Nania Koulibali, écrivaine: « Le mariage forcé a encore la peau dure dans nos sociétés… »
Découverte au dernier Salon International du Livre d’Abidjan, l’auteure Nania Koulibali a de grandes ambitions pour la littérature ivoirienne. À travers son livre « Naïma », qui met en relief les pesanteurs sociales, elle entend éveiller la conscience des gens sur des sujets qui semblent dépassés mais qui pourtant sont d’une actualité brûlante. Le mariage forcé a encore la peau dure dans nos sociétés. Nania Koulibali va en croisade contre cette pratique. Va-t-elle réussir son pari ? Écoutons-la…
Présentez-vous aux internautes.
Je me nomme Nania Koulibali. Je suis née à Bocanda, ville située à moins d’une soixantaine de kilomètres de Dimbokro et auteure de « Naïma », un roman paru aux éditions Calebasse.
Comment se porte « Naïma », votre premier « bébé » sur le marché littéraire ?
Je dirais que « Naïma » fait son petit bonhomme de chemin grâce à mes lecteurs et aux organes de distribution qui me permettent de faire régulièrement des dédicaces dans leur espace.
Votre présence à la 13ème édition du Salon international du Livre d’Abidjan a-t-elle été bénéfique ?
Je voudrais vous rappeler que l’œuvre « Naïma » est parue pour la première fois, à la 12e édition du SILA en 2022, en même temps que la première participation de la maison d’éditions « CALEBASSE » qui a cru en moi et a accepté de m’accompagner du début à la fin du processus. Permettez-moi de remercier encore une fois les fondateurs de cette maison d’éditions, eux-mêmes auteurs. Il s’agit de M. Edgard Touré (DG) et de Mme Fatou Diomande (DGA). Je dirai sans hésiter que ma participation au SILA a été une très bonne occasion de me faire connaître en allant à la rencontre des lecteurs.
Généralement, qu’est-ce qu’un Salon littéraire peut apporter à un auteur ?
Un salon littéraire permet déjà de se faire connaître mais aussi de rencontrer et de discuter avec les lecteurs. Vous savez, quand j’étais plus jeune, un auteur pour moi était quelqu’un d’inaccessible. Je me demandais s’il écrivait ce qu’ils vivaient dans la réalité car j’étais loin d’imaginer qu’il était possible de construire des histoires aussi logiques si l’on ne les vivait pas. Je ne savais pas comment les contacter et leur poser les questions qui me taraudaient. Avec le salon du livre, le mythe de cette personne inaccessible tombe et vous avez accès à cet auteur que vous pensiez ne jamais pouvoir rencontrer. Un salon du livre est aussi un lieu de rencontres avec les auteurs d’autres pays, d’autres continents. Un lieu d’échanges et de découvertes. Il y a tant de choses que l’on peut en tirer. Et surtout, le lieu pour se rapprocher des lecteurs.
Quelles dividendes concrètes en avez-vous tirées ?
Vous savez, on n’écrit pas pour devenir riche. On écrit dans un premier temps par amour, par passion et aussi parce qu’on a envie de partager des idées ou une histoire avec les autres. Si on veut devenir riche, je pense que l’écriture n’est pas le métier idéal, il vaut mieux aller chercher ailleurs. Pour ma part, j’ai fait de belles rencontres depuis la sortie de « Naïma ». Je me suis enrichie d’idées et j’ai eu de grands moments de joie quand, par exemple, un lecteur m’envoie un message de félicitations tout en m’encourageant à continuer.
Vous avez eu de la chance d’être éditée par CALEBASSE Édition, qui a d’ailleurs remporté le prix de la meilleure maison d’édition.
Oui, j’en suis consciente. Vous savez, ce n’est pas étonnant qu’une maison comme « les éditions CALEBASSE » remporte ce prix. Les deux personnes qui ont créé la maison sont du métier et s’investissent beaucoup pour rendre visible le métier du livre. Figurez-vous qu’en 2022, à leur première participation au SILA, ils ont osé afficher sur des bus des panneaux publicitaires pour le SILA 2022. Ils ont pris le risque de m’afficher avec « NAÏMA », qui ne devait sortir que le jour de l’ouverture du SILA 2022. Nous n’étions que 3 auteurs à l’époque. Cela a fait bouger les choses pour 2023. Nous sommes aujourd’hui 7 auteurs, dont le doyen Camara Nangala, qui a obtenu le Grand Prix Bernard DADIE au SILA 2023. Vous avez certainement remarqué que cette année, d’autres maisons ont emboîté le pas aux « Editions CALEBASSE » en faisant de la publicité. Le SILA avant 2022 passait presque inaperçu parce qu’il n’y avait pas assez de communication autour de cet événement. Cette année encore, de grands panneaux ont été érigés par CALEBASSE avec l’aide de quelques sponsors qui ont bien voulu nous accompagner. Il y a beaucoup à faire et j’appelle d’autres structures à accompagner la maison d’éditions CALEBASSE qui a de très belles idées en perspective mais pas assez de moyens pour faire évoluer ses projets afin que le plus grand nombre de lecteurs soient touchés.
