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 7e art Roger Gnoan Mbala, cinéaste. « Le Cinéma ivoirien va rebondir !  »

Marcel Appena | | Cinéma

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Gnoan Mbala, une référence dans le 7e art ivoirien. C’est donc avec beaucoup d’aisance qu’il aborde les problèmes qui minent ce secteur. Mais, optimiste il l’est quant à la renaissance du cinéma ivoirien.

Aujourd’hui, quel est l’état de santé du cinéma en Côte d’Ivoire ?
Le cinéma ivoirien est agonisant. Il est entrain de périr. Il y a certes des velléités. Mais si on doit dresser un bilan, depuis cinq ou six ans, on se rend bien compte qu’il n’y a véritablement pas grande chose. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas le réveiller ou le soigner. Il faut une thérapie de cheval, fort et efficace.

Concrètement de quoi souffre le 7e art ivoirien ?
Le diagnostic est tout simple. Le cinéma a besoin de structure et d’une organisation précise. Il y a eu des tentatives. Mais, elles n’ont pas réussi à l’enraciner. La technique et les moyens évoluent. Il faudrait donc maintenant songer clairement et sans équivoque à mettre en place une structure pour animer le cinéma ivoirien.

Vous connaissez la racine du mal. Mais rien n’est fait pour apporter les solutions idoines ?
Il ne faut pas demander cela aux cinéastes. Ce sont des artisans de l’image. Un pays doit s’accaparer de son cinéma. Parce que c’est un secteur très important au niveau de l’éducation, de la distraction, de la communication, de la formation… Dans les pays où la production, l’exploitation et la distribution des films sont bien organisées, le 7e art est encore dynamique. En toute sincérité, pour moi et tous les amis cinéastes, l’État doit organiser ce secteur. Il l’a fait pour bien d’autres. Pourquoi pas le cinéma ? On ne lui demande pas d’être le pourvoyeur total. Mais au moins, on veut qu’il l’organise. Notamment à travers des lois et la mise sur pied d’une structure capable de l’animer comme je le disais tantôt. Les cinéastes pour leur part, feront ce qu’ils ont à faire.

Vous l’avez dit tantôt, malgré l’agonie du 7e art ivoirien, il y a quelques velléités. Peut-t-on avoir l’avis du professionnel que vous êtes sur les récents films ivoiriens ?
Il y a lieu d’encourager ces jeunes qui se lancent dans le cinéma. Mais, si rien n’est fait, ils font tomber dans le découragement et l’oubli. Il faut aider cette jeunesse. Cette structure que nous réclamons tant doit donc voir le jour. Heureusement qu’on a une lueur d’espoir. Le président Gbagbo a annoncé la création de l’office ivoirien du cinéma.

Sur le plan purement technique, vous pensez que les productions qui sortent ces derniers temps sont assez bien faites ? Sont-elles compétitives aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale ?
Vous m’embarrassez ! Vous m’embarrassez … Je pense que ce sont des films. C’est un traitement de l’image. On parle de film familial. Si quelque a une camera, et s’il filme sa famille ou un mariage, c’est un film. Ce secteur extrêmement démocratique. Mais il y a la technique, l’écriture, les enjeux… A ces différents niveaux, c’est tout autre chose. Je ne veux pas qualifier ces films actuels. Mais je crois qu’il faut encourager ceux qui les font. Parce que c’est en se frottant qu’on apprend et qu’on évolue. Il faut les amener à s’améliorer. C’est important.

Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, qui est cinéaste ? Qui est réalisateur ? Est-ce qu’après avoir été comédienne, plusieurs années durant, il suffit de se mettre derrière la caméra, pour dire qu’on est réalisateur ?
Un film doit être fait pour un public de connaisseurs. Si vous faites un film qui reste dans les tiroirs et ne dépasse pas les frontières ; ou encore, s’il reste dans un circuit B, il faut s’engager à faire mieux. On peut être cinéaste en étant comédien. Ce n’est pas nouveau. Il y a des comédiens qui à force de voir faire, s’initient et passent derrière la caméra. Il y a aussi des ouvriers de plateaux qui sont devenus après, de grands cinéastes. C’est une question de disposition et de talent. Mais, il faut le dire, n’importe qui ne peut pas se jeter dans la réalisation pour dire que je suis entrain de faire des films. Au Nigeria, il y a un circuit qui produit pas mal de films. Mais ils se limitent à la simple consommation locale. Un film doit épouser toutes les techniques cinématographiques. Au demeurant, il doit véritablement être regardé comme un vrai film.

Aujourd’hui on est à l’heure du numérique. Quel est son impact sur la production des films ?
Le numérique facilite la tâche aux cinéastes. Hier, là où il fallait vingt techniciens, aujourd’hui on ne demande que cinq. Ce qui veut dire qu’on amoindri les charges. Mais je pense qu’il faut savoir utiliser le numérique à bon escient. De toutes les façons, il y a une perfection qui s’opère. De sorte qu’au niveau du transfère des images du numérique sur le pellicule, la qualité reste toujours de mise ; à commencer par la couleur des images. Mais il reste que la direction des acteurs, qu’elle soit tournée en numérique ou en pellicule, cela dépend du talent du réalisateur.

