Interview Pierpoljak: «La crise financière actuelle est un gros mensonge »
Pierpoljak était samedi 25 avril dernier à Metz dans le cadre d’un concert gratuit à la Place Saint-Louis. Face à une foule de messins venus déguster sans modération sa musique, l’artiste s’est confié à notre journal. Sa vision du reggae, de la France, de la politique, de la crise financière, ses craintes, ses révoltes, ses joies. Rencontre à chaud avec le rasta blanc.
Qu’elle est votre réaction à chaud après ce concert à Metz?
Très bonne réaction. Les gens sont venus nombreux parce que c’est un concert gratuit, ils sont venus en famille, c’est en plein air et surtout ils ont la possibilité de fumer, de danser. J’aime le côté, familiale du concert.
Vous qui êtes l’une des figures du reggae français, quelle vision avez-vous de ce genre aujourd’hui?
A l’heure actuelle le reggae a changé, l’esprit du reggae n’est plus ce qu’il était, il va vers un système de gangsta même en Jamaïque, un peu comme en Amérique, il y a moins de spiritualité et de conscience, ce n’est plus comme il y a vingt ans , le reggae de papa. Aussi il faut que les rastas reprennent le dessus pour faire revenir la spiritualité.
Le rastafarisme a toujours pris parti pour ceux qui ne sont pas dans «Babylone», les démunis, les opprimés, etc, que pensez-vous des rasta comme Tiken Jah et autres Alpha Blondy?
Ce sont des collègues, je les connais tous les deux, Tiken je suis allé chez lui à Bamako, où il vit bien qu’étant ivoirien, Alpha, c’est un pionner, j’ai joué avec lui à Bercy. C’est vrai qu’il y a une certaine compétition entre eux, mais cela s’amenuise, parce que chacun d’eux à son style, chacun suit sa voie. Mais c’est deux personnes que j’aime beaucoup.
Qui selon vous est le véritable porte –flambeau du reggae aujourd’hui?
C’est Buju Banton, pour moi. J’ai passé beaucoup de temps en Jamaïque. Sinon pour moi c’est Burning Spear le vrai porte-flambeau du reggae, il est connu internationalement. Quant à Alpha Blondy et Tiken ils font un reggae de combat, un reggae engagé, un reggae militant.
Le reggae peut-il ne pas être engagé?
Vous savez le reggae est un tout. Il parle d’amour, d’espoir, de combat, de fesses, de gangsters qui s’entretuent, bref, le reggae est multiple.
Tout à l’heure dans l’un de vos titres vous avez brocardé les politiciens. Etes-vous engagé?
Mon engagement dépend de la situation. Je fonctionne selon les événements. Par exemple, je pense que la crise financière actuelle est un gros mensonge. C’est les mêmes qui créent des situations et s’en mettent plein les poches, c’est les mêmes qui maintiennent l’Afrique dans sa situation de dépendance depuis des décennies. Ils nous font croire que c’est la crise pour tout le monde, mais en réalité pour eux cela va très bien. Ils investissent des milliards dans des banques pendant qu’ils nous parlent de crise. Où ont –ils sorti cet argent si nous sommes en crise. Ils se foutent de nous! Ils nous prennent pour des cons! Voici pourquoi ils nous faut faire attention à leur manipulation. C’est la raison pour laquelle j’aime Tiken jah qui nous fait comprendre que les grands de ce monde nous mènent en bateau. La crise, c’est du pipeau. C’est juste un moyen pour gagner encore de l’argent. Comme si ils n’en avaient pas assez.
Que pensez-vous de la politique actuelle de la France?
Je n’aime aucun des politiciens actuels. Tous les mêmes, il n’ y a pas un pour relever l’autre. Sarkozy, c’est un petit mec nerveux, qui envoit ses sbires, ses policiers pour faire taire les gens dès qu’ils se mettent en grève dans les usines alors qu’il a promis les aider. C’est pareil que dans les cités. Les jeunes se font assassiner dans les cités et à chaque fois les flics n’ont jamais de problèmes, c’est le contraire ce sont les habitants des cités qui trinquent. Alors moi Sarkozy, non! Never! never!
De quelle cité êtes –vous?
Je suis de la région parisienne. Je suis de Colombes dans le 92. C’est une cité pourrie.
A ce point là?
C’est quand même pas le Pérou Colombes, c’est près de Bécon-les –Bruyères, Levallois…
J’habite les Morenaux, près d’Argenteuil. c’est pire.
Quel message avez-vous délivré à tous ceux qui sont venus à votre concert ce soir?
Je ne suis pas un prophète, mais j’aime communiquer la joie et le bien-être. Je refuse d’agir en donneur de leçons comme un homme politique. Je n’ai pas l’âme à dire aux gens ce qu’ils doivent faire. Je ne suis pas sûr de faire les bons choix moi-même, alors, mon rôle est de d’apporter la joie et le bien-être aux fans de prendre ce qui leur semble bon dans mes chansons. J’aborde beaucoup de thèmes. Et j’espère que chacun y trouve son compte.
Tout de même vous êtes connu et reconnu en France sinon dans le monde?
Je ne suis pas à la hauteur. Je ne suis qu’un simple chanteur. Je ne suis qu’un apprenti chanteur de reggae.
Vous un apprenti?
(Rires) En fait, je veux être ce que j’ai toujours été, un mec simple sinon je me perds. J’ai besoin d’être avec les gens opprimés, défavorisés, des gens qui ont du cœur et l’esprit ouvert et qui aiment le reggae, non vraiment je n’ai aucune prétention d’être une pointure.
Pensez-vous que l’on soit opprimé en France aujourd’hui?
Oui, la police fait ce qu’elle veut. La justice est bancale. Regardez l’affaire Outreau. Le juge qui a brisé des vies de dizaines de personnes n’a écopé que d’un simple blâme. C’est ça la France aujourd’hui. Plein pouvoir à la police, à la justice et dès qu’on l’ouvre un peu, c’est pan! pan! on vous tape dessus. C’est une dictature molle, une dictature hypocrite la France, c’est aussi une dictature de l’argent.
La situation est-elle désespérée?
Il y a beaucoup de bonne volonté, mais en ce moment c’est une vraie dictature.
Quelles solutions préconisez-vous en tant qu’artiste?
Moi j’ai mon bateau, quand j’en ai marre, je vais où les gens sont cools.
Votre solution, c’est la politique de l’autruche?
Non! je ne fais pas l’autruche je suis un marin, un vrai marin, alors quand c’est ça devient trop compliqué je prends le large, pour me ressourcer pour mieux revenir au combat.
A quel moment sentez-vous que vous n’en pouvez plus?
Quasiment tout le temps. Parce que la vie est trop merdique ici en France.