Quand Nollywood ose la rupture !
Qui ne se souvient pas des films sortis des studios indiens Bollywood appelés communément films indou qui ont envahi les salles de cinéma africain dans la première et deuxième moitié des indépendances?
Ces films ont presque bercé l’enfance de toute l’élite africaine et susciter des émules et des ambitions. Pendant ce temps, Hollywood s’invite dans les salons avec les westerns, les films d’amour et de passion, les films de guerre.
Tous se sont imposés au grand désespoir du film africain. En effet, le cinéma africain peine à se frayer un chemin dans cette bataille culturelle importée d’Asie et des USA. Même le plus connu des festivals de cinéma africain, le FESPACO n’a rien pu faire. Lui, qui s’est fixé pour objectif principal de parvenir à la décolonisation de l’écran africain a vu ses ambitions voler en éclats. Cet objectif s’éloigne de jour en jour.
Les rencontres culturelles cinématographiques sur le continent noir se multiplient et les tentatives de récupération de l’espace par le film africain restent laborieuses malgré les progrès isolés enregistrés dans la partie francophone.
La production et la diffusion limitées de longs métrages tels « Visages de Femmes », « Petanqui », « Le sixième doigt », « Le camp de Thiaroye », « Au Nom du Christ » et des productions cinématographiques du Burkina faso et du Sénégal dans la troisième moitié des indépendances ne feront pas changer la donne.
Et pourtant, dans la partie anglophone, l’activité cinématographique est plus fournie. L’industrie cinématographique ghanéenne et nigériane par exemple se font une concurrence ardue et essaient de s’imposer au public surtout au niveau des téléfilms même si dans les deux cas, le grand écran reste moins servi.
Du coup, Hollywood et Bollywood en profitent pour s’installer, la nature ayant horreur du vide. Ainsi, en dehors de quelques rares téléfilms ou séries télévisées de sensibilisation à vocation éducative, civique et morale intégrés au programme des télévisions nationales tels « Comment ça va », « Qui fait ça »? « Le commissariat de tanpy », « Chorkor Trotro », » Bongo Bar » qui sont généralement diffusés aux heures de grande écoute juste avant ou après l’actualité afin de toucher le plus grand nombre de téléspectateurs, tout le reste du programme reste dominé par Hollywood .
Il est évident que le petit écran souffre de l’absence de téléfilms africains.
Ces derniers temps, Hollywood et Bollywood se verront concurrencer sur le terrain par les téléfilms de l’Amérique du Sud jusque-là inconnus mais qui ont réussi à conquérir le public par les sujets abordés. Ils ont presque occupé le petit écran en Afrique noire.
Aujourd’hui encore, malgré l’omniprésence des films locaux surtout dans la partie anglophone l’Afrique de l’Ouest, les séries télévisées sud-américaines règnent partout et sont devenus le programme d’attrait des téléspectateurs africains.
Au Ghana par exemple, Ghallywood observe avec grand désarroi la percée en puissance de ces téléfilms devenus presqu’incontournables dans les grilles de programmes des différentes télévisions privées et publiques de la place. Par exemple, une des chaines de télévision en langue nationale prend la peine, avant chaque diffusion en anglais d’un téléfilm sud-américain de faire le résumé en twi afin de permettre à son public de comprendre le scénario.
On remarquera que dans les pays francophones, la pauvreté de la production cinématographique justifie en grande partie, l’absence de diffusion des téléfilms sur le petit écran, malgré les initiatives personnelles isolées et éphémères illustrées dans « Ma famille », »Docteur Boris », Sa Sandra », etc… ces 10 dernières années en Côte d’ivoire notamment.
Sur ce point, Nollywood et Ghallywood n’ont rien à envier à Hollywood et Bollywood. Autant les téléfilms abondent autant ils occupent le petit écran ghanéen et nigérian. La population se régale et s’abreuve de ces séries parfois tournées en langues locales Ahussa, Twi. Fanti, ibo, yoruba ou anglais.
Evidemment, l’Afrique francophone se sent naturellement exclue du fait des barrières linguistiques alors qu’elle aurait pu aisément combler ce vide.
Ces dernières années, la relative libéralisation de l’espace audiovisuel a permis l’apparition de bouquets de télévisions faisant entrer des chaînes de télévisions africaines. Il est vrai que ces offres sont à titre onéreux mais, elles restent très intéressantes surtout pour le téléspectateur africain francophone condamné aux téléfilms d’outremer.
Et voilà Nollywood .TV qui s’annonce sur les bouquets. Le film anglophone est présent et le sous titrage en français bien que médiocre est néanmoins assuré. Les barrières linguistiques tombent. Le téléspectateur francophone adopte le film ghanéen et nigérian retraçant la plupart du temps des faits de société communs à l’Afrique et aux africains.
Ainsi,le petit écran africain est tout de même servi grâce à Nollywood TV.
Nollywood.TV est une chaîne de télévision africaine de diffusion de films africains en exclusivité.
Le rêve est permis et Nollywood l’offre aux téléspectateurs africains et du monde qui devront désormais compter avec les films africains même si la diffusion reste dominée par le film nigérian. Ceux-ci ont d’ailleurs bien reçu cette offre qui leur permet d’exprimer leurs préférences et de diversifier leurs choix. En cela, on devine déjà de quel côté penche la balance.
Mais, tout cela reste encore insuffisant devant l’agressivité de l’industrie cinématographique hollywoodienne.
Les politiques culturelles en général restent rares en Afrique. Les promoteurs et professionnels du secteur sont dépassés par les événements devant les besoins de la population et le coût élevé des productions.
Nollywood ose la rupture essayant tant bien que mal d’inverser la tendance. Il faut y croire et encourager toutes les initiatives tendant à aider à assurer la décolonisation pleine et entière de l’écran africain.
Badjo Dagbo