Manfy Celse « je suis en couple avec un footballeur international »
Manfy Celse est un (e) « transidentitaire » de 27 ans qui ne laisse pas indifférent (e) à Abidjan. Il ou elle vient de décrocher un master en art option : design-textile, à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts d’Abidjan. Dans cette interview exclusive avec votre magazine préféré, Manfi Celse que nous avons rencontré en Côte d’Ivoire, a eu le temps de cette interview à Assouindé, une belle cité balnéaire près de Assinie aborde sans retenu sa vie, les difficultés liées à son genre mais aussi son idylle actuelle avec un footballeur international. Entretien !
Bonjour Manfy Celse, peux-tu te présenter aux lecteurs de 100%culture ?
Je suis Manfy Celse, j’ai 27 ans, je suis styliste designer et je viens de boucler un master en art option : design-textile à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts d’Abidjan. Je suis aussi ce qu’on appelle un(e) « transidentitaire ». Je suis une femme dans le corps d’un homme.
Comment vis tu ta transe identité ?
Ma « transidentité », je la vis normalement, ce sont plutôt les autres qui ont un problème avec ma « transidentité » au point où je suis un sujet de curiosité pour tout le monde. On ne me dépasse pas sans se retourner ou faire des commentaires du genre c’est un homme ou une femme ? Souvent c’est avec admiration mais aussi souvent avec dédain et injures.
Pourquoi penses-tu que les autres te regardent avec dédain ?
En Afrique, en général, l’homosexualité et ses dérivés sont considérés comme un sacrilège. Et je peux bien le comprendre parce que les mentalités n’évoluent pas trop. Sinon comment comprendre que, parce que la nature a fait de nous ce que nous sommes, nous ne pouvons pas être acceptés dans la société, pour la simple raison que nous sommes différents des autres. Il m’arrive souvent d’être victime d’agression physique. Vous voyez il n’y a pas trop longtemps des individus me sont tombés là-dessus et ont failli me couper l’oreille gauche. Mais diantre, je n’ai pas demandé à naître « transidentitaire ».
A quel moment de la vie, as-tu senti cette différence avec les autres ?
Dès l’âge de 7 ans déjà, je me sentais dans la peau d’une petite fille et je me souviens que lorsque nous jouions les rôles de couples entre petits enfants, j’étais dans ce jeu d’enfants en couple avec Pierre et donc on m’appelait madame Pierre. Après quoi, on a commencé à m’appeler par un prénom de fille. En classe de 6ème, j’étais très porté sur des dessins de robes.
Comment tes parents voyaient-ils cela ?
Franchement je n’ai jamais abordé ce sujet sérieusement avec ma mère à qui je rends un grand hommage parce que je suis persuadé(e) qu’elle a beaucoup souffert des commentaires des autres, mais ne me l’a jamais fait ressentir. J’ai toujours été son bébé et elle n’a jamais eu honte d’être ma mère. (Ndlr) Quelque instant après ce chapitre il reçoit un coup de fil de sa mère qui veut savoir où il est et comment il va. Quand à mon père je ne l’ai jamais bien connu mais il y a 7ans qu’il n’est plus de ce monde.
Qu’en est-il de ta première relation amoureuse ?
C’est arrivé lorsque nous étions au collège et je me souviens encore comme si c’était hier. Un ami de classe est tombé amoureux de moi. Nous avons juste flirté. Il était tellement amoureux qu’il lui arrivait de prendre l’argent de ses parents pour me le donner. Une fois il m’avait remis 50 000 francs FCFA. Il s’est trouvé après que son père était venu à l’école pour me réclamer cet argent. Mais mon premier amour avoué, c’était avec mon ami d’enfance qui malheureusement ne se sentait pas dans ce genre d’histoire d’amour. Nos parents se connaissaient bien et nous avons gardé de bon contact.
Peux-tu évoquer ta vie scolaire ?
