Cécile Verny Quartet : Mon plus grand rêve serait de donner un concert à Abidjan
Cécile Verny Quartet (CVQ) est un quartet de Jazz reconnu à l’échelle mondiale. Avec son jazz éclectique et varié, ce groupe basé en Allemagne porte en son sein cette belle afro-européenne Cécile Verny qui en 25 ans a su faire, porter le succès au mythique groupe (CVQ), avec 12 albums et entre autre une soixantaine de concerts par an.
En pleine tournée Européenne dans le cadre de la promotion de « Fear and Faith » le dernier né, du CVQ, Cécile Verny, la lead vocale du groupe, née à Abidjan nous reçoit ce samedi ensoleillé en cette période hivernale.
Avec plaisir elle se prête aux questions de 100%culture.com. Franche et non moins déconcertante, tout y passe : du gâteau Français à sa mission d’artiste, éveilleuse de consciences en passant par la religion dont elle ne retient que l’aspect philosophique, culturel et l’amour du prochain qu’elle prône. Elle me manque pas de confier au passage son grand rêve qui pourrait être le moment le plus émotif et poignant de sa carrière d’artiste : Se produire un jour dans le pays qui l’a vu naître, la Côte d’ivoire…
Entretien :
« Personnalité de la Diaspora est la première du genre. » Merci de nous faire l’honneur de cet entretien malgré ton programme pour la promotion du nouvel album très chargé.
Comment aimerais- tu qu’on te présente ?
Cécile Verny : Je suis Cécile Verny, chanteuse du CVQ «Cécile Verny Quartet », de père Togolais et de mère française. Je suis née en Côte D’Ivoire où j’ai vécu jusqu’á l’âge d’environ 12 ans avant d’entrer en France avec ma mère.
« Personnalité de la diaspora » est avant tout une réponse à ce qui semble être la présomption d’incompétence » que certains décideurs et hommes politiques africains semblent accordés à tous ceux vivant à l’étranger et en exil ?
Cécile Verny : « Présomption… » souvent corroborée par l’illusion entretenue par la grande masse des exilés qui peinent sur place à joindre les deux bouts, confinés aux travaux subalternes mais préférant vendre des rêves à tous ceux qui sont restés au pays. « No I.D. » un de mes titres du nouvel album thématise le phénomène.
C’est un fait ! Mais il y a aussi la grande masse muette. Toutes les Stars, tous les experts dans des domaines très souvent de très hautes technologies et qui contribuent à l’essor des économies des pays d’adoption ?
Cécile Verny : …et qui seraient pour la plupart prêts à apporter leur pierre à l’édifice mais ne sachant comment y procéder…
Effectivement !… Mais comment diable l’Ivoirienne de bon ton que tu es, est-elle arrivée au Jazz ?
Cécile Verny : Ayant passé mon enfance à Abidjan, c’est bien entendu aux sons du Ziglibithy d’Enesto Djédjé, d’Aicha Koné, de Bailly Spinto… et des groupes Blacks US américains tels que the Commodores que j’ai été d’abord bercée. Mais c’est le hasard du destin qui me mène au Jazz. En cité universitaire à Strasbourg où j’étudiais alors, je prenais plaisir à chanter tout en faisant la vaisselle après des repas entre étudiants. Un de mes voisins m’a alors présentée à un groupe de Jazz dans un club qui venait de s’ouvrir. J’ai toute de suite été retenue après ma première audition et c’est de là que tout est parti.
Bien que le quartet porte ton nom, tu te présentes comme chanteuse et non « lead vocal » comme sont présentés tous les chanteurs compositeurs, appelés en général«frontmann » dans les groupes, comment expliques tu celà ?
Cécile Verny : La particularité du «CVQ » est qu’on est assimilable au gâteau français appelé quatre Quarts( 4/4). Il faut la même quantité d’oeufs, de farine, de beurre et de sucre pour sa composition. Bien entendu un esprit malin peut la modifier. Le résultat n’est plus alors le même gâteau. Il en de même de notre groupe. Bernd Heitzler à la Basse, Andreas Erchinger au Piano et synthé ainsi que Lars Binder à la Batterie et moi-même avons la même importance. La présence au devant de la scène ne fait aucunement de moi la patronne du groupe.
Qu’est-ce-qui fait la force du quartet ? Les groupe de Jazz pullulent dans le monde et en RFA en particulier mais le CVQ est célébré par le milieu, jouit d’une très bonne critique et se maintient depuis plus de 20 ans ?
