TOURISME: Dubaï ou la folie des grandeurs
source: www.ledevoir.com
Tout y est plus grand, plus luxueux, plus audacieux… Plus tout ! La croissance effrénée de Dubaï, la ville qui connaît le développement le plus exponentiel de la planète, est en train de réécrire le Livre des records.
Dubaï. Il pleuvait à chauds torrents au moment de descendre du lourd Airbus d’Emirates sur le tarmac de l’aéroport de Dubaï. Un orage aussi soudain que violent au-dessus de cette oasis de béton et de vitre. Un nuage qui venait de crever pour irriguer les golfs et les bosquets de la cité verdoyante où les effluves d’hibiscus et de pelouse mouillée se confondent avec ceux des gaz d’échappement. Pourtant, au royaume de la dynastie Maktoum, il ne pleut jamais en théorie. Mais à Dubaï, rien n’est impossible.
En pénétrant dans l’espace climatisé de l’aérogare, l’appel du muezzin retentit. Retransmise cinq fois par jour dans tous les locaux de l’édifice comme partout ailleurs en ville, la prière impose immédiatement le caractère religieux de l’endroit. Mais la vie environnante n’en semble nullement affectée. Personne ne s’arrête, ne s’incline, ne s’en soucie. Les quelques femmes voilées de noir et chaussées de talons hauts qui sont attablées au comptoir d’un buffet continuent d’avaler subrepticement leur repas en tentant l’impossible pour qu’on n’aperçoive pas leur visage. Les hommes, habillés de leur longue tunique blanche immaculée et arborant l’élégante coiffe traditionnelle, déambulent dignement, porte-documents en main.
Comme toutes les plaques tournantes mondiales du transport aérien, Dubaï International Airport est un immense chantier de construction. Vingt-quatre heures sur 24, un défilé constant de transporteurs y fait étape vers l’Asie, permettant à des hordes de passagers de s’adonner au magasinage compulsif. Depuis toujours, Dubaï est considéré comme l’un des principaux temples de la consommation hors taxes et nombre de voyageurs choisissent d’y transiter pour faire leurs emplettes.
Ils sont estimés à 70 millions en 2007 à y atterrir, peut-être à bord de l’un des 26 Airbus 380 géants qu’Emirates, la compagnie des Émirats arabes unis (EAU) et de la famille Maktoum, tient en commande. Pour un nombre croissant d’entre eux, Dubaï devient également une destination touristique où on vient jouir d’un appartement acquis à grands frais et de son yacht amarré dans la nouvelle marina, profiter de la mer et de la plage, ou bien séjourner dans l’un des hôtels les plus fastueux et les plus exotiques qui soient.
La principale ville des ÉAU constitue un des microcosmes sociaux les plus originaux et les plus insaisissables de ce monde. Sa population, en croissance exponentielle, atteindrait le million et demi d’ici la fin de la décennie. Là-dessus, les Émiriens ou plutôt Emiratis d’origine composent une minorité dominante et possédante : 8 % de la population totale. Les autres, originaires de l’Inde, du Pakistan, d’Afghanistan, d’Angleterre, des Philippines et de partout ailleurs, ne sont ici que provisoirement, pour gagner leur vie, «parrainés» par un résidant émirien, et ne pourront jamais aspirer à la citoyenneté qui demeure sans partage. Comme le soulignait le correspondant du Guardian, David Hirst : « Dubaï est également une société non arabe enchâssée au coeur de l’Arabie».
Dans ce contexte, la ville s’affiche officiellement comme la plus moderne et la plus tolérante des sociétés musulmanes. Situation qui se confirme en apparence avec la cohabitation de plusieurs religions, l’émancipation féminine, la liberté vestimentaire, l’acceptation du dénuement sur les plages, la consommation d’alcool et bien d’autres indices que certains considèrent fragiles à cause de la montée de l’intégrisme tout autour. N’oublions pas que, juste de l’autre côté du golfe Arabo-Persique, se trouve l’Iran et, plus à l’ouest, l’Irak…
Dubaï constitue l’une des sept entités territoriales formant les Émirats arabes unis dans la péninsule Arabique. Il s’agit du second émirat en termes d’étendue (4043 km2) après Abou Dhabi. Les noms de l’État et de sa capitale se confondent donc. La ville s’est fait connaître en tant que port de pêche et repaire de pirates depuis la fin du XVIIIe siècle, alors qu’elle était soumise à l’autorité d’Abu Dhabi. Le nom de la dynastie Maktoum s’inscrit dans l’histoire de Dubaï en 1833, au moment où la famille originaire d’Abou Dhabi s’empare de la ville et y fonde son nouvel émirat. En 1892, Dubaï devient protectorat britannique et axe son économie sur le commerce, principalement des perles, ce qui attire de nombreux marchands d’origine indienne.
