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LEATICIA ET DORCAS (FOOTBALL LOVE) FESTIVAL DE CANNES

Didier Kore | | Cinéma

Football Love

Elles sont jeunes, belles et très dynamiques! Elles ont en partage l’amour du cinéma. Elles reviennent du Festival de Cannes, où leur production « Football Love » a reçu un prix au festival panafricain de Cannes. Elles, ce sont Ahouangonou Dorcace et N’Da Laetitia, toutes deux productrices du film qui a désormais une renommée internationale. Elles nous livrent leurs émotions et partagent leurs rêves à travers cette interview.

Vous revenez de Cannes où vous avez représenté avec brio la Côte d’Ivoire, comment avez-vous vécu ces moments là ?

Merci pour l’occasion que vous nous donné, nous tenons à remercier toute la Côte d’Ivoire entière, sans oublier notre ministère de tutelle pour le soutien moral. Nous remercions par ailleurs le Directeur général de l’Office national du cinéma (ONAC-CI) pour leurs soutiens. Nous avons reçu de nombreux messages à travers les réseaux sociaux de part le monde. Nous avouons que cela nous a vraiment fait chaud au cœur. Nous nous sommes rendues compte que nous n’étions pas seules dans cette aventure.

Avez-vous une fois rêvé de vous retrouver à de tel festival, surtout celui de Cannes même s’il est ouvert à des productions africaines ?

Oui, c’était notre objectif en nous lançant dans le cinéma. Nous nous sommes dit, pourquoi pas Cannes ? Là, vous venez de voir que le rêve est devenu une réalité. Depuis les scénarios, sans même avoir débuté la production, nous nous sommes fixées pour objectif d’aller à Cannes. Nous avons travaillé tout en ayant à l’esprit que notre film devait être le meilleur de l’année. Nous nous sommes donc données les moyens, même si c’était difficile au départ. Avec l’aide de Dieu et des conseils que nous avons reçu de part et d’autre, nous y sommes arrivées.

Une telle distinction, qui plus est celle de Cannes vous met certainement la pression, n’est-ce pas ?

Oui, énormément de pression. On se dit qu’aujourd’hui tout le monde nous regarde, et cela nous met la pression, les gens attendent beaucoup de nous. En même temps, cela nous donne aussi la force de toujours continuer et à mieux nous perfectionner. Si avec ce film à petit budget nous sommes arrivées à ce stade, cela va sans dire que si nous avons les moyens conséquents, nous pourrions faire encore mieux. Cette fois-ci, ce ne sera pas au festival panafricain de Cannes que nous allons participer. Nous allons participer au grand festival de Cannes lui-même (rires).

Une telle distinction vous est donc permis de vous frotter à quelques grands noms du cinéma…

Oui, bien sûr ! Le but des festivals, c’est de créer une plateforme afin que les professionnels puissent se rencontrer. Nous avons côtoyé de grands producteurs et des réalisateurs de renom. Nous avons beaucoup appris auprès d’eux.

Quelles sont vos ambitions pour « Football love », maintenant que ce film amorce une carrière internationale ?

Nous allons travailler davantage. Vous savez que nous sommes très perfectionnistes. Nous le sommes un peu trop d’ailleurs même. Nous allons toujours nous donner les moyens pour faire sortir des productions encore plus intéressantes. Nous pouvons avoir de bonnes idées, mais ce qui manque le plus souvent, ce sont les moyens. Excusez-nous de le dire, mais nous avons l’impression qu’en Côte d’Ivoire, la culture n’est pas vraiment prise en compte par nos autorités. Les politiques préfèrent sans doute le football, le show-business, mais le cinéma non ! Alors que le cinéma est une grosse industrie.

Avez-vous entrepris des démarches auprès de votre tutelle afin de bénéficier d’un quelconque soutien ?

Oui, bien évidemment ! Nous avons la chance d’avoir une maman, Méaka Hortense, une dame très introduite dans le milieu. Nous apprenons toujours auprès d’elle. C’est elle qui nous montre les rouages de ce métier. Elle nous guide et nous introduit souvent auprès des décideurs dans le milieu. Nous avons envoyé des courriers au ministère de la Culture et de la Francophonie, à l’ONAC-CI, à Côte d’Ivoire Tourisme, au Ministère des Affaires Etrangères…nous sommes passées un peu partout. Nous avons fait tout ce qui était humainement possible, mais rien ni fit, même si nous nous sommes dit que c’est la Côte d’Ivoire que nous allons représenter. « Football Love » n’appartient plus à Dorcas ni à Laetitia vu ce sacre. Ce film appartient désormais à toute la Côte d’Ivoire. Pour ce faire, nous n’avons pas dormi sur nos lauriers, nous avons bougé, nous sommes allées à la rencontre de tout le monde, mais bon…Nous sommes revenues avec le prix de la Production qui est celui qui récompense des bons films à petits budgets.

Vous étiez en lice avec combien de pays ?

Nous étions en compétition avec 15 pays pour 300 films. Et au finish, ce sont 30 films qui ont été retenus, dont « Football love ». Nous étions donc 5 lauréats : le prix du public, le prix du jury, le prix de la production, le prix du court métrage et le prix du documentaire.

Dites-nous comment le public a réagit ?

Au-delà de nos espérances ! Parce que, après visionnage des films qui étaient en compétition avec nous, vraiment nous n’y croyions pas du tout (Rires). A un moment, nous nous demandions ce qu’on faisait là, dans la salle. Les différents réalisateurs venaient parler de leurs films, du budget auquel il l’on réalisé, les conditions etc.…Nous nous faisions toutes petites dans la salle puisque pour nous, c’était terminé. Car à les entendre, quand ils parlaient de petits budgets, cela oscillait autour de 500 millions de nos francs. Alors que nous, nous n’arrivons même pas à la moitié, même au tiers.

Une idée du budget de votre production ?

Nous ne saurions vous le dire à dire vrai. Nous avons ce problème là. Nous n’avions pas un budget pour ce film. Le financement de ce film se faisait par à-coup. C’est-à-dire, quand on a 500 mille FCFA, on va louer une caméra, quand on a 1 million ici, on va faire telles choses… Et c’était ainsi tout le temps. C’est une erreur de notre part simplement parce que nous n’avions pas de budget prédéfini.

De retour au pays, comment les ivoiriens ont accueilli cette distinction ?

Ce ne sont que des félicitations ! Nous avons reçu des appels d’injures, de menaces et de tout avant de partir à Cannes. Les gens pensaient même que c’était un buzz ! Comme quoi, parce que nos devanciers dans le milieu n’avaient pas encore franchi un tel palier. Il y a une radio que je préfère taire le nom qui a refusé de nous recevoir, sous prétexte que nous nous des parvenus et des inconnus dans le milieu. Nous n’avons donc pas été reçu, et nous savons que c’était vraiment défavorable. Aujourd’hui, ceux même qui nous ont blâmés nous félicitent.

Et les autorités ?

Dès notre retour, nous sommes allées au Ministère de la Culture. Ils ont promis que le ministre allait nous recevoir, c’est juste cela pour l’instant. Par ailleurs, nous tenons à dire que nous dédions ce prix à tous les ivoiriens, à la jeunesse en particulier. Car, les gens pensent que quand tu es jeune, tu ne peux pas travailler, et que tu n’as pas de talent. Lorsqu’on nous rétorque à chaque fois que nos devanciers n’ont pas fait ceci ou cela, qu’est ce qui prouve que nous ne pouvons pas faire mieux. Nous sommes une génération assez consciente.

Didier Koré