Interview: NASH (Artiste ivoirienne de Rap) : « Moi, je fais du Rap à la sauce ivoirienne »
NASH fait partie de la nouvelle génération du mouvement Rap et Hip-hop en Côte d’Ivoire. De son vrai nom, Natacha Flora Sonloue Aka, cette jeune fille de 24 ans défend la cause féminine par sa musique captivante tirée d’un discours de la rue abidjanaise. Pour la promotion de son dernier album « Ziés Dédjas » et pour une série de spectacles en France et en Europe, nous l’avons rencontrée en région parisienne dans la ville où réside son père spirituel Boni du Groupe RAS. À cœur ouvert, la « go cracra du Djassa » (entendez par-là la jeune fille-choc du ghetto) se livre dans cet entretien qu’elle a bien voulu nous accorder.
Qu’est-ce qui amène NASH en France en ce moment précis ?
D’abord salut à tous ! Je suis ici dans le cadre d’une tournée organisée par Nouchi Arts, ma structure de production en collaboration avec des personnes ici comme Jean-Paul, le Directeur du Festival « Les Eurockéennes » de Belfort à l’Est de la France. Je suis ici aussi pour rencontrer Joël Gramson qui est mon producteur au niveau de la Suisse. Donc c’est une tournée dans le but de promouvoir la musique de Nash quoi !
Cela fait combien de temps que tu es ici ?
Cela fait pratiquement deux mois que nous sommes là. Nous avons déjà fait la France, la Suisse et d’ici demain (l’interview a été faite le 11 août dernier, ndlr) nous partirons pour le Danemark dans le cadre d’un concert.
Ce qui veut dire que la musique de NASH s’exporte désormais ?
C’est clair qu’on fait des trucs dans notre pays pour être connue et ensuite on essaie d’exporter notre culture hors des frontières ivoiriennes pour mieux la faire connaitre être. C’est très important de parler de sa musique, sa culture, de promouvoir son style de musique à l’extérieur du pays.
En fait, c’est quoi précisément ton mouvement, ton genre musical avec ta façon de rapper ?
C’est du Rap tout court, mais à la sauce ivoirienne. Vraiment du rap nouchi qui est le parler ivoirien en même temps l’identité culturelle de la Côte d’Ivoire.
Peux-tu nous parler de tes débuts sur la scène musicale ?
Les débuts ont toujours été difficiles, mais comme je le dis il faut toujours croire à ce qu’on fait et aller à fond. J’ai été choisie dans un sound system organisé à Yopougon, à Abidjan par Boni du Groupe RAS et Joey Starr. C’est à l’issue de ma prestation que ces deux hommes ont décidé de me tendre là perche en me faisant participer à une compilation appelée « Enjaillement » produite par Boni RAS et Kesdo du groupe les Refrè. Là, j’ai repris le titre « Premier Gaou » de Magic System en version nouchi que j’ai intitulé « Première Djandjou » ; ce qui m’a révélée au public ivoirien. Ensuite j’ai créé un collectif qui s’appelle le Gbonyi Yoyoyo avec presque tous les rappeurs de Côte d’Ivoire.
Effectivement, parlant du Collectif Gbonyi Yoyoyo qui fait un rap dans prolongement de celui fait par le Groupe RAS à l’époque. Il y a eu aussi le rap fait par Almighty, Stezo et les MAM en version française beaucoup plus poétique. Aujourd’hui l’on entend parler de Rap abidjanais fait par les Garba50 et avec un peu de folklore chez Billy Billy, alors peut-on affirmer que le Rap connait une certaine diversité en Côte d’Ivoire ?
Bien sûr qu’il y a une vraie variété de rap en Côte d’Ivoire. C’est ce qui manquait au rap ivoirien et les RAS ont compris ça. Ils ont propulsé ce genre de musique qui était un peu mal vu à cause du style américain sur la place. Alors ces grands frères-là sont venus montrer qu’on est Ivoiriens et qu’il fallait rapper dans nos langues ; ce qui a marché et que, nous, on essaie de suivre. Aujourd’hui avec le Collectif Gbonyi qui est sorti en 2005 avec la crise et qui a fait son petit bonhomme de chemin pour dire qu’on peut se mettre ensemble pour faire des choses intéressantes en utilisant nos diversités culturelles et ethniques. Aujourd’hui, les Garba 50 ont suivi et à travers eux beaucoup d’autres ont suivi le mouvement comme Rajman, Billy Billy, etc.
Parlant de tous ces groupes, quels sont tes rapports, d’abord avec les membres de ton collectif que sont Priss’K et Zongo. Ensuite, Billy Billy et enfin les Garba 50 ?
