La connaissance et l’expérience humaine peuvent-elles se réduire à une lecture dualiste de la réalité ?
Gilles Opresco a dit: « Jean-christophe, l’être n’implique le non-être qu’au niveau conceptuel, quant à la singularité, elle ne pose pas la question d’une individuation qualitative, mais d’une répartition quantitative, le principe d’individuation étant dans la matière, enfin à la question pourquoi il existe quelque chose, une réponse philosophique et son écho en théologie naturelle serait envisageable, mais nous n’en sommes pas encore là! » Être, non-être ; réel, virtuel ; fini, infini, oui tout cela est conceptuel, mais je suis d’accord avec Kant sur ce point que : « Des pensées sans intuition sont vides et des intuitions sans concept sont aveugles » et c’est l’intuition mal conceptualisée qui nous entraîne dans l’erreur et « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » (Albert Camus). La singularité comme concept « totalitaire » pose une question qualitative tant théorique que pratique. En la relativité d’Einstein d’une part, puis dans la « réduction du paquet d’onde » (dont les postulants voudraient « 1 » résultat quantitatif fini), et aussi en l’homme par la notion d’âme individuel et/ou de dieu universel. Le principe d’individuation n’est pas dans la matière, il lui est antérieur (notion d’ordre). Le problème reste le même depuis des siècles, à savoir : « Qu’est-ce que « un » et comment construit-on « un » ? C’est le problème de l’un et du multiple, de la limite et de l’étendue. Frontière ou non ? Avec ou sans ? Les deux mon Capitaine ou… ni l’un ni l’autre ? Tout le travail des mathématiciens, physiciens, philosophes… est sur ce point (si j’ose dire, car c’est quoi un « point » physique ?). Et s’il y a quelque chose, c’est tout simplement parce que nous nions (consciemment ou inconsciemment) qu’il n’y a rien ; mais attention, rien n’est pas néant, cela serait trop simple. Rien « ni n’est, ni n’est pas ». C’est de cela que naît le concept de dieu comme « un » universel, et la notion d’âme comme « un » individuel. Et c’est là toute la difficulté et la subtilité d’une qualité qui est antérieur à la quantité. Cette qualité c’est la temporalité. Nous ne savons toujours pas ce qu’est qualitativement le temps parce que tous nos concepts consistent en sa neutralisation, à sa spatialisation pour pouvoir le quantifier. Et tout le monde fait pareil, le philosophe à son immanence que le théologien transcende, le matheux son ensemble-vide indivisible et son au-delà de l’infini. Seul le physicien s’en sort un peu mieux depuis l’abandon de la particule insécable. Bientôt le concept de « masse » lié à une particule va tomber, suivra l’abandon de la « causalité » ainsi que toute notion de substance et de production. Yannick Essengue n’a pas tort quand il parle dans son commentaire d’anthropologie et Michel Cornemuse de psychologie, car c’est effectivement une vision anthropomorphique et égotique de penser que le monde est d’abord créé puis qu’ensuite il évolue, c’est un « complexe du géniteur » que de chercher un Père ou une Mère (une cause) au monde. A l’instar de Nishida, je dirais que le « présent » ne peut être qualifié comme tel que « si est seulement si » il n’y pas quelque chose au-delà ou en-deçà qui le déterminerait. Cela signifie que les « faits » s’auto-déterminent en une notion qui est antérieure à celle « d’évènement ». Mais de notre condition humaine égotique et quantitative, nous ne pouvons pas aborder cette auto-détermination de manière frontale et binaire comme un « objet » ou une temporalité transcendante (ça ne marche pas). L’incomplétude d’une théorie (Gödel) est intrinsèque à la théorie, elle est le « tiers » en comparaison de ce qui « est » ou « n’est pas », et celle-ci (ou celui-ci si on parle du « tiers ») n’est rien d’autre que ce qui « ni n’est, ni n’est pas » (ou vacuité quantitative). Ainsi, positivement parlant et de manière « ensembliste », nous avons tout intérêt à considérer les « identités » conceptuellement comme ce qui « est/n’est pas », c’est-à-dire, comme des « apparences ». Car que signifie qu’un terme soit égal à lui-même ? Que signifie à notre échelle de compréhension humaine que A=A ou 1=1 ? Pour que cette proposition soit vraie et cette égalité réelle, alors A=A signifie que A est entier, est un, « ici et maintenant », qu’il est un dans l’unité (le « 1 » cardinal) du « où » et « quand ». C’est ce qu’a fait Einstein avec la notion « locale » de « temps propre ». Or, il ne faudrait pas oublier que la relativité ne fonctionne que par l’exclusion de ce tiers qu’est le temps absolu. À ce titre, on devrait plutôt parler « d’espace propre » ou « d’image propre » puisqu’avec son référentiel immobile, Einstein boute le dynamisme vrai comme en dehors. Or, il n’est pas à l’extérieur, le dynamisme n’est rien d’autre que le signe de l’égalité qui est posé entre la masse inerte et la masse grave et donnant « le principe d’équivalence ». Dans ce dernier, le symbole de l’égalité est synonyme d’un temps absolu qui est un « tiers inclus » et qui au centre est un ce qui « ni n’est ni n’est pas » et fait office d’« intermédiaire ». Par cette égalité comme intermédiaire, Einstein met en évidence que conceptuellement, un immobilisme relatif (masse inerte) est « non-différent » d’un mouvement relatif (masse grave). Mais il y a une erreur qui consiste dans le raisonnement que l’égalité est un opérateur positif de relation extrinsèque entre des objets (des « observables » pour le physicien). Car ce que fait Einstein, c’est contourner l’incomplétude gôdelienne d’une objectivité à elle-même par une dichotomie en la création d’une relation extrinsèque entre un objet immobile et l’autre en accélération et que l’on peut inverser à loisir. Ne pouvant déterminer de « 1 » qualitatif, il tente avec « 2 » (redondance du même concept pour ne pas dire tautologie). Alors évidemment, cela fonctionne, mais cela ne donnera toujours qu’une vision incomplète, une vision spatiale et locale incapable de mettre en évidence une temporalité vraie ou dynamisme intrinsèque. Car comme le disait le grand physicien qu’était Archibald Wheeler : « Ce n’est pas parce que l’on peut inverser la signature du temps et de l’espace au gré de nos envies que ceux-ci sont identique(s) ». Comme ce qui « ni n’est ni n’est pas », cet intermédiaire qu’est l’égalité est a contrario au cœur du principe d’équivalence, un opérateur d’exclusion mutuelle. Du point de vue de la temporalité, cet intermédiaire n’est rien d’autre que le concept de futur qui est un « est/n’est pas » ou contradiction subjective qui n’apparaît (presque) jamais, mais qui disparaît toujours. C’est pour cela qu’à un niveau plus fin d’observation (quantique) ce qui était implicite en la relativité apparaît au grand jour dans les « relations d’indétermination » d’Heisenberg. Celle-ci signifie que l’observation d’un objet au présent demeure impossible puisque celui-ci emporte avec lui de manière intrinsèque son propre futur et que pour le connaître au présent de manière entière et consistante, il me faudrait connaître à l’avance, le futur de son futur. Ce qui est ici mis à mal, c’est le concept de « réflexivité » qui donne à l’égalité sa commutativité. En ce sens, comprendre le plus exhaustivement possible le concept et l’expérience de « contrafactualité physique » sont indispensable. Car n’est-il pas fantastique qu’un évènement qui aurait pu se produire, mais ne s’est pas produit, vienne influencer le résultat de l’évènement qui se produit ? Il y a ici un léger pas dans le futur qui doit être compris, et ce ne sera pas d’un raisonnement causal à partir du passé que cela sera possible, mais bel et bien à partir d’un futur conditionnel et conditionnant, et délié de sa neutralisation spatiale qui n’est qu’intersubjectivité anthropomorphique ou objectivité sensible. Le futur est un qui est imaginaire, il n’est pas une « chose », et spatialisé ou neutralisé, il est un concept mort dont tout dynamisme, toute imagination a déjà disparu. Et si nous ne pouvons faire autrement que de neutraliser le dynamisme afin de le saisir, alors cela signifie que nous devons l’appréhender