Photo art à la fondation Donwahi/ Ananias Leki Dago Le grand retour
On ne l’avait pas revu depuis belle lurette sur les bords de la lagune Ebrié. Cette exposition à la fondation Donwahi était pour lui le moment de marquer un retour triomphal de l’enfant prodige des arts visuels ivoiriens et particulièrement de la photographie. Il a été avec un noyau d’artistes un des rares à persévérer dans sa passion qu’est la photo.
Ananias a parcouru le monde. Il s’est arrêté dans plusieurs capitales. Son objectif a saisi les plus belles images de ses découvertes. Mais, il a aimé l’Afrique. Celle qui s’offre à vous comme une proie facile. Une cache de trésor dont, seuls les curieux mais instinctifs décodeurs savent en trouver l’originalité.
Photographie afropolitaine est le titre de sa dernière exposition solo qui lui donne l’envie d’échanger avec ses amis, ses frères qui ne savent pas toujours ou le retrouver. Ils se sont souvent demandé, « mais où peut –il bien se trouver Ananias à cet instant précis ? Qu’y fait-il ? Qui voit-il ? » Un paquet de questions dont la réponse ne peut se trouver que dans cette expo. Comme pour dire, à ce niveau de la vie professionnelle, on ne voyage pas pour rien. On ne visite pas rien et pour rien. On ne s’informe pas pour la forme. On ne se promène pas pour rien. On n’attend pas le lever ni le coucher du soleil pour rien. Bref, tout est matière ici. Et Ananias le sait si bien. Lui, qui est parti depuis 20 ans par là. Reste maintenant à le rendre en faisant l’effort de recréer et inoculer une infime partie des sensations vécues par soi –même. Encore faut-il réussir au premier round.
Et ce vide. Ce vide entre le spectateur et l’image. Cette distance, qui, jamais ne sera comblée entre les deux entités et qui représente tout le mystère de la photographie est la passion du « chasseur ».
Le chasseur d’images. Et pour nous involver dans son univers, Ananias nous offre Bamako (Mali), Nairobi (Kenya) et Johannesburg (Afrique du Sud) sur place. Tout ce qu’il y a de limpide, d’original. Son objectif et son antique pellicule (surtout en Argentique) capte des sujets dont les ombres n’ont pas de nationalité mais revendiquent leur africanité. Elle s’affiche par des clichés calibrés de son vécu quotidien. Le teint, les véhicules de transport en commun (magbana à Bamako). Les tôles ondulées des ghettos de Nairobi et les barriques échauffantes de Jobourg.
Ananias, membre fondateur du mouvement artistique le Daro Daro (en 1996) offre au visiteur-voyeur toute l’originalité qu’un fou du numérique ne verrait pas. Il transporte ses voyages avec lui dans l’objectif de son appareil photo. Il joue des ombres et des lumières. L’index prend tout le temps qu’il faut, sur la cinquième pellicule (500 asa sinon plus). Les pixels on s’en fout. Puis, il shoote en faisant apparaitre la parfaite perspective pour mettre chacun dans une boite. Noire de préférence. Ses sujets sont pris à froid, sans urgence ni précipitation. Sans la gerbe de couleurs qu’offrirait une numérique autofocus dernière génération. Mais, d’une originalité sans contexte. Il sait faire des photos.
Avec lui, nous avons voyagé. Sa trace rappelle nos premiers papiers au desk Culture. Nous arpentions, assoiffés de faits culturels, les vernissages et autres costumières. Ça retrempe ce genre de grand’messe. Merci Ananias!
Olivier Yro