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AdJI(Artiste musicienne burkinabé et ex-compagne de Black So Man): «Ce sera très difficile que j’oublie Black So Man, même si je me marie»

Atse Ncho De Brignan | | Musique

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Adjaratou Sanou connue sous le nom de Adji est la femme qui a fait «perdre la tête» au chanteur burkinabé feu Bintogoma Traoré alias Black So Man dans sa fameuse chanson “Adji“ qu’il lui a dédiée. Passionnée de musique depuis sa tendre enfance, l’artiste est depuis le mois d’août 2011 en France où elle réside dans une ville proche de Montpellier pour un stage en Gospel. De passage à Paris, 100%Culture l’a rencontrée. Dans cette interview, Adji nous parle de sa carrière musicale, son association «Sourire Espoir» et surtout des circonstances tragiques de celui qui l’a révélée au grand public, neuf (9) ans après sa mort.

Bonjour Adji! Que nous vaut l’honneur de votre séjour en France?
Bonjour! Je suis en France depuis le mois d’août 2011 pour une formation en Gospel dans une ville proche de Montpellier et aussi pour honorer quelques dates de concerts.

Cela veut dire que Adji veut changer de style de musique?
Je suis sur la voie, car avec la voix grave que j’ai, elle aura plus de valeur dans le gospel. Aussi, le blues, le jazz, ça c’est pour bientôt, mais je fais de la variété en touchant à un peu de tout, même le couper-décaler.

Les concerts, ce sera dans quelles villes et pour quand?
Pour l’instant je n’ai pas de dates précises. Je sais que je vais jouer, si tout va bien, à Toulouse, Marseille et puis un peu en Italie et en Allemagne. Mais je pense que les organisateurs remettront tout cela pour le mois de novembre 2011.

L’on a connu Adji en tant que personne à qui l’on a dédié un titre, mais Adji en tant que chanteuse, pas vraiment. Qu’en dites-vous?
Il faut dire que je suis venue à la musique d’abord par envie et ensuite par amour. Dieu a aussi permis que Black So Man soit sur ma route, parce que lui et moi, on s’est rencontré lors d’un de ses concerts que j’étais venue voir. J’aimais la musique sans pour autant le connaître et puis les choses se sont passées autrement.

Justement, parlant de Black So Man, comment s’est faite votre première rencontre?
D’abord il faut dire que je ne le connaissais pas du tout. J’étais sortie avec une amie et nous avons décidé d’aller en boîte ou au cinéma, mais chemin faisant, on apprend que juste à côté il y a un concert. Et comme j’aime la musique, mon amie et moi avions décidé d’assister au concert. A notre surprise, quand on a voulu payer l’entrée, les gérants ont voulu que nous les aidions à vendre les billets et c’est à la fin du concert que j’ai pu rencontrer Black.

C’était Black So Man qui jouait?
Oui!

Ensuite?
Ensuite, lui et moi, on se rencontrait de temps en temps. Il passait me voir très souvent. Moi j’étais une fan d’Antoinette Konan, une chanteuse ivoirienne qui faisait du tradi-moderne que j’adore. J’aimais aussi Aïcha Koné, J’aimais danser MBilia Bel, car ce sont ces artistes-là qui ont bercé mon enfance. Mais le reggae, ce n’était pas mon truc ; seul mon père écoutait du Alpha Blondy à la maison.

Donc c’est à l’issue de ce concert que tu as fait la connaissance de Black So Man?
Oui! Le problème, c’est que lui, pour qu’on soit soudés et qu’on se voie de temps en temps, on passait par la musique, car il savait que j’aimais la musique. Mais après, il me dit de ne pas chanter, voilà pourquoi j’étais effacée.

Mais comment est venue le morceau «Adji» qu’il vous a dédiée?
Bon, je ne sais pas hein! (rire). En fait, il avait une chanson d’amour déjà écrite, mais en me rencontrant, il a dit qu’il est tombé sur son amoureuse. Moi j’étais toute petite, une jeune fille de 17 ans à l’époque et entre lui et moi 14 années nous séparaient. Je ne voulais pas de cet amour car je le trouvais trop vieux pour moi et je voulais sortir avec les jeunes de mon âge. Mais, lui, c’était : «je t’aime, je t’aime et je t’aimerai pour toujours!» et moi c’était «grand-frère, grand-frère, grand-frère! » Il répliquait: «on est tous Bobo, je ne te ferai pas de mal» Il me rassurait et me disait toujours qu’il m’aimait et qu’il allait le prouver. Voilà comment est née la chanson. Par la suite, on a eu deux enfants, un garçon et une fille, malheureusement, j’ai perdu ma fille en 2001.

