Amog LEMRA (Auteur, réalisateur) : « On est pas encore conscient en Afrique que le cinéma peut rapporter gros à un Etat »
Le cinéma africain s’en-va-t-en-guerre…Depuis quelques années des réalisateurs connnus ou tapis dans l’ombre s’efforcent malgré des moyens peu conséquents à faire émerger le cinéma africain dans son ensemble. Un combat qui se veut très difficile mais qui à force de volonté et de courage donne quelques signes d’espoir pour les inconditionnels du 7eme art. Entretien avec Amog Lemra, jeune réalisateur de 33 ans originaire du Congo brazzaville et auteur de 2 films : « La tombe d’un rêve » sorti en 2007 et le dernier « Qui perd gagne » dont la sortie est prévue pour bientôt…
D’où vient la passion que vous avez pour le cinéma ?Pour répondre à la question, je dirai toute de suite que la passion pour le cinéma est venue un peu tard. J’avais une très grande passion pour l’écriture en général, j’écrivais régulièrement des poèmes, des textes engagés et à vrai dire , la passion pour le cinéma est né au Maroc.J’étais figurant dans le film « La chutte du faucon noir » de Ridley Scott à Rabat Salé et en voyant tout ce mécanisme cinématographique, tout cet univers autour de moi j’ai ressenti une vraie attirance et je me suis dit qu’il fallait que je fasse cela. C’est de là qu’est partie cette passion pour le cinéma. Et il faut dire aussi qu’à mes débuts, j’ai eu le soutien du métteur en scène Ildevert Medart.Il a vraiment été un modèle pour moi dans le sens où il m’a encouragé à faire ce métier.Il y’a eu aussi le cinéaste Guy Désiré Yaméogo qui lisait mes scriptes et y apportait des corrections. Je me suis vraiment épanouis dans ce que je fais grâce à ces personnes.
Votre dernier film en date « La tombe d’un rêve » donne une image assez dure de l’immigration africaine en Europe à travers notamment le rôle tragique que campe l’acteur Alphonse Demeho . Est-ce une expérience vécue personnellement ou juste une vision que vous relatez ?
Non je ne pense pas, on n’a pas besoin de vivre quelque chose personnellement pour bien la relater, pour bien en parler. C’est un quotidien qu’on réfuse de voir, un quotidien assez caché qu’on a voulu montré dans le film. L’itinéraire tragique par exemple de l’acteur principal est une réalité que vivent un nombre incalculable d’immigrés .La sœur qui traite son grand frère de tous les noms parce que dernier vit sous son toit etc…Ce sont des situations qu’on voit très souvent. La scène par exemple de la femme blanche qui fait ses bésoins dans la rue…c’est une image certes dûre mais c’est souvent la réalité. Certaines personnes m’ont dit qu’elles étaient choquées en voyant cette image. Je ne pense pas qu’il y’ait un mal à montrer la misère d’une partie de l’Occident surtout qu’en retour, ces occidentaux ne se privent pas à montrer les images dures de l’Afrique dans leurs films. Je me souviens d’une colonie africaine au Maroc , à la présentation de ce film qui m’a demandé si j’étais venu la décourager pour qu’elle ne tente plus l’aventure européenne. Je leur ai dis non qu’il s’agissait juste d’une réalité souvent cachée que je retraçais c’est tout.
Parlons un peu cinéma africain. La plupart des sorties cinématographiques viennent majoritairement d’Europe et sont présentées dans les festivals de films en Afrique. Est ce qu’un vrai film africain ne peut plus se faire en Afrique ?
Vous savez ,l’Afrique regorge tellement de talents. Le vrai problème qui se pose au niveau des réalisateurs c’est le manque de volonté venant des politiques pour investir dans ce secteur. On est pas encore vraiment conscient que le cinéma peut rapporter beaucoup à un Etat. Je pense que les dirigeants africains n’ont pas encore compris cela ou réfusent de le comprendre.
Et vous ne pensez pas être en partie responsables ? C’est vrai que jeter la pierre aux autres peut nous ôter toute reponsabilité…
Non on ne peut nous remettre en cause face à cette situation. Au grand jamais ! On peut faire certes le premier pas mais déjà il faut que ceux qui sont au devant de la scène nous reçoivent. On ne peut pas se dresser contre une personne et imposer notre règle du jeu. C’est impossible ! IL faut que le terrain soit propice et il ne l’est pas malheureusement. Pour construire quelque chose, il faut que chacun soit d’accord , il faut qu’il y’ait une volonté individuelle sinon rien ne marchera. Cette volonté, les Etats ne l’ont pas donc que voulez vous qu’on fasse.
On constate tout de même une émergence plutôt favorable du cinéma africain…
Une émergence qui espéront continuera…Il y’a une vraie volonté je pense, un vrai désir d’exprimer ce qu’on ressent. Vous savez, je pense que les africains en ont marre de voir la misère à travers tous les films qui leur ont été présentés depuis toutes ces années. Ces hûtes, ces enfants décharnés, ces guerres…Il y’a d’autres choses que les africains veulent voir.Moi je suis toujours choqué de voir dans les films africains ces calebasses, ces maisons en cases et autres images dégrandantes de notre continent…
C’est une réalité de l’Afrique non ?
Je suis d’accord mais vous savez, dans ce genre d’images, la nouvelle génération ne s’y reconnaît pas, elle ne s’identifie pas vraiment à ce genre d’image présentés dans les films. Mais il n’ya pas que la misère en Afrique à ce que je sache… La joie de vivre, la famille. Quand la plupart de européens viennent en Afrique c’est bien pour profiter de cette joie de vivre et non le contraire. Donc qu’on arrête un peu avec « le cinéma calebasse » comme le disent certains africains.
D’autres projets en vue ?
Oui déjà aller présenter mon film « La tombe d’un rêve » au Fespaco et y présentez pourquoi pas aussi d’autres projets. Sinon je continue à travailler avec mon collaborateur Max Cenar sur pleins d’autres projets… Et si j’ai autre chose à ajouter, je dirai qu’on essaie d’être nous même parce que quand on veut imiter une personne et que cette personne change ou meurt, on se perd très vite car on ne s’identifie plus à rien. Je pense que quand on reste authentique on ne meurt jamais.
Ok merci pour le mot de fin et bonne continuationMerci aussi à vous pour cette interview et à très bientôt.