comme une « observable » (et non comme c’est le cas en physique actuellement comme une « variable » évolutive depuis le passé) qui doit contenir sa propre auto-négation. Pourquoi ? Parce que nous savons que neutraliser un mouvement n’est plus le mouvement lui-même, mais une simple image qu’ensuite nous faisons bouger depuis l’extérieur (hypostase). Cette image doit donc mourir d’elle-même et à elle-même (et reconnue comme « instable »), elle ne doit pas être mue depuis l’extérieur, sinon ce dont nous parlons est comme un film où des images fixes sont mises en mouvement par un projecteur. Ce qui est ridicule si l’on parle du temps, cela signifierai que celui-ci qui est LE mouvement aurait besoin d’un dynamisme ou d’une énergie extrinsèque, une cause, un mouvement du mouvement (à noter que Nagarjuna a déjà décrit cela il y a bientôt 20 siècles dans « les stances du milieu » par la stance de « l’homme qui marche »). Nous devons comprendre comment (métaphoriquement) le futur meurt de manière absolu et irréversible dans le présent, comprendre la direction et le processus absolument dynamique « d’annihilicréation » de « faits » qui depuis le futur sont antérieurs aux évènements. Nous devons rester à la présentation, à la pratique et à la liberté d’un individu qui dans « l’instant », en un présent qui situé entre le mouvement (futur) et le repos (passé), s’autodétermine en un ce qui « ni n’est ni n’est pas », comme la pure qualité d’un possible absolument ouvert, qui d’un point de vue conceptuel positif est tel un « vrai mensonge » (une contradiction positive) quand toutes ces définitions que l’on voudraient positivement vraies et non-contradictoires sont au mieux de « faux mensonges » – ce qui n’est pas la même chose qu’une vérité affirmée gratuitement telle une égalité, mais l’opération d’une « négation de la négation » dont le résultat est une « non-différence » qui est positivement une « égalité non-commutative ». Ce « point de vue » par la négation permet de s’affranchir du concept d’identité absolue ou « d’égalité à soi » aristotélicienne qui est positivement indémontrable et insatisfaisante. Ainsi, la « voie négative » permet-elle de définir non pas un réel, mais un virtuel du virtuel, elle ne dit pas « où ET quand » – ce qui pour le physicien quantique reste une « relation d’indétermination » – mais elle permet de dire « ni non-où ET ni non-quand » par la « simultanéité » d’une exclusion mutuelle de ces termes qui en un « instant » symbolique forment « un » (« 1 ») ensemble en un phénomène qui « est/n’est pas » (« soku » en japonais) le réel, « est/n’est pas » le virtuel, est/n’est pas « local », mais un présent « pratique » synonyme d’une vacuité de nature propre (haeccéité) qui est symboliquement la « non-différence » d’un terme à lui-même en une « image » qu’on peut qualifier de « trilectique », quand l’auto-référence d’un terme montre que celui-ci n’est en pratique « ni un, ni deux » (« ni 1, ni 2 »), mais une auto-détermination dépourvue de déterminant et libre de tout jugement, bien qu’elle reste conceptuellement pour nous l’image d’un « possible » positif qui permet le jugement. L’erreur fondamentale consiste à faire du possible un « tiers » objectif à évacuer, un quelque chose (le « 1 » cardinal) ou un être ou un dieu (et pourquoi pas une choucroute et deux bières ?) . Car faisant cela, en transformant ce qui n’est qu’une hypothèse, ce « SI » majuscule qui ni n’est ni n’est pas en une affirmation pure et dure, nous le disqualifions et le discréditons si bien qu’il n’a plus rien d’un possible, il perd son caractère « ouvert » quand il devient par l’affirmation un « alors », il devient « une cause ». Car dans l’hypothèse, dans le « si », le mouvement et le repos, le sans et l’avec, etc. se présentent ensemble en une superposition de la convergence et de la divergence. Cela montre et démontre que ce que nous tenons pour la contradiction positive est une réponse négative vraie qui est la qualité d’un opérateur, d’un dynamisme vrai intrinsèque. Nous avons bien plus intérêt à considérer tant l’homme