Pour une première sortie, être éditée par une maison de renom ajoute-t-il quelque chose de plus ?
Bien sûr ! Aujourd’hui, malgré son jeune âge, « les éditions CALEBASSE » peuvent sans crainte se targuer d’être parmi les maisons qui portent haut le flambeau de la littérature, et c’est pour moi un grand honneur d’être éditée par elle.
Pour en revenir à « Naïma », peut-on en savoir davantage sur la trame du roman ?
« Naïma » est l’histoire d’une jeune fille déscolarisée par son père en vue d’honorer une promesse de mariage faite bien avant sa
naissance. Naïma saura-t-elle convaincre son père de revenir sur sa parole, sachant que dans notre culture la promesse revêt une grande importance ? Le conflit de générations, la déscolarisation de la jeune fille et la polygamie sont des thèmes abordés dans cette œuvre. Doit-on renier nos traditions au nom du modernisme ou essayer de trouver un équilibre où la tradition et le modernisme se compléteront ?
Les thématiques abordées, bien qu’elles soient d’actualité, ont déjà été évoquées. Qu’est-ce qui fait la particularité de votre roman ?
Les thématiques abordées ont déjà été évoquées, mais vous le dites vous-même, elles sont d’actualité. Est-ce parce qu’elles ont déjà été évoquées qu’il ne faut plus en parler ? Est-ce parce qu’elles ont déjà été évoquées que les problèmes ont été résolus ? Vous savez, le mariage forcé a la peau dure. Peut-être qu’en ville, nous sommes tellement sous pression que nous ne prêtons pas attention à ces jeunes filles prises au piège de la tradition et qui n’ont personne pour les écouter. Il y a des jeunes filles jusqu’à présent qui continuent d’être déscolarisées pour être données en mariage. Il faut en parler le plus possible en essayant de toucher le plus grand nombre. C’est pour cela que j’ai voulu que « NAÏMA » soit accessible à tous.
Une fille promise au mariage avant sa naissance n’a-t-elle pas l’opportunité d’y échapper ?
Tout le monde n’a pas l’instruction et les armes nécessaires pour y échapper. Si vous allez dans un campement éloigné où cette jeune fille ne connaît que l’environnement où la décision du père ne souffre d’aucune contestation, où nul n’a jamais bravé l’autorité parentale, vous verrez que c’est plus grave qu’il n’y paraît. Comment voulez-vous qu’elle se défende si elle ne sait pas qu’elle a le droit, comme ses frères, à l’instruction ? Nous sommes tous responsables et devons nous atteler à sensibiliser nos populations afin qu’elles comprennent que tous les enfants ont droit à l’éducation.
Malgré le modernisme, ces mariages forcés ont la peau dure ? Quelle solution proposez-vous ?
Le problème du mariage forcé vient de loin et, à mon avis, il faut une plus grande sensibilisation de nos populations rurales. Vous voyez, si chacun à son niveau, essayait d’y participer, nous atteindrions une plus grande marge de la population. Parfois des cas sont recensés dans notre voisinage, mais nous fermons les yeux en nous disant que cela ne nous regarde pas ou que c’est trop compliqué. Nous avons peur de nous mettre à dos un ami ou un parent en intervenant. Mais ce que nous oublions, c’est que nous condamnons ces jeunes filles par notre silence.
Bientôt vous serez en dédicace. Quel message lancez-vous aux amateurs de livre ?
En effet, je reprends une série de dédicaces dans les librairies de France et les magasins FNAC Cap Nord et Cap Sud à partir du 30 septembre 2023 jusqu’au 30 décembre 2023. Le programme sera affiché sur ma page Facebook Nania Koulibali. Je remercie toutes les personnes qui me soutiennent dans l’ombre et aussi les lecteurs qui n’ont pas hésité à faire confiance à la nouvelle écrivaine que je suis en achetant et en me faisant des retours pour m’encourager. Je remercie aussi les organes de presse qui me donnent l’occasion de m’exprimer. J’exhorte le public à venir nombreux, acheter et lire cette histoire qui interpelle chacun de nous. C’est ma façon à moi d’apporter ma pierre à l’édifice. Je serai très heureuse de discuter avec les lecteurs et de leur faire une dédicace personnalisée.
Raymond Alex Loukou
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