Haïti: Président Têt Kalé
Michel Martelly est le nouveau président de Haïti. Ancien chanteur de Kompa, il va présider aux destinées de la prémière république noire à partir du 14 mai prochain. Portrait d’un homme imprévisible, iconoclaste devenu président par défaut.
On le surnomme, «Têt Kalé» en raison de son crâne chauve . Un autre de ses surnoms c’est «Sweet Micky». A 49 ans, Michel Martelly, né le 12 février 1961 à Port au Prince ; est un chanteur populaire qui est désormais le président de Haïti depuis le 16 avril dernier. (jour de la publication des résultats définitifs.) Sa victoire a donné lieu à des scènes de joie. Engagé de longue date dans l’action sociale, Sweet Micky connu aussi comme le roi du Kompa (musique dansante de Haïti), travaille depuis 2008 avec son épouse à aider les plus démunis. L’artiste est aussi connu pour ses frasques, il suscite aussi la controverse comme quand il participait en travesti à un show ou il baissait son pantalon sur scène. Selon le site de sa fondation d’aide aux démunis: «la seule chose qui est prévisible ave Sweet Micky c’est qu’il est complètement imprévisble.»
De fait, Michel Martelly est un abonné des excentricités. Ainsi, il perd son sang froid lors d’une interview sur une radio canadienne.
En réalité, Têt Kalé est un novice en politique. C’est le rejet de la candidature de la star mondiale du hip hop, Wyclef Jean en août 2010, car il ne remplissait la condition d’avoir vécu cinq années consécutives en haïti qui l’a projeté sous les feux de la rampe. Martelly est un candidat par défaut qui dès lors gagne la sympathie des jeunes et des milieux d’affaires qui sentent le vent tourné.
Il fait une bonne campagne. Il est troisième dans les sondages à la veille du premier tour le28 novembre. La veille du scrutin, les sondages ne lui donnaient que 14% des voix. Mais deux jours plus tard, lui et la candidate centriste Mirlande Manigat réclamaient l’annulation du scrutin, dénonçant des « fraudes », puis, à l’instar de sa rivale, il revenait sur sa décision, constatant qu’il était arrivé en tête dans les bureaux où il n’y avait pas eu de fraude: « Je veux que le Conseil électoral, le président Préval et la communauté internationale respectent le suffrage populaire », expliquait celui qui est devenu le héros du petit peuple.
Le 7 décembre, le Conseil national d’observation électorale, financé par l’Union européenne, rendait publiques des estimations donnant Mirlande Manigat en tête avec 30% des suffrages devant Michel Martelly (25%) et le candidat du pouvoir, Jude Célestin (20%). Dès lors, l’annonce, le lendemain, par le Conseil électoral de la disqualification de « Sweet Micky » est un choc. Au final les choses rentreront dans l’ordre.
Si « Sweet Micky » était un chanteur iconoclaste et provocant, « le politicien, lui, est plutôt conservateur tendance néolibérale, proche des militaires » écrit Nathalie Petrowski dans La Presse. Celle-ci l’a rencontré alors que le chanteur venait faire campagne auprès de la diaspora haïtienne au Canada. Il se déclare proche des petites gens cependant il vit dans les beaux quartiers, possède un pied-à-terre en Floride et n’a aucun souci d’argent « Il avoue qu’à 15 ans, il avait sa carte de tonton macoute [la milice duvalériste] pour ne pas être arrêté (…) Fils d’un technicien en pétrole, il a frôlé la délinquance, avant de trouver sa voie en musique et de devenir riche et adulé. L’Hebdomadaire de la diaspora haïtienne de New York Haïti Liberté (gauche) voit en lui un nostalgique de l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier.
Interrogé sur le retour surprise de l’ex-dictateur le 16 janvier dernier, le candidat Martelly affirmait qu’il n’avait rien à voir avec ce retour, mais approuvait ce retour : « Duvalier est Haïtien. Qu’il revienne, c’est la démocratie », a-t-il déclaré. Très oecuménique, le chanteur tenait d’ailleurs les mêmes propos sur l’autre ancien homme fort exil, Jean-Bertrand Aristide, chassé par un coup d’Etat en 2004: « Mon rêve c’est de voir tous ces anciens dirigeants tellement populaires réunis en un seul lieu pour la réconciliation nationale », déclarait-il. « Arrivé au pouvoir, j’aimerais que tous les anciens présidents deviennent mes conseillers afin de pouvoir profiter de leur expérience ».Fausse modestie! quand on connait les coups de sang de l’individu et ses penchants duvaliériste. Après l’annonce des résultats, Michel Martelly avait appelé ses partisans « à manifester sans violence… jusqu’à la victoire totale ». Ceux-ci ont érigé des barrages de pneus enflammés dans la capitale et plusieurs villes de province et se sont affronté avec la police. Les heurts ont fait au moins 4 morts. Pour sortir de l’impasse, le candidat chanteur avait proposé d’organiser une nouvelle consultation avec les 18 candidats du premier tour. Le vainqueur de ce tour unique serait devenu président, et « Têt Kalé » espèrait bien, avec la notoriété croissante que lui apporte la pression de la rue, être l’heureux élu. Ce fut le cas.
Saura-t-il éviter de sombrer dans le populisme, une des plaies d’Haïti? « Il ressemble de loin à un l’autre leader qui a fait la pluie et le beau temps ces dernières années: Jean-Bertrand Aristide. Les deux hommes se sont cordialement détestés, mais voilà que les méthodes de gestion de la pression populaire les rapprochent, Aristide aussi a détenu une bonne partie de son pouvoir grâce à la rue ». L’investiture de Sweet Micky aura lieu le 14mai prochain.