Le pétrole n’apparaît que dans les années 1960 dans ce panorama historique et vient naturellement bouleverser la donne financière, bien qu’il occupe aujourd’hui une place marginale dans l’économie locale. Les ÉAU sont formés en 1971 à la suite du retrait des Britanniques du Golfe. Depuis 1995, sous l’égide du cheikh Maktoum bin Rashid Al Maktoum et de son frère alors ministre de la Défense, cheikh Mohammed, Dubaï s’est lancé dans un développement tous azimuts, qui ne semble pas connaître de limites. La légende urbaine veut que 60 % de toutes les grues du monde aient été réquisitionnées par Dubaï.
Après avoir positionné ses infrastructures aéroportuaires et portuaires au nombre des plus performantes du globe, la famille Maktoum met sur pied la Cité Internet et la Cité Média, des zones libres qui accueillent rapidement tous les géants de l’informatique. Elle crée aussi plusieurs grands événements comme le Dubaï Shopping Festival, le Dubaï Air Show qui rivalise avec le salon aérien du Bourget, le Grand Prix de Dubaï, la Coupe mondiale de Dubaï qui est la compétition la plus dotée dans le monde équestre, ou, au golf, le Desert Classic auquel participe Tiger Woods.
Mais ce dont on parle surtout présentement, c’est la réalisation d’une série de projets pharaoniques qui laissent le reste du monde pantois. À la suite du décès du cheikh Maktoum en janvier 2006, le relais a été saisi automatiquement par le cheikh Mohammed bin Rashid Maktoum, qui assume maintenant le pouvoir sans se laisser détourner de sa passion viscérale pour les chevaux, qui incarnent à ses yeux toute la tradition séculaire arabe et, particulièrement, bédouine. Par conséquent, on ne se surprend pas, sur la route menant à Abou Dhabi, de croiser des kilomètres de champs d’entraînement et de pistes de course au milieu du désert. Le summum du dépaysement, pour quelqu’un qui débarque tout juste du froid et de la neige, est bien d’apercevoir un groupe de cavaliers montant des dromadaires enveloppés de tissu et qui courent à fond de train en secouant leur jockey sans ménagement.
L’hôtellerie pharaonique
Alors que Dubaï ne comptait que 44 hôtels au début de la décennie 1990, elle en possède maintenant environ 300 et ce nombre ne cesse d’augmenter. L’industrie hôtelière de Dubaï manque parfois de superlatifs et d’étoiles pour se définir. C’est ce qui a incité le Burj Al Arab à s’attribuer sept étoiles alors que le maximum reconnu est de cinq.
Cela laisse entendre à juste titre que plusieurs hôtels de Dubaï font cavalier seul dans le marché international et sont en train de redéfinir tous les standards de luxe, de confort et de service. Règle générale, c’est la chaîne émirienne Jumeirah, associée à la famille Maktoum, qui marque le pas. Le groupe possède une dizaine d’hôtels dans les Émirats, à Londres et à New York.
Sur une route tracée à la règle dans le désert, sur laquelle le vent charrie le sable comme une poudrerie caniculaire, un luxueux 4X4 blanc et or Lincoln nous conduit. Son chauffeur pakistanais arbore la casquette officielle après nous avoir offert une petite serviette fraîche et une bouteille d’eau vivement appréciée.
Au bout de 45 kilomètres de dunes et de buissons rachitiques, il tourne sur un chemin sinueux au bout duquel apparaît un mirage. Quelques palmiers et un groupe de bâtiments carrés se fondent parfaitement au désert. On dirait un château mauresque d’Andalousie. L’illusion est parfaite. Le Jumeirah Bab Al Shams Desert Resort & Spa nous introduit dans l’univers désertique de l’oasis et intègre avec une discrète somptuosité la longue tradition architecturale arabe. Ici, pas de poudre aux yeux. Que du sable au large d’une piscine invitante. Des édifices aux couleurs de la terre et aux intérieurs qui nous révèlent ce à quoi ressemblait l’Alcazar de Séville lorsqu’il était habité.
De retour en ville, le Jumeiraj Beach Hotel nous accueille. Il s’agit du plus classique des grands établissements de Dubaï malgré son aspect stylisé qui reproduit la forme d’une vague au brisant. Il compte 617 chambres, suites et villas de luxe et impressionne surtout par l’immensité de son lobby et son foyer encadrés d’étages de boutiques et de quelques-uns des 22 restaurants de l’établissement.
Son atrium surprend également avec une représentation monumentale de l’univers, dont le centre est Dubaï présenté comme un phare rayonnant sur le monde. L’oeuvre superpose trois thèmes : la mer, la terre et l’espace. Trois couleurs : marine, pourpre et azur, se répartissent au gré des paliers entourant l’atrium. Sa principale salle à manger jouit d’une vue imprenable sur la plage mais surtout sur son célèbre voisin, le Burj Al Arab.
La Tour des Arabes s’est rapidement imposée comme le symbole et la marque de commerce de Dubaï. On reconnaît même sur les plaques automobiles sa configuration singulière qui évoque une voile gonflée. On a littéralement aménagé une île à 280 mètres de la côte pour ériger ce monument de 321 mètres de hauteur qui se vaut tous les superlatifs. Plus haut que la tour Eiffel. Plus haut hôtel du monde. L’ascenseur le plus rapide. Il possède un tennis gazonné à 321 mètres au-dessus de la mer et un héliport à son sommet. On y trouve 202 suites doubles somptueuses dont les prix varient entre 1000 et 6 000 $ US la nuit. Son atrium peut contenir le World Trade Center de Dubaï qui a 38 étages.
