« Textiles africains » : la splendeur tissée d’un continent

Un livre d’art qui révèle la richesse et la diversité des étoffes africaines

Cet ouvrage sans précédent met en lumière l’art encore méconnu du tissage africain. De l’Afrique de l’Ouest à celle de l’Est en passant par le Mali, le Cap Vert, le Ghana, le Nigeria, le Cameroun, le Congo jusqu’à Madagascar, ces pages vous plongent dans un panorama de créations textiles éblouissant. 

La maison d’édition Citadelles & Mazenod signe un hommage au génie créatif du continent africain avec Textiles africains, un ouvrage somptueux de 4 kg, 450 pages grand format et plus de 400 photographies. Véritable fresque visuelle et historique, ce livre célèbre l’art du tissage, souvent éclipsé par la sculpture, à travers des pièces venues des quatre coins de l’Afrique.

Des boubous aux pagnes, des tentures nuptiales aux vêtements talismaniques, chaque page dévoile des trésors de savoir-faire et de symbolisme. Les matériaux utilisés – coton, laine, soie, raphia, chanvre, écorce ou peau – témoignent de la créativité inépuisable des artisans africains.

Comme le rappelle Duncan Clarke, chercheur indépendant et spécialiste du textile africain : « Le textile et l’esthétique vestimentaire sont sans doute l’une des formes les plus significatives et les plus ancestrales de l’art africain. Si l’attrait souverain de la sculpture africaine est indéniable, il a trop tendance à éclipser la place du tissu dans les grandes réalisations des hommes et des femmes de ce vaste continent. »

Un voyage à travers les traditions et les techniques du tissage

Sous la coordination de Salomé Perrineau, l’équipe du livre a mené un travail colossal de recherche iconographique dans les collections du Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, du British Museum ou encore du Musée national d’ethnologie de Lisbonne. Ces campagnes ont permis de révéler des étoffes rares, parfois fragiles, longtemps conservées à l’abri des regards.

L’ouvrage met ainsi en valeur « des noms méconnus d’étoffes prestigieuses, comme le kpokpo de Sierra Leone dont les teintures et les rayures évoquent le Bauhaus ou les dessins sur les écorces battues murumba rappelant des tableaux de Joan Miró », selon la créatrice de mode Mabat Ngoup Ly Dumas. Trois grands chapitres structurent l’ensemble : Afrique de l’Ouest, Afrique centrale et Afrique de l’Est.

Au Mali et au Niger, le livre dévoile les somptueuses tentes nuptiales des nobles peuls et touaregs, tissées de laine en longs panneaux décorés, ou encore les linceuls dogon, blancs et bleus, enveloppant les défunts. Dans cette région, le tissage de la laine, réservé aux hommes griots, a produit des pièces remarquables telles que la kaasa, une couverture à six bandes sur fond blanc, bordée de tresses et ornée de motifs symboliques.

Au Nigeria, le quotidien des femmes yoruba se drapait dans le kijiipa, une fine cotonnade indigo et blanche, tandis que le califat de Sokoto imposait ses étoffes tissées par lés comme symbole de prestige masculin. Cette diversité textile découle de la coexistence de deux métiers à tisser : le vertical à une lice, souvent manié par les femmes, et le double à deux lices, réservé aux hommes.

Des créations d’une beauté technique et spirituelle

En Afrique centrale, les royaumes kongo et kuba se distinguent par leurs tissages en fibres de raphia. « Les textiles issus des traditions kongo sont tissés à partir de fibres de raphia, matériel qui représente un défi technique car il ne peut être filé en grandes bandes comme le coton ou la laine. Et il est difficile à teinter. Les artistes arrivent à transformer les fibres brutes issues de feuilles en de fils assez fins », explique Vanessa Drake Moraga, chercheuse et conservatrice à Berkeley.
Les tissus kuba, eux, se rapprochent du velours grâce à des techniques complexes de broderie à poils coupés, réservées aux textiles cérémoniels du Kasaï.

Plus à l’est, de l’Éthiopie au Mozambique, le tissage – pratiqué principalement par les hommes – fait appel au coton, au raphia, à la soie sauvage ou à l’écorce. Les artisans jouent avec les torsions, les carreaux, les broderies et les perlages, créant des effets visuels uniques. Certaines communautés privilégient encore les matières non tissées, comme l’écorce battue ou les peaux décorées de perles et de motifs au pochoir.

Sur la Grande Île de Madagascar, les tisserandes ont développé au XIXᵉ siècle une remarquable diversité de fibres : coton, chanvre, raphia, fil de bananier ou soies multiples. Les étoffes malgaches, ornées de rayures rouges, noires et bleues, étaient enrichies de perles, d’étain ou de bandes supplémentaires tissées à la main.

Un hommage à la créativité et à la transmission

Pour Duncan Clarke, ce projet monumental réunit « dans un seul volume un ensemble de pièces parmi les plus belles et les plus représentatives que conservent les musées et les collections privées du monde entier ». Textiles africains célèbre ainsi les artisans d’hier et inspire les créateurs d’aujourd’hui et de demain, en Afrique comme ailleurs.

Avec cet ouvrage, Citadelles & Mazenod offre bien plus qu’un livre d’art : une ode à la mémoire, à la beauté et à la transmission des traditions textiles africaines, reflets d’une créativité sans frontière.

Alexandre Martin

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