Aujourd’hui comment tu peux décrire Black So Man?
C’était un homme merveilleux qui avait de l’amour à partager. C’est quelqu’un qui est toujours aux petits soins de la personne qu’il aime. Pour moi, c’est l’homme idéal, parce qu’il sait que je ne fume pas et ne bois pas. Quand ses amis arrivent à la maison, ils sortent fumer et boire dehors par respect pour moi. Je le dis parce qu’au début, je ne pensais pas aimer Black, mais en vivant ensemble, c’était devenu l’amour fou. Aujourd’hui avec sa disparition, même si je me marie demain, ce sera très difficile que j’oublie Black. On a passé de très bons moments ensemble, même dans son accident.

Revenons à cet accident qui lui a coûté la vie. Certains disent que Black So Man gênait le pouvoir en place à travers ses textes et sa musique. Comment ça s’est passé au juste ?
Le jour de l’accident, j’étais derrière la voiture avec ma mère et ma petite sœur. Lui, était devant, à côté du chauffeur qui est l’un de ses amis. On quittait l’aéroport de Ouaga en passant par le Conseil parce qu’on partait à Dassisgo. On allait prendre la rue Charles de Gaulle qui est la grande voie, et le chauffeur a eu un problème avec le volant de la voiture qui s’est bloqué. Par panique, il a accéléré au lieu de freiner et il y a eu le dégât. Et comme Black était juste à sa droite sans sa ceinture de sécurité, sa tête a pris un coup par devant (silence).

Ensuite ?
Moi j’étais déjà évanouie et me suis réveillée avec des hommes en tenue devant moi. Ce sont ces hommes-là qui ont appelé le 18, le numéro des pompiers. Il faut dire qu’à cette époque-là, c’était nouveau les pompiers au Burkina et les gens s’amusaient à appeler le numéro pour un rien. Et quand les gens les ont appelés, ils pensaient aux gens qui appellent toujours pour les déranger, mais ils sont venus quand même en mettant du temps.

Mais eux, ils ne savaient pas que Black So Man était à bord de la voiture?
Non! C’est moi quand je me suis réveillée que j’ai commencé à demander: «Et Black? Et Black?» que les gens ont su qu’il était avec nous dans la voiture.

Et après?
Black So Man a été transféré sur la France à l’hôpital Val-de-Grâce et celui de Bel-sur-Mer. Il a fait 5 mois de coma et 10 mois de convalescence. Ensuite il a succombé le 16 mars 2002.

C’est donc après sa mort que tu as décidé de chanter?
Non! J’avais déjà la musique dans le sang. Au lycée, j’interprétais MBilia Bel, Antoinette Konan, Tshala Muana et je montais les ballets avec des troupes de danse. J’avais donc cette envie de m’engager dans la musique mais ma maman ne voulait pas. Elle voulait que je finisse mes études. Aujourd’hui j’ai le même problème avec mon fils.

Ah oui, il chante aussi?
Lui, il fait du djembé, mais son problème c’est le football. Latif (c’est le prénom de son fils), il mange foot, il respire foot.

Il est donc dans une école de foot?
Non justement, il faut que je le mette dans une école de foot où il pourra faire, et les études et le foot.

Enfin presque 10 ans après la mort de Black, qu’est-ce qu’on peut retenir de lui?
C’est vrai que le 16 mars 2012, cela fera 10 ans que Black So Man nous a quittés. Pour cela je suis en train de préparer cet anniversaire comme je l’ai fait en 2007 pour ses 5 ans de décès un concert géant où j’inviterai des artistes pour interpréter ses chansons. C’est le projet que je prépare en ce moment. Il faut dire aussi que Black a laissé des chansons dont une partie se trouve avec un de ses amis. Une autre partie est avec moi. J’interprète aussi ses chansons dans mes albums et lors de mes concerts.

A part cela, comment se porte votre carrière de chanteuse?
Là je suis à mon troisième album (Fuodi en 2007; Siadoloo en 2008 et Grâce divine en 2011) et je prépare le prochain. Ce qui me permet d’être ici en France pour le stage en gospel. Je fais aussi beaucoup de concerts dans la sous-région. A part la chanson, j’ai une Association du nom de «Sourire espoir» qui s’occupe des enfants orphelins basée à Ouagadougou. Je profite même de votre canal pour demander de l’aide pour mon association, car ce sont environ cent orphelins dont je m’occupe avec mes modiques moyens. C’est pas facile, mais je fais avec.

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