CINEMA AFRICAIN : Le dernier « long métrage » de Sembène Ousmane
La vie de Sembène Ousmane, on la résumait ces dernières années en l’appelant : le patriarche du cinéma africain, « l’aîné des Anciens» ; et ce trait parait tout à fait mérité. Rares sont les hommes dont l’existence et l’œuvre, de bout en bout, se confondent et qui, parlant comme ils respirent, donnent l’impression de ne jamais avoir eu à reprendre souffle.
La mort de Sembène Ousmane, à la suite d’une longue maladie, est aussi comparable à un long… métrage. Sa biographie, sa bibliographie et sa filmographie font un tout indissociable. Si tous ses livres reflètent un pan de sa vie et du vécu de son pays, le Sénégal ; tous ses films portent un combat et un engagement, évoquant les pages les plus sombres de son continent : excision des petites filles en Afrique, émigration des Africains, massacre de tirailleurs sénégalais à Thiaroye, invasion du catholicisme et de l’islam en Afrique de l’ouest, etc.
En effet, Ousmane SEMBENE a de tout temps été considéré comme celui-là même qui est entré au cinéma de façon inopinée. Autodidacte, ce Casamançais de cœur et de naissance, est né à Ziguinchor en 1923 où il fréquente l’école coranique puis l’école française qu’il quitte pour indiscipline en 1936 pour ne plus y retourner.
Mobilisé en 1942 par l’armée coloniale française pendant la deuxième guerre mondiale, il intègre le corps des tirailleurs sénégalais. Quelques années après, il retourne clandestinement à Marseille, en France où il devient docker ; ce qui lui a valu la mise sous presse de son premier roman Le Docker noir qui relate son expérience d’immigré. Dès le milieu des années 50, il commence à écrire des romans, sa première passion. Et là, année après année, les ouvrages s’ensuivent : Ô pays, mon beau peuple, en 1957 ; Les Bouts de bois de Dieu en 1960, etc.
Par ailleurs, pris par une folle envie de se faire entendre par le plus grand nombre, Ousmane Sembène choisit de s’exprimer à travers le 7è art. Pour ce faire, après avoir consulté certains spécialistes du domaine, il part étudier le cinéma à Moscou en 1961. Il alterne désormais productions littéraires et cinématographiques. C’est ainsi que l’homme signe dès 1962 son premier court métrage Borom Saret (la bonhomme charrette), suivi dans la même année de Voltaïque, dans la catégorie littérature.
Mort le samedi 9 juin dernier à l’âge de 84 ans et inhumé au cimetière musulman de Yoff, dans la banlieue nord de la capitale sénégalaise, l’écrivain-acteur-producteur-réalisateur-scénariste sénégalais était aussi l’auteur de neuf romans et essais dont le plus célèbre est sans nul doute « Les Bouts de Bois de Dieu », publié en 1960, faisant partie des classiques de la littérature africaine. Sur le plan cinématographique, il laisse 12 films à son actif dont le premier long métrage en 1966, le premier du genre produit et réalisé par un Africain en Afrique Noire, intitulé « La noire de… », qui est l’histoire d’une jeune Sénégalaise immigrée en France et réduite en esclavage par ses patrons blancs. Ce film a remporté la même année le prix Jean Vigo.
Sembène Ousmane était aussi l’un des fondateurs du FESPACO, festival panafricain des courts métrages qui se tient tous les deux ans à Ouagadougou, au Burkina Faso. « La disparition du cinéaste une grande perte pour le Sénégal et pour l’Afrique », a souligné le Président sénégalais Abdoulaye WADE après avoir appris son décès à Paris.
Bibliographie
1956 : Le Docker noir
1957 : Ô pays, mon beau peuple
1960 : Les Bouts de bois de Dieu
1962 : Voltaïque
1964 : L’Harmattan
1965 : Le Mandat
1973 : Xala
1981 : Le Dernier de l’Empire
1987 : Niiwam, suivi de Taaw (éditions Présence africaine)
Filmographie
1963 : Borom Sarret, court-métrage
1963 : L’empire songhay, court-métrage documentaire
1964 : Niaye
1966 : La Noire de… (scénariste, réalisateur)
1968 : Le Mandat (Mandabi) (scénariste, réalisateur)
1970 : Taaw, court-métrage
1971 : Emitaï (Dieu du tonnerre) (scénariste, réalisateur)
1974 : Xala (scénariste, réalisateur)
1976 : Ceddo (scénariste, réalisateur, acteur)
1987 : Le Camp de Thiaroye (scénariste, réalisateur)
1992 : Guelwaar
2000 : Faat Kiné
2003 : Moolaadé (scénariste, réalisateur)
Distinctions
1966 : Prix Jean Vigo avec le film « La noire de… ».
1968 : le prix de la critique internationale au Festival de Venise pour « Le mandat » 1988 : le prix spécial du jury pour « Le camp de Thiaroye ».
2001 : Prix Harvard Film Archive décerné par l’Université Harvard de Boston
2004 : Prix du meilleur film étranger par la critique américaine pour « Moolaadé »
2004 : Prix spécial du jury au festival international de Marrakech, au Maroc
2004 : Deux prix au festival de Venise.
2004 : Prix Un Certain Regard à Cannes
2006 : Officier dans l’ordre de la Légion d’honneur de la République française.