Mort d’Édika, figure majeure de la bande dessinée et pilier du magazine Fluide Glacial

Le monde de la bande dessinée perd l’un de ses esprits les plus singuliers. Édika, auteur emblématique et collaborateur historique du magazine Fluide Glacial, s’est éteint ce mardi 16 décembre, à la veille de son 85ᵉ anniversaire. Avec sa disparition, c’est tout un pan de l’humour absurde et débridé de la BD française qui s’éteint, laissant derrière lui des générations de lecteurs orphelins de son univers inimitable.
Un parcours atypique, de l’Égypte à la presse satirique française
Né en 1940 à Héliopolis, en Égypte, Édouard Karali commence sa vie professionnelle loin des planches de bande dessinée, dans le domaine de la publicité. Ce n’est qu’après son installation en France qu’il se tourne pleinement vers le dessin et la narration graphique.
Ses premiers travaux trouvent leur place dans les pages du magazine Pilote, référence incontournable de la BD française. Mais c’est à partir de 1979 que son nom devient indissociable de Fluide Glacial, revue culte fondée par Gotlib, où Édika déploie sans retenue son humour absurde, dérangeant et joyeusement anarchique.
Un univers foisonnant et une signature reconnaissable entre mille
Dans un message publié sur les réseaux sociaux, Fluide Glacial a rendu hommage à l’imaginaire foisonnant de l’auteur, peuplé de personnages devenus mythiques : « des punks poétiques, des athlètes à la grâce bodybuildée ou divas à fortes poitrines, le chat Clark Gaybeul et son personnage-dessinateur, Bronsky Proko, qui sont aujourd’hui sans doute aussi tristes que nous de la disparition de leur créateur ».
Le magazine salue également une œuvre hors normes, rappelant qu’Édika restera « le Prince de la déconnade et de l’humour absurde, le champion de l’inattendu, le maître de l’acrobatie narrative et de la non-chute, le roi des couvertures emblématiques ». Une reconnaissance à la hauteur d’un auteur qui n’a jamais cessé de collaborer avec la revue tout au long de sa carrière.
Une œuvre prolongée jusqu’aux dernières années
Jusqu’à récemment, Édika continuait de nourrir son univers. En 2018, les éditions Fluide Glacial publiaient encore un album mettant en scène Bronsky Proko et son inséparable chat vert Clark Gaybeul, figure discrète mais récurrente, clin d’œil assumé à la coccinelle de Gotlib dans La Rubrique-à-brac.
L’influence du maître n’avait d’ailleurs jamais été un secret. Édika l’avait reconnu avec une franchise teintée d’admiration dans une interview accordée aux Cahiers de la bande dessinée à la fin des années 1980 : « La première fois que j’ai lu Gotlib, je me suis dit : « Merde, il y a un type qui fait ça, donc on peut le faire, on a la permission de le faire ! » ».
Avec la mort d’Édika, la bande dessinée française perd bien plus qu’un auteur : elle dit adieu à un créateur libre, imprévisible et profondément original, dont l’héritage continuera de nourrir l’humour graphique pendant longtemps.
Issa Koné
Mots-clefs : Édika