Comme je vous le disais plus haut, je viens de boucler un master en art option : design-textile, à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts d’Abidjan. Je peux avouer que ça n’a pas été facile avec les études. Il me fallait faire face au défi de ma différence mais aussi de mes études. Néanmoins j’étais bon(ne) élève. Mais ce qui a surpris tout le monde c’est quand j’ai eu mon bac série H1 et le concours d’entrée aux Beaux-Arts d’Abidjan. C’est à travers ma vie scolaire que j’ai su me faire accepter par beaucoup de personnes qui avaient compris que ma différence ne dépendait pas de moi. C’était une lutte quotidienne.
Quels sont tes rapports avec les homosexuels en général ?
En général, il y a plusieurs catégories d’homosexuels. Il y a la « transidentité « comme moi qui le suis devenu(e) par la force de la nature. Avec cette catégorie généralement on s’entend bien. Il y a ceux qui le sont sans apparence particulière ; des gens normaux qu’on trouve dans la rue, les messieurs tout le monde. C’est généralement, eux les plus nombreux qui, à mon sens devraient protéger nous autres qui sommes très visibles et très exposés. Malheureusement c’est cette catégorie qui stigmatise le plus souvent les homosexuels.
Peux-tu nous parler de ta profession de styliste designer ?
Étudiant(e) en atelier de design-textile depuis quatre ans, je suis également make-up artiste et styliste.
En tant que make-up artiste, j’exerce surtout mon talent lors des concours de Miss, des mariages et des séances de photographies. J’étais l’un(e) des make-up artistes de Miss Côte d’Ivoire 2008, ainsi que Miss Côte d’Ivoire 2010, pour lequel, j’ai également confectionné des tenues pour certaines candidates. Pour les séances photos, j’ai travaillé avec les grands noms de la photographie Ivoirienne, y compris Jacobleu et Paul Sika.
Mon expérience avec le monde de la mode Ivoirienne remonte à 2008 après ma sortie de l’école de mode, Michèle Yakice. Depuis lors, je me taille une place bien distincte dans ce milieu.
En 2011, je fus classé(e) en 7ème position, lors du concours Uniwax, Rêve de Styliste. La fin de l’année 2012 a vu la concrétisation de mes talents de styliste avec le lancement de ma première collection, « Tropique Glamour », sous ma propre ligne de vêtements. Mes créations « Unisexe » réinventent le chic urbain avec une touche glamour.
Cette future collection, “sexy dans la sobriété” apportera, sans aucun doute, une esthétique bien particulière aux « fashionistas Ivoiriens ». Je décris l’inspiration de cette collection comme une mixture d’une « création réfléchie » du créateur Camerounais Iman Ayissi, des vêtements portables de Pathé’O et des “créations excentriques” de Gilles Touré.
Considères-tu ta transidentité comme un atout pour réussir dans la mode ?
Peu importe le pays ou le continent, percer dans le milieu de la mode n’est pas une mince affaire. En plus, avec mon identité de genre non-conformiste, je suis confronté(e) à une double discrimination. Malgré mes talents, je des difficultés à accéder aux appuis financiers pour établir ma propre maison de création.
Quels sont donc tes plans ?
Je ne suis pas du genre à baisser les bras si facilement; je suis à la recherche de partenaires financiers qui me soutiendront à la réalisation de mes ambitions artistiques. Je suis convaincu(e) que des partenaires étrangers, peut-être occidentaux, verront passer mon identité de genre pour reconnaître mes talents. Mes ambitions sont nombreuses, mais les plus grandes sont de participer à des défilés de mode sur la scène internationale, vendre mes créations à travers le monde et trouver des partenaires financiers fiables.
En attendant, je fais la promotion de mes œuvres sur les réseaux sociaux, en particulier sur Facebook.
J’allais oublier. Peux-tu dire quel est ta situation amoureuse aujourd’hui ?
On ne va pas trop rentrer dans les détails parce qu’en Afrique, c’est un peu difficile de dire les choses comme elles sont. Ok, je suis en ce moment en couple avec un footballeur international.
Peut-on savoir son nom ?
(Rire, il ou elle hésite) Non !!!
Au moins une initiale pour faire cogiter nos lecteurs.
« G »
Merci Manfy.
Merci à 100%culture pour cette marque de considération.
Firmin KOTO