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Edouard Saty : Chronique du racisme…insidieux

Abissiri Fofana | | Litterature

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Combien sont-ils ces Africains à avoir cru à l’idéal de justice et d’égalité pour tous en France ? Et qui au bout du compte se sont retrouvés des laisser pour compte parce qu’ils sont juste Noirs. Edouard Saty est de ceux-là. Ce docteur en droit est aux prises avec des forces sournoises qui lui volent sa vie depuis des années. Il en rend compte dans un livre : « Croire à l’impensable. Discrimination et harcèlement moral dans l’éducation nationale française. » dépôt légal fin juin 2009. 

On s’attend à rencontrer un homme remonté comme un coucou, bouillonnant qui vomit sa haine d’une corporation qui a fait de sa vie un enfer. La réalité est autre. Edouard Saty parle d’une voix calme, posée. Il raconte son histoire sans acrimonie. Il rend juste compte de son parcours d’élève, de professeur et de parent d’élèves dans son livre « Croire à l’impensable : Discrimination et harcèlement moral dans l’éducation nationale française». Un livre écrit dans un style brut, sans effets de style pour dire son combat, sa guerre, contre un système pernicieux et voleur de vie. D’ailleurs, il n’a pas la prétention d’écrire un best-seller, il veut juste rendre compte de son histoire à lui, de sa vie morcelée par la mesquinerie, il veut parler des « briseurs d’élan » qui avec leur certitude arrogante de la bêtise lui subtilisent sa vie depuis des années. Il le dit sans haine, sans anathème, tout en portant fier la couronne du courage et de la dignité. Sur 367 pages, il égrène sa vie à la manière d’un conteur africain. Mais prend soin d’introduire des références pour que le lecteur sache que c’est une autobiographie. Un vrai chemin de croix pour un être ordinaire aux prises avec des forces sournoises et malveillantes.

Un parcours du combattant raconté avec force références aux dates, aux faits, aux circonstances et aux hommes sans jamais citer de noms. « Je refuse de jeter l’opprobre sur toute ma hiérarchie parce que je rends compte de ma situation par des documents reproduits comme preuves écrites. »
La vie d’Edouard Saty commence en République Démocratique du Congo vers 1954 « sous la dictature de la famille et de l’école ». Puis en 1978, il émigre en France où il se hâte de réussir des études de Droit car sans l’école il n’y a aucune chance d’être un « évolué ». Il devient Docteur en droit après des nuits et des jours d’abnégation, de travail acharné. C’est qu’il est convaincu que la société française est juste. D’ailleurs, lorsqu’il prend sur lui de quitter son pays natale, c’est la tête pleine des idéaux comme égalité, justice, fraternité, liberté L’euphorie du nouvel arrivant, fait place au désenchantement quand il « est diabolisé à l’école des avocats par la directrice. Qu’à cela ne tienne ! il intègre l’éducation nationale en 1989 comme professeur de commerce. « Racisme insidieux, sournoiserie, hiérarchie tatillonne, absence d’autorité des profs, humiliation et j’en passe et des meilleurs ». Quoi qu’il en soit, il est viré en 1991. Mais le bougre à la peau dure, il s’occupe comme il peut, monte même une association dans l’humanitaire. Puis en 1999, Il revient à l’éducation nationale comme professeur auxiliaire et contractuel. Très tôt, les mêmes tracasseries le rattrapent. Sa hiérarchie cette fois le prie d’aller voir ailleurs. Motif : Incompétence pédagogique. Alors il saisit la justice. Là aussi, « certains de mes dossiers étaient volés » confie t-il avant de poursuivre qu’une « avocate commise d’office pour le défendre est devenue comme par extraordinaire le conseil de sa proviseur. » Pire, ses dossiers pour le défendre étaient volés dans des tribunaux, ses propres avocats ne déposaient jamais ses conclusions. Des décisions de justice rendues à ses torts « sont faites sans instructions de dossiers. »

Edouard Saty serait-il né sous une mauvaise étoile pour être la cible de tant de mésaventures, lui qui ne se considère pas comme une menace pour quiconque encore moins l’éducation nationale ? Et puis pourquoi ne pas aller vers des cieux plus cléments quand on est docteur en droit ? Se complait-il dans la posture de la victime expiatoire quand il sait lui-même que ses plaintes en justice finiront soit dans les poubelles tribunaux par lui saisis, soit mettront dix ans avant d’être examinées ? « Le but de ma démarche en prenant la plume est que j’espère secrètement qu’une circonstance ou initiative des autorités éducatives ou judiciaires ferait que les personnes et les académies visées sortent de l’anonymat pour le besoin de l’information. » En attendant ce jour heureux, il réintègre l’éducation nationale en 2003, il fait un Capes (certificat d’aptitude pour l’enseignement du secondaire), en économie et en gestion. Fait une année de stage pour être titularisé, mais le rapport de son maître de stage est négatif.
Avec Edouard Saty, c’est la mouche qui se cogne contre un plafond de verre. C’est la faute à pas de chance diront certains, c’est la faute au racisme, des gens qui ne se croient pas méchants mais qui ont des frustrations à défouler. C’est aussi la faute à la certitude arrogante de la bêtise de ceux qui prononcent à mi-voix des mots qui puent la haine, dans un endroit comme l’école où normalement la tolérance doit prévaloir. Bref, « Croire à l’impensable », c’est la chronique du racisme insidieux, du racisme qui ne dit pas son nom mais qui mine celui contre qui il est dirigé. Le détruit sans laisser de traces visibles, un racisme méthodique, organisé, voulu qui se revêt très souvent du manteau de l’hypocrisie.
«Croire à l’impensable » est le second livre d’Edouard Saty, il est édité par l’auteur lui –même et se trouve en librairie depuis le 15 juin 2009. Il est de la même veine que son premier roman « Haine de prof » sorti en 2005.

« Croire à L’impensable, Discrimination et harcèlement moral dans l’éducation nationale française », éd, Edouard Saty. 18, 90 euros