que le monde comme hypothétique, car l’hypothèse, le « si », est l’imaginaire en action, il est l’imagination, il est le mouvement, il est l’ouvert. A contrario le « alors » est un fini dont tout dynamisme a disparu. Être hypothétique ne signifie pas être irréel ou virtuel (ou une illusion comme dans certaines philosophies orientales), cela signifie être une « apparence » en mouvement, cela signifie « créer en étant créé », cela signifie en une pratique antérieur à tout jugement (tout « alors » syllogistique) que « les phénomènes sont/ne sont pas la réalité » (Nishida). Cela signifie que positivement une « identité » est un « état » de superposition qui a la qualité d’une « auto-identité absolument contradictoire » (« absolument » signifiant le caractère dynamique ou instable de cet « état » qualitatif qu’il ne faudrait surtout pas comprendre comme un ou 1 absolu quantitatif ou singularité positive). Cela précise que la « contradiction » qui est ce qui conceptuellement ne trouve pas de résolution positive ou quantitative (ou affirmative) n’est pas une réponse fausse (ce qui n’est qu’un point de vue positiviste), mais la « qualité » d’une réponse « négative vraie » qui en rapport au mode « linéaire » du syllogisme (si → alors) se superpose à lui en un mode « circulaire » ou « rotationnel » dynamique en un comportement d’auto-détermination négative (ou instabilité intrinsèque) qui est un « contraire vrai » ou « tiers inclus ». Il en est ainsi, car « si » l’on veut définir ce qu’est qualitativement un « tout » ou « un » tout (individuel et/ou universel) qui soit entier et consistant, « alors » l’on doit briser ce linéaire syllogisme que je suis en train d’écrire et considérer que ce « tout » doit impérativement contenir son auto-négation, son « contraire vrai », sans quoi la définition même de « tout » ou d’identité égale à elle-même n’a tout bonnement aucun sens et ne reste qu’une conception linguistique, certes utile, mais qui n’est qu’un artifice de communication. L’incomplétude gôdelienne précise qu’une théorie ne pourrait être parfaitement connue qu’en l’examinant depuis le « dehors ». C’est un point de vue intersubjectif « sensible » qui s’inscrit encore dans une logique aristotélicienne de tiers exclus où pour comprendre l’univers, nous devrions l’observer de l’extérieur, ce qui est positivement impossible. Or négativement, en niant le concept d’égalité à soi positif et en utilisant l’exclusion mutuelle ou égalité non-commutative, on arrive discerner la non-commutativité entre l’homme ou l’élément qui est « du » monde et celui qui est « au » monde. Il faut en finir avec cette notion ensembliste « d‘appartenance » et d’objet en relation qui n’est que positivisme forcené d’un « je suis » par l’avoir et non par l’être, car c’est cette notion qui nous masque « l’ouverture » et nous fait entendre celle-ci comme une incomplétude. La théorie de Cantor (devenue ZFC) était sur le bon chemin quand il fut admis que l’ensemble ne s’appartenait pas comme élément de lui-même, mais elle n’a fait que déplacer le problème, car quid de l’élément ? Comment prouver celui-ci comme égal à lui-même ? A contrario, il est plus aisé de comprendre comment en se plaçant qualitativement du point de vue d’un « ni n’est ni n’est pas » comme exclusion mutuelle du « est » ET du « n’est pas », ceux-ci sont englobés dans le concept et forment un ET négatif, un ensemble, dont le centre « est » (d’être et non d’avoir) la qualité (et non la quantité) d’un point auto-négateur synonyme d’ouverture qui est positivement la qualité d’un « saut ». Et même si cela reste déroutant ou contre intuitif en rapport à l’objectivité sensible, cela demande d’inclure cette qualité négative qu’est la contradiction positive ou incomplétude gôdelienne, et de la comprendre comme faisant partie intégrante de l’idée d’égalité à soi, et à ce titre de découvrir les mécanismes de cette négation vraie, de ce qui qualitativement « ni n’est ni n’est pas » le temps, mais quantitativement est l’apparence vraie de ce qui « est/n’est pas » l’espace-temps.
Jean-Christophe