Danse : Hortense de Méaka «C’est la danse qui m’a choisie»
A la question de savoir pourquoi elle a opté pour la danse comme moyen d’expression artistique Hortense de Méaka répond de façon péremptoire: «C’est plutôt la danse qui m’a choisie». Elle tint à préciser le sens de sa pensée: «je suis persuadé que j’ai la danse dans mes gènes. C’est inné.». Toutefois, une formation pour affirmer voire affiner ces prédispositions lui paraît indispensable, reconnaît-elle.
C’ est auprès de la danseuse camerounaise Julia Young immigrée e Côte d’ Ivoire ans les années 80 que la désormais célèbre danseuse Méaka va donner un coup de fouet à sa carrière. De cette rencontre, elle en tirera un grand profit. C’est Daniel Cuxac, promoteur de spectacles émérite qui lui donnera par la suite l’occasion de s’exprimer à travers un spectacle dénommé « Opération Africa». Ce spectacle constituera sans doute une opportunité pour l’artiste de faire connaître ses talents de danseuse au public ivoirien. «Ce spectacle a permis à ma carrière de danseuse de prendre l’ascenseur. Je suis redevable à M. Cuxac et à Julia Young qui ont cru en mes potentialités à cette époque-là», se souvient-elle. Dans sa volonté d’ajouter d’autres cordes à son arc «artistique» , Hortense de Méaka se tourne vers les planches. Elle n’hésite pas à se mettre à l’école des dramaturges de renommée comme Sidiki Bakaba et Diallo Ticouaï. Auprès d’eux, elle apprend les rudiments du métier jusqu’ à en maîtriser les contours. Elle s’inscrit en 1992 à Khepri Company, l’atelier de formation dramatique de S. Bakaba. Dans la même année, elle joue avec maestria dans la pièce «La parle» mise en scène par celui qu’elle appelle son «Maître». Cette pièce est même diffusée sur la radio internationale RFI. Le «Maître» ne tarit pas d’éloges à l’endroit de son élève. «Son principal atout c’est son talent et sa volonté d’aller toujours de l’avant. Méaka est une artiste de défi», confie Bakaba. L’année suivante elle rempile avec la pièce «Mon mari n’est pas clair» de Diallo Ticouaï Vincent. Méaka ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, loin s’en faut. Elle continue d’explorer d’autres chemins. Elle est tentée par la comédie musicale. Très vite elle va s’ y attacher. Selon elle, cette forme d’art prend en compte la musique et la danse. Mieux, la gestuelle et la musique font chorus pour donner plus d’harmonie à la création. Persuadée que la comédie musicale est la voie qui prend le mieux en compte ses aspirations artistiques, Méaka en fait sa priorité voire son credo. Dans la foulée, elle s’essaie à la chorégraphie pour donner des ailes à ses ambitions.
C’est avec «Guerre rituelle», comédie musicale s’inspirant de la tradition africaine (comédie musicale rituelle) jouée en 1995 sur les planches ivoiriennes que l’artiste se dévoile au public. Avec 7 comédiens et 2 musiciens, cette pièce relate l’histoire d’une citadine partie dans son village qui jusque là respectait les rites sacrés. Elle décide d’aller en brousse un jour sacré bravant ainsi cet interdit. Elle va donc subir le courroux des ancêtres. Mélange de danse, de chants, de poésie, ce spectacle fait s’affronter modernité et tradition. Finalement la citadine châtiée par ses ancêtres recouvrira la santé grâce au féticheur du village. Un spectacle de 70 minutes d’horloge qui tient le public en haleine. Les critiques saluent les performances de la comédienne. Elle reçoit les félicitations de Wêrê Wêrê Liking, un nom qui fait autorité dans le domaine de la création artistique en Afrique. C’est de là que Méaka prendra son envol.
En 1998 lors de la 6 ème édition du festival international de Théâtre et du Développement à Ouagadougou au Burkina-Faso, cette pièce conquis le coeur du public. La comédienne n’a pas fini de savourer son succès qu’elle est invitée l’année suivante à la 16 ème édition du festival international des danses folkloriques en Caroline du Sud (FOLKMOOT USA).
Les souvenirs de cette tournée de deux semaines au pays de l’ Oncle Sam sont encore vivaces dans son esprit. «Je n’oublierai jamais cette tournée américaine. L’accueil a été impeccable. Les journalistes nous couraient après pour en savoir davantage sur les porteurs de masques et les danseurs», se rappelle-t-elle avec un brin d’émotion dans la voix. Ce qui a marqué l’artiste au cours de ce festival c’est sans doute les ateliers animés à l’intention des enfants appelés «déshérités culturels» puisque n’ayant reçu aucun héritage culturel de leurs parents afro-américains.
A la tête de la Compagnie O’ Zékia depuis 1995, Hortense de Méaka n’en finit pas avec les créations. En même temps qu’elle est sollicitée en Côte d’ Ivoire pour des spectacles, elle s’ouvre à d’autres horizons en participant à plusieurs rencontres artistiques au Burkina, en France, au Congo- Brazzaville, en Suisse, en Martinique, au Tchad, en Corée du Sud et récemment à l’ Exposition Universelle de Shanghai. De cette Expo, elle en gardera un souvenir indélébile. «Ce fut le rendez-vous du donner et du recevoir. Le public a été émerveillé par «Diversité culturelle», la fresque que nous avons présentée», tient-elle à préciser. Pour améliorer son jeu d’acteur, Méaka participe à des stages de formation. Elle s’est rendue par deux fois au Centre Arabo-africain de Tunis pour suivre les cours de M. Ezzedine Ganoun.
Le fossé entre la comédie musicale et le cinéma n’étant pas grand, elle n’hésite pas à le franchir avec succès, à en croire de nombreux téléspectateurs qui s’agglutinent chaque dimanche devant leur poste téléviseur pour suivre «Ma famille», téléfilm dans lequel elle joue le rôle de la maman de Papouny. Malgré ses apparitions épisodiques, l’actrice crève l’écran. Toute chose qui n’ est pas faite pour déplaire à la réalisatrice Akissi Delta qui entend donner à l’ avenir un rôle de premier plan à la comédienne. Ainsi lancée, l’artiste n’entend plus s’arrêter en si bon chemin même si elle reconnaît que la pratique de l’art en Afrique ne garantit pas une retraite dorée. Méaka bientôt chanteuse? Possible, car l’ayant entendue pousser la chansonnette à maintes occasions, il est certain qu’elle ne sera pas une piètre chanteuse, loin s’en faut.
Pour l’instant, l’artiste à des projets qu’elle entend faire aboutir même si la situation socio-politique offre moins de visibilité. Elle compte pour ce faire sur la magnanimité des mécènes- s’il en reste encore- et des entreprises publiques ou privées qui croient encore en l’art sur le continent. La priorité pour l’artiste en ce moment est de créer une école dans le but d’enseigner aux enfants et même aux adultes son métier. En attendant un environnement plus favorable à l’exercice de son métier sur les bornes la lagune Ebrié, partagée entre la danse, le théâtre et la chanson, Méaka fait son cinéma…