est soldée par deux albums dont un single. Kradjé Charles Marc alias (Bloco) s’engage également dans la vie associative où il participe à la création du Mouvement des Artistes ivoiriens Résidant en Europe (Modaire) et préside la Fédération des Associations des Artistes ivoiriens de France (Faaif). Quant aux deux autres qui jouaient les chœurs et présentaient la chorégraphie du groupe, après des petits boulots ça et là, Débingue (Kouassi Débin Raphaël) est à ce jour, gérant d`une entreprise. Il en est de même pour Kouassi Boa Pierre (Colin) qui, en plus d`une entreprise de sécurité, s`est spécialisé dans le transport des colis.
Aujourd’hui, ces quatre messieurs, après avoir laissé le temps faire les choses ont décidé de se remettre ensemble pour le bonheur des mélomanes et des zouglouphiles en particulier. C’est donc par 3 concerts (le 23 mai, au Cabaret Sauvage de Paris, près du Zénith, le 30 mai, au Palais des Congrès de Nantes et les 13 Juin à l`Espace Julien de Marseille en France) que Les Salopards marqueront leur retour sur la scène musicale après 10 ans de séparation. Ces séries de concerts sont pilotés par Jeety’s Prod, une jeune et dynamique structure de production de spectacles dirigée par Lebri Jeety BRIDJI dont l’objectif premier est de sortir les artistes ivoiriens de l’amateurisme en devenant leur interlocuteur privilégié auprès des différentes institutions.