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CHEICK FANTAMADY CAMARA (cinéaste, réalisateur) « On recolte les fruits de notre absence d’identité  »

Zacharie Acafou | | Cinéma

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Silence, ça tourne ! Caméra au poing, Cheick Fantamady Camara ne cesse de surprendre tant pas son ingéniosité que par les messages profonds que véhiculent ces films. Né en Guinée en 1960, ce cinéaste talentueux signe en 2000, son premier court métrage « Konorofily » qui obtient le prix du Fespaco 2001. Suit Little John et « Bê kunko » en 2004 qui obtient le poulain d’argent du Fespaco 2004

D’ou vous viens votre passion pour le cinéma ?
La passion pour l’Art vient de très loin pour chaque homme. Etre artiste c’est une passion de naissance, c’est un don surtout que mon pays la Guinée était un pays très culturel au moment de la Revolution et comme j’ai grandi à cette période là, cela a réveillé quelque chose de naturel en moi et voilà ce qui m’a fait artiste.

Quand on regarde la plupart de vos réalisations notamment votre dernier film « il va pleuvoir sur Conakry » l’engagement social y est fort présent . Mais vous réfusez toujours l’appellation de cinéaste engagé…
Non mais je ne sais pas si on doit me considérer comme artiste engagé. Je pense qu’ être engagé c’est se mettre au service d’un mouvement, d’un groupe. Non moi je ne me considère pas sincèrement comme artiste engagé mais si les gens qui voient mes films me considèrent ainsi, je ne m’impose pas à leur idée. J’écris des choses qui me touchent, j’aime pas me taire quand j’ai des choses à dire.Est ce une dénonciation ou une description ? je ne sais pas , je dis et j’écris simplement ce qui me touche.

Vous y dénoncez de façon claire et nette traditions, religions et mœurs africain…
Oui effectivement comme vous le dites, dans ce film il ya beaucoup de mélange, je pense que c’est une saga sociale qui traverse toute les complexités qui existent en Afrique.Le côté tradition et religion, il y’a la politique la liberté de la presse, la lutte pour la jeunesse. Ce film résume toute une société. La recherche de l’idendité est un peu le leitmotiv de ce film , c’est un peu le langage principal de ce film, on s’est laissé berné par toutes ces cultures, par toutes ces religions colonisatrices qui sont venues bafouer nos comportements et finalement on ne sait plus sur quel pied danser . Je mets tout cela dans le même panier pour essayer de voir ou de retrouver ma vraie identité.

Cette recherche d’identité on peut bien la voir à travers les deux personnages principaux de votre film Bibi et Kesso qui ne peuvent s’aimer à causes de certaines contraintes traditionnelles et réligieuses qui s’imposent à eux…
Je décris là une situation de malaise. Vous savez la vraie tradition africaine ne s’est jamais opposé à l’amour entre deux êtres. C’est bien la faute des religions musulmanes et chrétiennes, ce sont elles qui ont modifié nos comportements.L’Afrique a toujours eté libre, démocrate, la place de la femme y a toujours été fondamentale. C’est la faute aux colonisateurs, aux religions islamiques et chrétiennes et voilà où nous en sommes aujourd’hui.

Contre toute forme de réligion donc ?
On peut le dire ainsi. De toute façon moi j’ai aucune attache avec la religion.Croyant certes, mais pas réligieux. Mais vraiment pas.(d’un air très sérieux ;ndlr) Je pense qu’à partir du moment où j’accepte cette main mise spirituelle, c’est comme si j’acceptais la colonisation ou la traite négrière.Nous sommes la race la plus piétinée de la planète parce que justement nous n’avons aucune identité.Et ça c’est vraiment dommage pour nous.

Revenons un peu sur votre film  « Il va pleuvoir sur Conakry ». Qu’est ce qui explique un tel titre ?
Pleuvoir c’est un peu une métaphore. Ca signifie toucher, laver toutes ces pratiques, toutes ces religions, toutes ces cultures, toutes ces choses malsaines qui nous ont aujourd’hui conduites à la dérive. C’est un titre qui touche un peu à tous les thèmes de la société africaine. Qu’on arrête juste de nous prendre pour des moutons avec tout cela.

… Ok ! Parlons un peu cinéma. Qu’est ce qui selon vous freine l’émergence du cinéma africain ?
Déjà pour faire du cinéma il faut avoir des soutiens. En Afrique il n’y en a pas. On ne peut pas compter sur l’Etat aujourd’hui pour faire un film. On vous fera attendre un temps fou , après le passage dans différentes commissions pour ne serait ce que tourner un film de quelques minutes. Y’a forcémént un problème.Les Etats africains ne nous accordent aucune place. Il existe certes des structures, des aides au cinéastes comme par exemple chez moi en Guinée mais ça dépend vraiment des pays. Les Etats africains ne portent aucun regard sur le cinéma, à peine même s’ils nous considèrent.

C’est d’ailleurs pour cette raison que la plupart des films africains reçoivent des subventions occidentales….
Non c’est plutôt tous les films africains. Je ne connais pas un seul film africain qui ne soit pas subventionné par les Etats occidentaux. Peut être qu’il en existe mais moi je n’en connais pas. Je pense qu’il nous faut absolument créer une structure globale africaine autour du cinéma. De cette façon on arrivera à faire de très grandes choses. Mais si nous restons toujours les bras croisés, il est clair que la dernière place nous reviendra toujours.

Notre interview touche à sa fin quel message auriez vous voulu qu’on retienne de votre dernier film « Il va pleuvoir sur Conakry »
Tout simplement si tu ne sais pas où tu vas, sache au moins d’où tu viens. Ces quelques mots résument la pensée générale de ce film parce qu’aujourd’hui on a l’impression que notre continent ne sait pas d’où elle vient ni où elle va. Il vous suffit juste de voyager pour voir comment l’Afrique est perçue. A force de voyager cette expérience je l’ai vécue. Ce n’est pas du péssimisme mais c’est juste une réalité.

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