Le public n’a pas accès au Burj Al Arab mais, profitant d’un passe-droit, j’ai pu visiter ce géant qui n’est pas sans rappeler les plus flamboyants hôtels de Las Vegas, bien qu’il les surpasse largement en opulence et qu’il n’y ait aucun casino à Dubaï. Le Burj Al Arab s’avère cependant très ostentatoire avec ses tapis violemment colorés et ses dorures véritables dans le lobby. Mais si j’avais à choisir, mon coeur irait du côté du Madinat Jumeirah, non loin de là, qui reproduit avec infiniment de charme et de réalisme toute une ville historique de style résolument arabe.
Une véritable Venise du désert sillonnée par un kilomètre de canaux au fil desquels sont dispersées 292 chambres, suites et villas. On y trouve un souk splendide, 42 restaurants et bars qui servent une cuisine gastronomique exceptionnelle, un spa, un théâtre, et quoi d’autre encore ? Mais, avant toute chose, on tombe sous le charme d’un décor éblouissant auquel on voudrait croire.
La vieille ville aux trésors dignes de la légende d’Ali Baba
Dubaï, ville ancienne et centre-ville, s’étale de part et d’autre de la Crique, un canal grouillant d’activité avec les abra qui font la navette d’une rive à l’autre, entre les quartiers de Deira et de Bur Dubaï. On y observe aussi plusieurs boutres, sortes de barges délabrées qui assurent le transport d’une foule de biens commerciaux sur les anciennes routes marchandes du golfe Persique jusqu’à Oman, l’Iran et l’Inde.
Dans la vieille ville aux ruelles exiguës, on plonge enfin dans l’atmosphère fébrile des souks. Du côté de Bur Dubaï, on traverse le fameux souk aux tissus, où l’on trouve vraiment de tout, des tissus les plus raffinés et rares aux casquettes de baseball et aux imitations de montres griffées. Les commerçants sont affables et enclins au marchandage, cela va de soi.
C’est à proximité du souk qu’on peut visiter le Musée de Dubaï aménagé dans l’ancien palais des émirs, le fort Al Fahidi. Au départ, cette place fortifiée construite en briques de terre et en tiges de palmier semble vide. On y remarque cependant l’une des caractéristiques majeures de l’architecture arabe, les tours à vent qui dominent tous les édifices anciens ainsi que les installations hôtelières qui s’en inspirent. Elles s’avéraient indispensables à la ventilation et au rafraîchissement des intérieurs.
On y voit aussi un bateau utilisé autrefois par les pêcheurs de perles. Puis, en faisant le tour, on découvre une entrée qui nous conduit sous terre, dans une suite de salles modernes où défile l’histoire ancienne et moderne de Dubaï. Les expositions sont simples et didactiques mais elles lèvent le voile sur bien des sujets et des questions qui surviennent en visitant la ville.
Nous passons ensuite du côté de Deira et de ses souks arabo-indiens fascinants, sur un abra, aux côtés des travailleurs aux allures hétéroclites qui rentrent chez eux à la fin de la journée. Curieux panorama où se côtoient les édifices traditionnels et les tours modernes, dont la Banque nationale de Dubaï qui reflète la Crique dans son miroir convexe.
C’est un très beau spectacle de couleurs et d’arômes à admirer sur l’autre rive en se frayant un chemin dans les passages bondés. Les épices et l’or tiennent la vedette aux côtés de vendeurs aussi habiles qu’expérimentés, qui savent nous jouer de leur meilleur théâtre sans jamais se prendre au sérieux.
Les commerçants du souk aux épices peuvent consacrer de longs moments à nous présenter une à une les aromates, à nous les faire goûter, sentir, toucher. Ils nous emmènent subtilement à l’intérieur où s’engage le jeu parfois étourdissant de la négociation, qui se termine au bonheur de chacun par des poignées de main et quelques mots en français.
Le souk de l’or est très réputé et il semble que ses prix soient imbattables, mais il a définitivement beaucoup moins d’attrait puisqu’il est constitué d’une série de boutiques grillagées.
Dubaï s’en vient encore avec un éventail d’autres projets aussi grandioses que fous, qui vont retenir l’attention mondiale. Le Burj Dubaï, la plus haute tour du monde culminera à terme à 800 mètres.
Pour l’instant, pourquoi pas quelques descentes à ski sur les nouvelles pentes intérieures de la station Ski Dubaï par 40 degrés à l’extérieur?
INFOS UTILES
– Département du Commerce et du Tourisme de Dubaï : www.dubaitourism.ae
– Aucun vaccin exigé
– Visa de 60 jours offert gratuitement à l’arrivée
– Monnaie : le dirham
– L’anglais est parlé partout.