Exposition de photographies de Christine Avignon à Saint-Malo Visage-buso
Christine Avignon (plus connue en tant que photographe sous son nom africain « Ngilozi ») expose une série de trente portraits en noir et blanc au centre Allende, à Saint-Malo (Bretagne) jusqu’au 30 janvier 2010. L’artiste envisage la photographie avant tout comme un moyen d’échange et de partage. Elle n’est pas toujours d’accord avec les règles de plus en plus strictes du droit à l’image actuellement en vigueur en Europe et aux États-Unis.
Christine Avignon aime les gens : les riches, les pauvres, les jeunes, les vieux… Elle considère que tous, ils ont quelque chose à lui enseigner, à nous enseigner. Il suffit de prendre le temps de les regarder, de voir leur expression changer devant un paysage, un goéland, un kouign-amann… Comme elle le dit souvent, aujourd’hui plus personne n’a le temps, de rien: pas le temps de téléphoner, alors on envoie un texto, pas le temps d’aller prendre un verre dans un café, alors on chate en visio, pas le temps de prendre son vélo et d’aller faire un tour sur la digue, alors on achète un vélo d’appartement… Elle, elle a de la chance, parce que justement elle en a, du temps. Après avoir travaillé comme une forcenée et s’être faite exploitée pendant des années par diverses institutions en tant que professeur de français pour étrangers, elle a réalisé à l’approche de la quarantaine que ce qui était important ce n’était pas l’argent, mais le temps… Le temps qui passe et que l’on perd, le temps qui nous enlève des êtres chers. Elle a commencé à prendre des photos, pour figer l’instant, capturer un regard, un sourire, une larme, un reste de chocolat au coin des lèvres… des visages d’enfants, d’adultes, de vieillards. Des visages gais, tristes, en colère. Des visages abîmés, d’autres en pleine santé. Alors qu’elle vient d’appuyer sur le déclencheur, que l’image est enregistrée, elle appartient déjà au passé. C’est peut-être pour ça qu’elle a choisi de les montrer en noir et blanc, tous ces visages. Ou peut-être aussi parce qu’elle trouvait ça plus joli. Ou parce qu’elle était nostalgique d’une époque révolue, qui ne reviendra plus… qui sait.. et qu’importe ! Finalement ce qui compte, c’est le résultat !
Seulement voilà, le jour où elle a voulu les exposer, ces portraits, on lui a dit qu’elle ne pouvait pas, parce qu’elle n’avait pas les autorisations signées des personnes qu’elle avait photographiées. Les autorisations de qui, de quoi ? Doisneau et Nadar, ils en avaient, eux, des autorisations ? Et Avedon, et Anton Corbijn, ils en ont ? Elle s’est mise en colère, peut-être parce que comme elle l’admet sans hésiter, elle a un sale caractère, mais surtout parce qu’elle n’aime pas le monde dans lequel on vit, un monde où tout est interdit. Puis finalement elle s’est fait une raison. Pour tous ces visages-là, elle n’avait aucune autorisation, mais elle pouvait recommencer avec d’autres. C’est ce qu’elle a fait : elle a repris son appareil (un reflex numérique, Olympus), mais désormais quand elle sort, elle a toujours sur elle une dizaine d’autorisations, qu’elle fait signer systématiquement par les gens qu’elle photographie. Il lui arrive parfois d’oublier ces fameuses autorisations, alors dans ce cas elle note toujours les coordonnées des « modèles », pour les recontacter plus tard si elle décide de mettre leurs photos sur son site ou de les exposer.
Le sacro-saint « Droit à l’image », fléau du XXIe siècle, qui empêche les photographes de travailler… Elle reconnaît que « c’est une protection, cela évite de porter atteinte à la vie privée »… mais ce qu’elle croit surtout, c’est que certains ont bien vu qu’il y avait là un sacré filon pour se mettre du fric dans la poche. Ceux qui préfèrent l’argent au temps. Mais tant pis,elle se plie à la règle, et c’est comme ça que vous pouvez découvrir tous ces visages aujourd’hui. Elle espère qu’ils vous plairont, qu’ils vous parleront, qu’ils vous raconteront des histoires… et comme elle est une utopiste dans l’âme, elle espère aussi qu’ils vous donneront envie de regarder les personnes qui vous entourent. Parce que c’est important, de regarder. Comme dit souvent son ami le peintre éthiopien Yared Nigussu : « Tant de choses se cachent derrière un visage ».
Site de la photographe : www.christineavignon.com