Votre dernier film ‘’Andagaman’’ remonte à très longtemps déjà. Y a-t-il quelque chose que vous êtes en train de préparer en ce moment ?
Je ne me fixe pas de délais. Je laisse le temps couler. Cela me permet de bien observer la société en mutation. Chez à Grand-Bassam, on patient. On est fin observateur… Et au moment opportun, on se signale. Tous les artistes adoptent cette attitude. Il ne faut pas se précipiter. Car ce n’est pas le volume des films qui compte. Il faut prendre le temps de bien regarder pour mieux cerner les réalités. Aujourd’hui, avec la guerre que vient de connaître la Côte d’Ivoire, il y a un foisonnement de sujets. Mais il ne faut pas se lancer dans une aventure lorsqu’on n’est pas sûr de commercialiser un film. Il n’y a même plus de salle de cinéma en Côte d’Ivoire. Et c’est bien dommage !

Quand vous n’avez pas de films à tourner, qu’est-ce que vous faites ?
Je voudrais tendre une perche à la télévision ivoirienne au nom des cinéastes. Entre deux films, la télévision doit récupérer les cinéastes. Il faudrait qu’on puisse s’impliquer dans la fabrication de documentaires, et des feuilletons à la télé. C’est notre boulot. Jusque là entre la télévision et les cinéastes, il n’y a pas cette relation. Il y a un blocage et une barrière systématique. C’est une très grosse erreur. Il faudrait que les responsables de la télévision et les cinéastes se rencontrent. Ils doivent faire un programme pour la télévision, dans la limite des moyens de cette télévision. Et conformément à sa vision, pour le bonheur des Ivoiriens. Le peuple ivoirien en a énormément besoin. Il a besoin de voir sa culture, sa propre personnalité et sa propre image. Le fait est que les Ivoiriens sont dans la même sphère géographique. Mais ils ne se connaissent pas assez. La culture des uns est ignorée par les autres. La télévision doit y remédier.

Vous êtes pourtant passé par TV2, la seconde chaîne de télévision ivoirienne. Qu’est-ce que vous avez fait à ce propos ?
Lorsque j’était à TV2, on avait initié une série documentaire, (‘’Sankofa’’) que j’animais. Je voyageais à travers la Côte d’Ivoire pour montrer les différentes facettes de la culture ivoirienne. On a actuellement des contacts avec le directeur de la première chaîne de télé, M. Brou Amessan. Nous allons reprendre ce magazine culturel social pour que les Ivoiriens apprennent à se connaître davantage.

Le président de la République de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo préconise la création d’un office ivoirien du cinéma. Sur la question, y a-t-il quelque chose qui est entrain d’être fait au niveau des professionnels du cinéma ivoirien ?
Oui, nous avons été contactés par le ministère de la culture et de la francophonie. Il nous a fait des propositions. Une première mouture de l’office nous a été présentée. Le ministère nous a aussi demandé de réfléchir sur le sujet. Entre cinéastes, on a travaillé. On a fait des propositions. Des documents ont été renvoyés par la suite au ministère. Ça bouge à ce niveau.

Pensez-vous que si cette structure voit le jour, ce sera le remède pour guérir le 7e art ivoirien de ses maux ?
Il ne faut pas créer une coquille vide. Il faut tirer les leçons des erreurs du passé. Et par rapport aux autres pays où le cinéma marche, il y a lieu de voir comment aménager l’office qui va naître. De la sorte, qu’une fois crée, elle ne soit pas une feuille de paille ou une simple action d’éclat. Nous voulons une institution solide qui dure aussi longtemps que possible. C’est pourquoi le ministère de la culture prend son temps pour bien réfléchir. Une fois l’office mis sur pied, avec les moyens et le matériel conséquent, le cinéma ivoirien va rebondir…

Vous participez des festivals en dehors de la Côte d’Ivoire. Comment les professionnels des autres pays perçoivent le 7e art ivoirien ?
A l’extérieur, le cinéma ivoirien est très bien respecté. Il a de la valeur. Il est très diversifié. En ce sens qu’il y a différentes écoles. On a aussi de grands talents. Duparc reste Duparc. Il y aussi Désiré Ecaré, Timité Bassori, Jean Louis Koula, Fatiga Kramo… À l’extérieur, on ne fait pas piètre figure. Loin de là.

Il n’y a pas de cinéma sans salles de projection. Les salles à Abidjan et à l’intérieur du pays sont pratiquement tous fermées. La plupart, devenues des temples de Dieu. Quel avenir ?
Pour le moment, c’est la catastrophe. La religion nous a vidé des salles. Et nous sommes sortis par la fenêtre. Au niveau de l’office qui sera mis en place, il ne faut pas ignorer ce volet. Il faut élaborer une politique peut-être départementale ou régionale. Toujours est-il qu’il faut inciter chaque conseil général à créer au moins une salle. Il faut faire en sorte que les gens aient le goût du cinéma en salle. Pas seulement de la télévision. Parce que c’est totalement différent. Il faudrait peut-être insérer ce volet dans la politique global de l’office du cinéma. De toutes les façons, pour que le cinéma ivoirien marche, il faut nécessairement des salles. Il faut les animer à nouveau pour que les films existent réellement.

Vous avez espoir que le cinéma ivoirien va renaître de ses cendres ?
Je disais au début de cet entretien que le cinéma ivoirien est dans le coma. C’est nous les médecins et les chirurgiens. On va prendre nos blouses et nos bistouris pour aller en salle d’opération. Et tenter de le réveiller. Oui, il y a de l’espoir.

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