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Sénégal – Gorée célèbre l’Afrique et sa Diaspora

Honore Essoh | | Diaspora

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Gorée, l’île mémoire a rassemblé du 15 au 18 novembre, ses fils d’Afrique vivant à l’intérieur et à l’extérieur du continent. La troisième édition du Gorée Diaspora Festival, à quelques détails près, a remporté les défis de l’organisation, du succès populaire, de la qualité et de la diversité des participants ainsi que de l’innovation. Au chapitre des nouveautés, la palme est revenue aux rencontres cinématographiques. La musique est elle, restée la grande vedette avec son florilège de talents confirmés et d’agréables découvertes.

Sur ce bout de terre du Sénégal chargé d’histoire, de douleur et de symboles, les africains d’Afrique, d’Europe, des Antilles et des Amériques se retrouvent pour dialoguer à la même période depuis 2005. Une certaine avancée est faite dans ce sens depuis la première édition du Gorée Diaspora Festival. Cette année, l’appel de la Mairie de Gorée qui organise l’événement, est à un monde plus solidaire et humaniste d’où le thème « Regards croisés sur une mémoire partagée ».

Les Rencontres Cinématographiques « Exils et Mémoires », constituent l’innovation majeure de cette édition du festival. Le Palais du gouverneur, à l’ouest de l’île, s’est transformé le temps de quatre jours en « complexe cinématographique » avec une salle dans un hall et une autre en plein air. Il ne manque que le ronflement du générateur d’électricité et des petits tabourets pour rendre complète cette belle atmosphère de village.

Projections et causeries avec des pointures du cinéma africain

On ne pouvait rêver mieux pour cet aller-retour en 12 films entre le passé et le présent de l’Afrique. Pour tenter de recoller ces deux périodes brisées par l’esclavage, Alioune, interprété par un majestueux Sotigui Kouyaté, quitte son continent pour se lancer à la recherche des descendants de ses ancêtres déportés aux Etats-Unis. Pour ce film touchant de Rachid Bouchareb, Little Senegal, le choc des cultures et des identités s’est prolongé loin des caméras. Sotigui Kouyaté l’a révélé lors d’une rencontre avec les festivaliers après la projection. Alors que certains de ses partenaires africains-américains le pressaient de questions sur leur terre d’origine, d’autres limitaient la bonne ambiance au plateau. Une froideur qui a intrigué Sotigui et qui le préoccupe comme l’absence de véritables réactions d’africains, d’africains américains et d’antillais qui ont vu le film. « J’en ai eu d’Européens, d’Asiatiques et autres, mais mes frères, ils se sont contentés de dire que c’est intéressant … j’attends toujours, » a confié avec regret cette grande fierté du continent.

Autre histoire de quête, le long métrage Pièces d’Identités, du réalisateur congolais Ngangura Mweze. C’est le récit à l’humour bien dosé, d’un vieux roi africain, incarné par Gérard Essomba, qui se rend en Belgique à la recherche de sa fille dont il n’a plus de nouvelles. Tout en exposant les réalités de jeunes africains vivant en Europe coupés de leurs racines, Mweze dépeint la cohabitation difficile entre européens et africains sur le vieux continent. Cet angle du film a suscité une levée de bouclier qui n’a pas freiné le réalisateur et son producteur belge de leur élan.

« Africa Paradis n’est pas un film anti-blanc »

Des susceptibles de la même espèce ont ralenti la réalisation de Africa Paradis du béninois Sylvestre Amoussou. L’homme a mis près de 10 années à obtenir des financements pour son long métrage. Cela, bien qu’ayant clamé haut et fort, et il l’a répété à Gorée, que « ce n’est pas un film raciste ou anti-blanc ». Heureusement, la règle mesquine et d’un autre âge, qui veut que des africains ne puissent faire des films « jetant un regard critique sur l’Europe », n’arrive pas à étouffer toutes les productions.

Tout comme un peu partout où il est passé, Africa Paradis, projeté en soirée en plein air, a connu un immense succès. Dans cette fiction, des européens se lancent dans la mésaventure de l’immigration et cela, vers une Afrique devenue prospère. Quand des spectateurs nous ont dit avoir savouré « cette revanche sur l’histoire », d’autres nous ont confié avoir perçu un message pour une réflexion plus approfondie et plus « universelle » sur le phénomène de l’immigration clandestine. Le débat et les recherches de solutions ne devant selon eux, se limiter aux pays directement confrontés à ce problème.

A ces rencontres cinématographiques organisées en marge du festival par Radio France International et l’Institut Français Léopold Sédar Senghor, l’affiche était très belle. Les festivaliers ont pu échanger après les projections avec les acteurs Sotigui Kouyaté, Gérard Essomba et les réalisateurs ou metteurs en scène Sylvestre Amoussou, Claude Moreau, Ngangura Mweze, Samba Félix N’Diaye. Ils ont également pu se délecter entre autres du documentaire Questions à la terre natale du sénégalais Samba Félix Ndiaye, De l’autre côté du turc Fatih Akin ou la bande dessinée Persepolis de Marjane Satrapi. Un hommage appuyé pour l’ensemble de son œuvre, a été rendu, dans la soirée du 16 novembre, à l’un des pères du cinéma africain, Sembène Ousmane, disparu à Dakar le 9 juin dernier.

Succès fou du Belem Martiniquais

Même si, reconnaissons le, ces rencontres du fait du programme et des prestigieux réalisateurs et acteurs qui ont effectué le déplacement, ont retenu toute notre attention, la musique est restée la grande vedette du festival. Pour les concerts aussi l’Afrique d’ici et de l’autre côté des océans étaient bien représentées. Du quatuor Gnawa du Maroc, à l’orchestre Missal sénégalais qui a lancé son retour après 7 années d’absence, en passant par la zimbabwéenne Netsayi née en Angleterre ou les martiniquais de l’ensemble Tambou Bo Kanal. « Nous sommes contents d’être présents pour la deuxième fois au festival. Le Belem a eu beaucoup de succès, c’est une danse de chez nous où l’homme et la femme se cognent en dansant, » nous a dit Philippe Granville, qui joue au tambour dans la formation martiniquaise qui a fait chanté et dansé les spectateurs. L’une des belles surprises de ces concerts qui ont tenu en haleine jusque tard dans la nuit le public venu nombreux, était le groupe sénégalais Ali Beta et le Diaspora Groove, des jeunes sénégalais qui colorent leur mbalax de sonorités rock, hip hop, mandingue.

Au cours du colloque international sur l’esclavage, initié cette année, des universitaires et des chercheurs venus d’Afrique, des Antilles et d’Europe, ont planché sur différentes facettes de l’esclavage dont la traite en Afrique de l’Ouest, dans l’océan indien et ses prolongements et les traites atlantiques. Le colloque était organisé par l’Association de Descendants d’Esclaves Noirs basée à Paris.

Toute œuvre humaine n’étant parfaite, cette grande fête a eu comme fausse note, l’indisponibilité du programme des prestations musicales. Difficile pour les journalistes et les autres festivaliers de se retrouver dans un tel flou.

C’était toutefois un festival fort réussi car, pour paraphraser le très sage Sotigui Kouyaté (qui l’a dit dans un autre contexte) : « la perfection n’est pas de ce monde, mais la progression oui ! Et c’est ça le plus important, essayer chaque jour d’aller autant que possible vers le meilleur de sois même ». Et pour cette troisième édition de nombreux efforts ont été faits.

Vive Gorée Diaspora Festival 2008 !

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