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ENCADRE 39èmes ASSISES UPF LE DISCOURS-TESTAMENT D’HERVE BOURGES OU LES 10 COMMANDEMENTS-1 POUR LE RENOUVEAU DES MEDIAS

Remi Coulibaly | | Média

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La cérémonie d’ouverture des 39èmes assises de l’UPF à l’Ivoire, entre autres allocutions, a surtout été marquée par celle du président international de l’Union, Hervé Bourges. Une sorte de discours-testament que celui qui présida 7 années durant aux destinées de la presse francophone, en 9 points.

Disons donc un bréviaire en 10 commandements moins 1. En effet, en assurant que dans le sillage de sa volonté par lui exprimée au cours des 38èmes assises de Bucarest (Roumanie), il devrait passer la main à la fin de son mandat à notre confrère de Côte d’Ivoire, Alfred Dan Moussa, il ne se déroba pas du rôle de conscience sociale critique qu’est le journaliste, historien de son temps, de son quotidien. Aussi, comme première matrice que M. Bourges met en exergue, c’est «le paysage médiatique en mutation». A l’aune de son expérience quarantenaire, celui qui est président de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille, ex-président de RFI, TF1, France 2 &3, ancien président du Conseil supérieur de l’audiovisuel de France et président d’honneur de Canal + Horizons, avertit ses pairs et les pouvoirs publics que «le métier de journaliste est confronté à des évolutions spectaculaires : apparition de nouveaux médias, transformation des modèles de constitution de l’information, redistribution des cartes entre agences de presse, portails Internet, blogs, sites personnels.

Alors que l’écrit se marie de plus en plus au son et à l’image pour constituer un environnement multimédia proliférant, la presse écrite est en crise, partout dans le monde, et les équilibres économiques qui s’étaient progressivement établis entre audiovisuel, radios, journaux imprimés, sont fondamentalement ébranlés». A partir de ce qui précède, Hervé Bourges affirme avoir consacré ces 7 dernières années «à la réflexion et à l’action au service du journalisme francophone». Au centre de la démarche qu’il met en œuvre pour relever les défis des mutations en cours, le président de l’UPF a fait ressortir «l’enjeu de la formation des journalistes». Mais à l’en croire lui qui se consacre à la formation depuis les années 1960, si la formation représente un enjeu certain, celle-ci serait vaine sans «le combat pour la protection des journalistes». Car, affirme M. Bourges, «au-delà de la formation, de la déontologie et de la responsabilité des journalistes (…), il reste beaucoup à faire sur l’autre chantier : la protection des journalistes dans l’exercice de leur métier, contre toutes les tentatives d’intimidation ou contre toutes les violences visant à les bâillonner». C’est pourquoi, le président sortant de l’UPF, comme quatrième niveau de réflexion, confie à l’intention des politiques : «A l’heure où l’information est mondiale, elle n’est crédible que si elle est libre. Elle ne peut jouer son rôle que si elle est diverse, plurielle, ouverte».

De tous ses constats, l’émérite journaliste fait observer comme 5ème commandement, en corrélation avec le thème générique de ces assises «Médias, journalisme, conflits et processus de paix», que «il existe des remparts contre les dérives médiatiques» ; arguant en cela que la régulation et l’autorégulation en sont des éléments fiables. Le 6ème sillon de la réflexion invite à plus de tolérance et de respect mutuel. Transition fondamentale pour aboutir au 7ème pilier de son argumentaire, à ce qu’il résume par la formule «Ni angélisme ni excès d’orgueil», pour dire haut et fort que «les journalistes ne sont pas les architectes de la paix sociale ou de la guerre civile : ils peuvent prendre leur part à cette construction, mais ils ne sont pas seuls. Le courage politique des dirigeants compte pour beaucoup, la responsabilité de chaque citoyen et de chaque homme public est engagée».

En clair, devant autant d’engagements pris, à appliquer en tous lieux, Hervé Bourges en appelle à la communauté journalistique francophone à «considérer l’Afrique sans préjugés… pour découvrir qu’elle change de visage». Ces 8ème et 9ème «commandements», sont in fine, une invitation à rompre avec l’afro-pessimisme et une exhortation des journalistes «à rendre compte de façon impartiale» des assises d’Abidjan et de Yamoussoukro et de toute l’actualité vue d’Afrique «pour ne pas trahir la réalité africaine».

