Alpha Blondy :Portrait d’une légende vivante
Originaire de la Côte d’Ivoire, Afrique de l’Ouest, Alpha Blondy est parmi les plus grands artistes de reggae les plus populaires du monde. Avec le « Solar System », son groupe musical fort d’une douzaine d’artistes triés sur le volet, Blondy est une véritable légende vivante qui déchaîne les passions à chacune de ses sorties d’album et pendants les nombreux concerts qui le conduisent sans répit à travers le monde.
La scène se passe à Bristol, petite commune paisible et fortement culturelle dans Sud-Ouest de l’Angleterre. Au détours d’une rue, un boom box crache, dans un anglais impeccable, « Jerusalem » (hit tiré de l’album éponyme sorti en 1986) au grand bonheur d’une joyeuse colonie jamaïcaine réunie à cet endroit. Surpris (sans doute agréablement) d’entendre un air aussi familier, qui plus, est chanté par un artiste originaire d’Afrique, un passant ébailli s’approche pour partager sa joie d’écouter « du Blondy » si loin de sa terre d’Eburnie, mais manque de peu de se faire lyncher car aucun de ces mélomanes jamaïcains ne veut croire que Blondy est un fils d’Afrique…
Pourtant, se considérant comme un rasta Africain, Alpha Blondy crée à travers sa musique des hymnes centrés sur « Jah », pour la promotion de valeurs telles la moralité, l’amour, la paix et l’éveil de la conscience sociale. Et se situe entre le romantisme et rage que suscite l’injustice. Une grande partie de la musique de Blondy compatit à la douleur des pauvres et au malheur de ceux vivotent sur les périphéries de la société. Blondy est aussi un fervent partisan de l’unité africaine et, à cette fin, il chante à l’adresse des musulmans en hébreu et chante en arabe pour prêcher aux Israéliens. Un trait de caractère propre à lui, remarquable à travers l’ensemble de son oeuvre.
Après un ticket de voyage obtenu à l’arraché, le jeune Seydou Koné débarque en 1976 à New York. Il fréquente, à l’instar de la plupart des africains les milieux carribéens et notamment jamaïcains. Dans la même année, il assiste à un concert donné par Burning Spear à Central Park dont il parle encore aujourd’hui comme d’une date majeure, d’où est venu le déclic. Sa rencontre avec le Jamaïcain Clive Hunt, qui lui présente The Sylvesters, un groupe formé par une famille de dominicains qui joue régulièrement dans les petites salles de l’État de New-York, va être déterminante. Blondy commence à se produire en première partie des Sylvesters. Il chante ses propres compositions, dont «Burn down the apartheid», « Bory Samory » ( publié en 1984 sur « Cocody Rock ») ou « War », de Bob Marley, en français (publié en 1994 sur «Dieu»)… Mais le plus grand espoir du jeune homme repose sur les 8 chansons enregistrées, sous la houlette de Clive Hunt, au studio Eagle Sound à Brooklyn. Malheureusement, le disque ne verra jamais le jour : le réalisateur ayant des problèmes d’argent… Déjà quatre ans passés aux États-Unis, sans résultat vraiment palpable : en 1980, Blondy décide de rentrer en Côte d’Ivoire. Peu glorieux, le retour est douloureux. Le rêve américain a tourné au cauchemar.
C’est Roger Fulgence Kassy, animateur à la télévision ivoirien et ami à Blondy, qui lui donnera en 1981 sa chance. Fulgence Kassy, très en verve alors, lui propose de passer à son émission, au nom peut-être prophétique, «Première chance». Mais pour le chanteur qui a bientôt trente ans, c’est plutôt la dernière chance… Il interprète quatre chansons : « Christopher Colombus » de Burning Spear, et trois de ses compositions, « Bintou were were », « Dounougnan » et « The end ». « Tu verras, demain, ta vie va changer », avait prévenu Fulgence. Effectivement: Devant l’engouement suscité par le passage à la télévision, Georges Benson propose au chanteur de produire son premier album. Ce sera « Jah Glory », qui sort fin 1982, début 1983. C’est, au grand regret de Seydou Koné, malheureusement trop tard pour faire partager sa joie à sa grand-mère chérie.
Sur l’album, un titre que Benson hésite à mettre : « Brigadier sabari ». La chanson (dont l’intitulé peut se traduire par la supplication « Brigadier, pitié! ») dénonce les violences dont la police est coutumière. Le titre fait un tabac en Côte d’Ivoire et dans toute la région. Il accompagne jusqu’à aujourd’hui la riche carrière d’Alpha Blondy, qui compte plus de quinze albums et un nombre incalculable de concerts.
Avec son groupe le Solar System, l’artiste se produit en effet aux quatre coins de la planète, portant haut les couleurs de l’Afrique et de son pays, la Côte d’Ivoire. Comme en cette belle après-midi du 13 août dernier, lorsque nous le rencontrions à l’aéroport Arlanda de Stockholm (Suède), pressé comme il était d’honorer de sa présence le Uppsala Reggae Festival auquel il participe tous les ans depuis 2004.