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Le passeport comme frontière invisible

Firmin Koto | | Edito
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La récente déclaration du président de Miss Universe, affirmant qu’une Miss ivoirienne ne pourrait pas remplir ses obligations internationales en raison des contraintes liées à son passeport, a suscité l’indignation. Pourtant, cette sortie malheureuse met en lumière une réalité que vivent chaque jour des millions d’Africains : le passeport reste l’un des premiers facteurs d’inégalité mondiale.

Avec un document qui impose des visas pour l’immense majorité des destinations, voyager devient non pas un droit, mais un obstacle administratif permanent. Dans les secteurs où la mobilité est essentielle — arts, sciences, études, entrepreneuriat — cette situation limite directement les opportunités professionnelles et humaines.

Les procédures de demande de visa, souvent longues, coûteuses et incertaines, font de la spontanéité un luxe inaccessible. Les délais ne coïncident pas avec les exigences du monde contemporain, où invitations et projets se construisent parfois en quelques jours. Même lorsqu’un visa est accordé, sa durée peut être extrêmement courte, compliquant encore davantage les déplacements.

Cette restriction permanente crée une forme de discrimination silencieuse : à compétence égale, l’accès aux opportunités reste profondément inégal. Les ressortissants de certains pays bénéficient d’une mobilité quasi automatique, tandis que d’autres doivent systématiquement prouver leur légitimité à voyager, ainsi que leur intention de retour. Ce soupçon institutionnalisé transforme les frontières en filtres sociaux plus que sécuritaires.

Il est fréquent d’entendre que les visas sont réciproques : les Européens auraient eux aussi besoin de visas pour entrer en Afrique. Mais la comparaison s’arrête là. Les procédures sont incomparables en termes de délais, de taux d’acceptation et de degré de contrôle. Là où les uns traversent sans entraves, les autres passent par ce qui ressemble trop souvent à une épreuve psychologique faite de justifications répétées et de suspicions implicites.

Au-delà de la contrainte pratique, cette réalité a un impact psychologique profond. Le sentiment d’être constamment perçu comme un risque, davantage que comme un talent, mine l’estime de soi et freine les ambitions. Ce climat est incompatible avec les discours officiels qui prônent la coopération culturelle, universitaire ou économique avec le continent africain.

Ce paradoxe est frappant : on encourage les échanges et la visibilité internationale des talents africains, tout en maintenant les conditions structurelles qui empêchent leur circulation. Sans mobilité équitable, aucune prétendue égalité des chances ne peut réellement exister.

Certes, certaines figures parviennent à dépasser ces contraintes grâce à leurs réseaux, à leur notoriété ou à des soutiens institutionnels. Mais ces réussites individuelles restent l’exception, et non la règle. Elles ne peuvent masquer les milliers de carrières avortées, de formations abandonnées et de projets irréalisables faute d’accès à des visas.

Posséder un passeport ne devrait pas déterminer l’ampleur d’un destin. Pourtant, dans l’ordre mondial actuel, la nationalité reste un capital invisible, distribué de façon profondément inégale.

L’affaire Miss Universe rappelle ainsi une vérité dérangeante : même le talent, la rigueur et l’excellence ne suffisent pas toujours lorsque l’origine devient un plafond. Tant que la liberté de circulation restera un privilège réservé à certains passeports, l’égalité des chances demeurera un slogan plus qu’une réalité.

Firmin Koto 

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