Dans le sillage de Bourges, le Secrétaire général international de l’Union, Georges Gros, évoquant les contours originels de la tenue pour la troisième fois en Côte d’Ivoire des assises de l’UPF, en délimitera l’importance pour la corporation et pour l’aire francophone. Il affirme donc à la face du monde : « Nous voulons dire à tous ceux qui veulent l’entendre que la Côte d’Ivoire existe toujours, qu’elle a sa place entière dans le concert des nations ; en rappelant ce propos de Raymond Aron selon lequel «l’histoire des peuples ne se déroule pas en ligne droite, sur une surface plane. Un peuple s’affirme en surmontant les épreuves que lui réservent ses échecs ainsi que ses succès, il progresse de crise en crise».

Bien évidemment, devant autant d’engagements à soutenir la paix en Côte d’Ivoire et de reconnaissance du professionnalisme par ses pairs, c’est un Alfred Dan Moussa, président de la section ivoirienne, vice-président international et virtuel successeur de M. Bourges, ostensiblement ému, qui s’est adressé à l’auditoire. Des mots de reconnaissance, il en témoignera à ses devanciers, faisant même observer une minute de silence pour les confrères disparus. Mais au-delà des mots, le directeur du développement des rédactions de Fraternité Matin qu’il est, se satisfait du soutien des autorités au premier rang desquelles, se trouvent le Président Gbagbo et le Premier ministre Soro. C’est donc à juste titre, qu’il interpelle ses confrères à s’impliquer irréversiblement dans le processus de paix en cours, en prenant le parti de la mesure et de l’apaisement.

L’HISTOIRE RETIENDRA!

Atmosphère détendue, convivialité en partage pour des confrères venus des 4 coins du monde. C’est le premier signe que l’on pouvait observer hier, dans les couloirs et dans la salle du Palais des congrès de l’Ivoire. Même la solennité de l’évènement, avec des sièges revêtus d’un tissu blanc à l’éclat particulier, rehaussée par la présence du Chef de l’Etat, n’a pas mué cet esprit confraternel. Bien au contraire. L’histoire retiendra surtout la profondeur et l’épaisseur des 8 interventions qui ont ponctué la cérémonie d’ouverture. Toutes tendant à parler franchement ou plutôt à se parler franchement, lever les équivoques, dégager les responsabilités mutuelles entre politiques et journalistes aux fins de consolider la paix. L’histoire retiendra aussi, au terme des deux films présentés, que la «Côte d’Ivoire est réellement de retour et de la meilleure des manières sur l’échiquier médiatique international».

En effet, le premier film, émanant du ministère de l’Economie et des Finances, présente le pays sous ses auspices les plus réalistes, avec en prime l’état des lieux des récents efforts consentis par le gouvernement pour relancer l’économie du pays, au sortir de cinq années de crise. Le second film, qui a ému plus d’un confrère, est la présentation synchronique des médias en Côte d’Ivoire. Des horizons originels dans les années 1960, en passant par le fameux printemps de la presse dans la décennie 1990, qui s’est transformé à une certaine époque en hiver, à l’embellie actuelle, cette production de Lévy Niamkey, journaliste émérite qui a fait les beaux jours de la télévision ivoirienne, a passée revue la Côte d’Ivoire journalistique.
Et dans cette Côte d’Ivoire qui renoue avec la scène internationale, les artistes qui ont agrémenté la cérémonie, ont fait montre d’un professionnalisme qu’aucun journaliste, fût-il le plus critique, ne saurait démonter. Honakamy, Les Reines mères, Bomou Mamadou (tous transfuges du village Kiyi) et l’humoriste Adama Dahico, usant sans en abuser du thème de la paix et de l’environnement médiatique, ont su arracher, sans forcer, des ovations, des rires, des larmes mêmes, à plus d’un. L’annonce de 9 allocutions par les maîtres de cérémonie, les journalistes Zio Moussa et Carmen Obou, tous d’eux d’une élégante sobriété et d’une classe à revendre, a vite été dissipée par le déroulé fluide et la teneur des discours. L’histoire retiendra que pour une fois, les journalistes ont montré la voie d’une organisation efficiente, même si tout ne fut pas parfait. En attendant les travaux de Yamoussoukro, les délégués, rencontrés dans les méandres du secrétariat fort actif à la salle annexe au palais et dans les couloirs, sont déjà satisfaits des 39èmes assises.

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