A quand l’âge d’or de la littérature en Afrique ?
Qu’on s’entende. La question n’est pas « A quand l’âge d’or de la littérature africaine ? » mais bien celle-là : « A quand l’âge d’or de la littérature en Afrique ? ». Le problème soulevé concerne donc un espace bien précis : l’Afrique. Il ne s’agit donc pas de la qualité des lettres africaines. Sur le continent de Wolé Soyinka existent des lumières qui, fièrement éclairent le firmament, des « monstres » qui côtoient les étoiles. En Afrique, ce ne sont pas des plumes ou des œuvres de haut vol qui font défaut. Ce qui coince c’est le peu de volonté populaire et officielle pour permettre aux créateurs et à leurs créations d’être utiles au peuple. Pour tout dire, il n’existe pas de façon visible de politique en faveur du livre de sorte à en faire un objet de grande consommation.
C’est là qu’intervient la responsabilité de l’Etat. En Afrique d’un point cardinal à un autre, ce sont les mêmes plaintes. Le livre est objet de luxe, le livre est coûteux, le livre est mal vendu, le livre est inaccessible, etc.
Et ce n’est pas toujours faux. Pourquoi tant de coups de coudes aux créations littéraires ? La réponse est bien connue : Pour les décideurs, il faut faire de l’économie. L’éducation, la sécurité et la santé sont souvent citées comme la priorité des priorités mais sur le terrain, les gouvernants s’en soucient peu. Pour eux, le plus important pour les peuples, c’est d’avoir de quoi manger quotidiennement. Et pour nourrir cette population affamée de pain et non de lettres, il faut travailler à faire courir le taux de croissance économique. Une obsession. Dans un tel contexte, le produit-livre reste en marge des grandes décisions politiques. Nul n’ignore par exemple que le ministère de la culture est le nain du gouvernement, l’enfant brimé et oublié souvent, durant les séances de partages et de distribution d’enveloppes budgétaires.
On pourrait être tenté de croire les gouvernants ignorent l’importance de la culture dans le développement d’un pays. En réalité, les politiques en savent plus qu’on ne le croit. Ils savent bien que le livre est un outil de formation, d’ouverture et de développent intellectuel, la base de tout développement durable. Oui, ils le savent mais selon les buts recherchés, les objectifs qu’ils se sont fixés lors de leur règne, il est plus opportun, selon des calculs bien maîtrisés, de feindre de l’ignorer. Ils savent par exemple que donner une grande place au livre dans un pays, c’est avoir la malchance de diriger un peuple éclairé. Un peuple qui lit est plus « dangereux », et ils le savent largement, qu’un peuple ignorant, abâtardi, crétinisé. C’est du moins leur conviction profonde, jamais exprimée.
Aussi, se permettent-ils de négliger l’univers des livres. Dans la plupart des pays africains, les associations d’écrivains ne sont pas subventionnées. Lorsqu’elles reçoivent une subvention, ce sont en fait des miettes, juste une petite somme pour se donner bonne conscience. La création et la production artistiques littéraire ne sont que rarement voire faiblement soutenues.
Les problèmes que rencontre la famille du livre sont voulus, entretenus et exacerbés. L’enjeu se présente en ces termes : Il ne faut pas que le pouvoir soit critiqué ou même contrôlé par des esprits éclairés. On crée donc les conditions de l’obscurantisme pour diriger un peuple malléable, condamné à applaudir, à tout gommer, à tout subir ?
Les régimes politiques se succèdent au pouvoir mais le livre, lui, ne connait pas une meilleure visibilité. Il redouble toujours sa classe, le pauvre livre. On a l’impression qu’il n’y a pas d’espoir tant que le sort des pays africains serait entre les mains intéressées et égoïstes des politiciens. Que faire ? Faut-il se contenter de pousser des cris de protestations ? Il faut passer à l’action. Les écrivains doivent unir leur force pour faire « un coup d’état ». Sans une telle déflagration, l’âge d’or du livre n’est pas pour demain.
Etty Macaire