Cécile Verny : Notre force vient de notre éclectisme, de notre curiosité, de nos désirs inassouvis d’explorer d’autres cieux musicaux, d’autres horizons. Le quartet est la somme des libertés et des richesses individuelles qui la composent.
La presse d’ordinaire pas tendre dit du quartet, CVQ qu’il est « extraordinaire, varié, charismatique, charmant, très sollicité, adulé des masses, très prolixe et créateur. » Ta modestie dut elle en souffrir, ne te surprends tu pas chaque matin en regardant dans ton miroir à te bomber la poitrine ?
Cécile Verny : Aucunement ! Je suis bien sûre ravie de l’accueil réservé à notre musique mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, le plus important pour moi n’est pas ma personne en tant que telle. Je ne veux pas par exemple impressionner personne par la beauté de ma voix mais plutôt toucher le coeur des auditeurs pas la texture de la voix et par les messages ou des questions véhiculées par les chansons.
Quel message particulier véhicule le dernier né ? A quoi doivent s’attendre les fans avec « Fear et Faith » ?:
Cécile Verny : « Fear and Faith » (Peur & Foi) est le premier album que nous enregistrons avec un producteur. Au niveau des textes, c’est la spiritualité qui prône. Peur et foi sont deux composantes de notre monde, de notre société. Peur de l’au-delà et foi en un être transcendant sont deux valeurs concomitantes. Les douze titres de l’album actuel sont des moments de questionnement. Je pose en général plus de questions que je n‘en donne de réponses.
Le message du titre « métisse » est sans équivoque quant à lui : « Je ne sais pas où aller/Je te hais pour ce que tu as fait./ Maman m’a donné des ailes où sont mes racines ? Est-ce le procès du père qui ne t’a pas assisté, qui n’a pas guidé tes premiers pas ou une simple complainte face au dilemme qui semble être l’écartèlement auquel sont confrontés tous les métis ?
Cécile Verny : C’est loin d’être un procès, c’est plutôt une complainte. Un simple questionnement face au sort qui est le mien. De père Togolais, d’une mère française et née en Côte d’Ivoire j’ai par ailleurs un époux Allemand et une grand-mère Roumaine. C’est dire que le métissage, je connais à tous les niveaux.
Le problème est-il seulement biologique ?
Cécile Verny : Bien sûr que non ! Je présente ici aussi le cas non seulement de tous les métis biologiques mais culturels… Des exemples, dioula-baoulé, franco-suédois ou ivoiro-sénégalais ! Cependant, ayant grandi sans mon paternel donc n’ayant pas appris sa langue maternelle (l’éwé), j’ai souvent l’impression d’avoir un vide en moi. Il me manque toute la culture que m’aurait apportée cette autre langue. C’est une page en moi qui restera vierge.
Quel est l’apport de la Star de la diaspora que tu es à ton pays de naissance qu’est la Côte d’ivoire ?
Cécile Verny : je ne suis pas une star et ne me considère pas comme une telle. Manu Dibango par exemple en est une. Pour le reste, il faut dire que j’ai très peu de contact en Côte D’Ivoire. Grâce aux réseaux sociaux, j’ai pu récemment retrouver des amis d’avance mais c’est tout.
Dois- je ici y voir ton impuissance de ne savoir comment apporter ta pierre à l’édifice ivoirien ?
Cécile Verny : Je serais prête à aider avec ce que je sais faire et les moyens qui sont les miens mais je ne sais comment. Cela me fait de la peine de voir que de nos jours, des gens meurent encore de malaria ou que l’analphabétisme atteint encore des proportions inimaginables. Au niveau privé, je suis active dans les organisations caritatives. Lorsque l’occasion se présente en tournée, aussi. Nous avons en Août dernier, donné lors d’une tournée en Afrique du Sud un atelier dans un township.
En Côte d’ivoire la réconciliation est à parachever, Cela pourrait être une piste ?
Cécile Verny : Nous avons joué dans énormément de pays, dans le monde et sur tous les continents sauf en Asie ! Et… je ressens toujours comme un vide de n’avoir pas encore pu donner de concert sur les terres qui m’ont vu naître. J’avoue que ce serait le plus grand moment d’émotion jamais vécue si l’occasion était donnée au CVQ , mais surtout à la grande exilée franco-ivoirienne que je suis, de se produire en concert à Abidjan. Si ma musique permet alors d’apporter ma pierre à l’effort de compréhension mutuelle entre nos peuples respectifs, alors je serai comblée.
Merci pour l’entretien
Désiré-Christophe Oulai