Priss’K c’est ma sœur. Elle était mon idole à la base car c’est la première fille que je voyais rapper à la télé. Elle est aujourd’hui ma vieille mère dans le milieu et nous bossons ensemble. Nous serons au Danemark ensemble dans le cadre d’un festival. Zongo on a bossé ensemble dans le collectif Gbonyi Yoyoyo. Rajman, c’est mon frère, c’est mon jumeau car on est tout le temps ensemble. Billy Billy c’est pareil, c’est mon fils, c’est la famille quoi. Moi je suis plus proche de tout le monde. Enfin Garba 50, c’est des rappeurs de Côte d’Ivoire qu’on aime bien et qui font de bons trucs quoi !
Justement, selon toi, qu’est-ce qui freine la musique des Garba 50 qui n’arrivent pas à sortir du pays pour des festivals auxquels vous et les autres participez ?
Moi je ne sais. Ils sont mieux placés pour vous l’expliquer. Moi, je ne dirai pas que ça freine parce qu’ils ont fait les beaux jours de la Côte d’Ivoire. Garba 50 est un groupe connu au pays et leur sortie a été vraiment bien vue et très appréciée en Côte d’Ivoire. Nous, on a aimé et puis quand on sort aussi, souvent les gens nous croisent dans le métro et ils nous parlent de Garba 50 ; ce qui nous fait plaisir. Mais je ne sais pas car je ne pourrai pas vous en dire plus. Moi, je m’occupe de ma carrière et chacun essaie de se battre de son côté.
En tant que jeune fille, ne penses-tu pas que ce milieu est réservé aux hommes pour qui ça marche et convient si bien ?
Bon, c’est ce qui se dit, mais moi je pense que dans la vie il faut se battre et croire en ce que l’on fait. C’est vrai qu’en Côte d’Ivoire, il y a Priss’K et moi qui sommes des filles mais rien n’est écrit quelque part que le Rap est fait pour les hommes. Celui ou celle qui veut peut le faire et nous, on aime le Hip hop et on s’est donné les moyens de le faire.
C’est donc ce qui t’a permis de rencontrer Diam’s, une autre femme du rap ?
Tout à fait ! Diam’s, c’est mon idole en ce moment. Vraiment, elle est ma source d’inspiration et j’ai lutté pour la croiser. Aujourd’hui, grâce à Tiken Jah, le kôrô (le doyen, ndlr) à qui je dis merci au passage qui m’a mise en contact avec son manager, j’ai pu la rencontrer lors de son passage à Abidjan pour une série de concerts. Ensuite, avec Yves de M’Bella et Serge Alain du journal Gbich, j’ai pu rentrer en contact avec elle et nous avons échangé. Elle m’a dit par la suite : « si tu viens en France, appelle-moi et on verra comment on peut essayer d’avancer ». Je lui envoie des mails et aujourd’hui pour mon séjour, nous nous sommes croisées pour parler de collaboration. En tout cas, elle est prête à m’aider dans ma jeune carrière.
Donc NASH interviendra sur le prochain album de Diam’s ou ce sera l’inverse en ce moment ?
En fait, elle a déjà bouclé son album et lors de notre rencontre au studio, elle m’a fait écouter un de ses titres. Ca m’a vraiment fait chaud au cœur. Diam’s est une super star et la considération qu’elle a pour moi me touche énormément. Donc, elle et moi, on parlera de collaboration.
Et tes rapports avec Mokobé ?
Lui, c’est mon vieux môgô (un vieil ami, ndlr), c’est aussi mon kôrô (le doyen) qui m’aide et qui m’a permis d’intervenir sur son dernier album et je pense que c’est une grâce de Dieu. Aujourd’hui, ce sont ces rapports-là qui m’ouvrent des portes et qui permettent à NASH d’avoir de la côte au sein de la diaspora hormis le peuple ivoirien.
Enfin, NASH et le nouchi, comment est né ce mariage en fait ?
Je ne suis pas la première à faire du rap en nouchi. Avant moi, il y avait les RAS. Moi, je ne fais que suivre le mouvement. C’est vrai qu’à Man où je vivais, on ne parle pas le nouchi comme Abidjan, mais on avait notre ghetto à nous. C’est à peu près le même esprit que les enfants de la rue d’Abidjan. C’est à mon arrivée à Abidjan, à Yopougon quand je côtoyais les gens du ghetto que le virus du nouchi m’a pris. Et là, je suis en train d’apporter un plus à travers mes chansons, voilà !